Chapitre 14

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 Jo venait de se réveiller, bien avant que son réveil ne sonne. Il faut dire qu'elle était excitée et nerveuse face à la journée qui l'attendait.

Elle avait reçu le scenario de la comédie romantique qu'elle attendait tant. Tout était parfait, rien à redire ! Elle avait donc donné son accord, mais l'équipe de production souhaitait tout de même lui faire passer un casting. Simple formalité, lui avait-on indiqué. Il n'empêche qu'elle se retrouvait à stresser comme lors de ses premiers essais. Et si, finalement, elle n'était pas persuasive en comédie romantique ? Et si elle n'arrivait pas à être crédible en lesbienne ? Et si l'alchimie ne passait avec aucune autre comédienne, mais qu'un super duo se formait entre les autres participantes ? Quelle que soit sa notoriété, elle savait que rien n'était jamais joué d'avance. Et puis elle avait entendu dire que l'autrice serait là en personne. Ca la terrifiait : serait-elle à la hauteur des personnages qu'elle avait créés ? La décevrait-elle ? A quoi pouvait-elle bien ressembler ?

Jo secoua la tête à cette dernière question. Qu'est-ce que ça pouvait bien faire ? Elle pourrait bien être bleue avec des oreilles pointues, ça ne changeait rien... si ? Et pourtant, elle n'arrivait pas à stopper ses pensées, toutes convergentes vers cette femme inconnue... Elle la voyait châtain, avec des yeux clairs. Peut-être vert émeraude. Pourquoi vert émeraude ? Elle l'ignorait... Et de toutes façons on s'en fichait. Sauf que non... Elle continua à imaginer cette femme, aux cheveux longs, à la peau claire... non, halée. Une légère fossette à la joue droite, rehaussant un regard mutin, profond, et des lèvres pulpeuse. Avec une poitrine généreuse, soulignée par une taille fine mise en valeur dans un chemisier de soie rouge... Plus elle y songeait, plus ses pensées commençaient à se confondre avec le fantôme de son rêve érotique. Au point qu'une chaleur intenable vint la gagner dans le creux des reins. Sans vraiment s'en rendre compte, et parce qu'elle n'y tenait plus, elle glissa sa main dans ses sous-vêtements humides et se laissa aller...

Elle-même ne savait pas vraiment ce qu'elle faisait, comme si son corps était passé en mode automatique. Son bassin dansait lentement, tandis que ses doigts composaient une symphonie des plus savoureuses, tour-à-tour en elle et en surface. Elle n'avait jamais connu cette sensation. Elle était pleinement maîtresse de son plaisir, et en même temps, elle avait l'impression de ne plus être aux commandes de quoi que ce soit. Sa main s'agita un peu plus profondément, tandis que l'autre était remontée sur ses seins dont elle frôlait les tétons endurcis. Puis elle n'en pu plus, et elle passa à la vitesse supérieure, accélérant le rythme des vas-et-viens, pour finalement trouver le petit bouton miraculeux et le titiller lentement, délicatement, puis plus vite, encore plus vite, encore, ne pas s'arrêter là, oui... Oui !

Le corps encore crispé de désir assouvi, les oreilles sourdes aux bruits qui l'entouraient, elle avait l'impression que son cœur allait sortir de sa poitrine. Elle avait du mal à réaliser ce qu'elle venait de faire. Pourtant, sa main et ses draps trempés ne lui laissaient pas oublier. Même ses cuisses étaient humides après cette petite séance matinale. Mais que lui était-il arrivé ? Comment en était-elle arrivée à.. à se... Elle n'arrivait même pas à formaliser le mot en pensée. Elle était complètement perdue. Beaucoup plus détendue qu'au réveil, certes, mais elle ne se reconnaissait pas. Et pourtant, elle ne pouvait clairement pas nier avoir pris du plaisir. Son lit non plus d'ailleurs ! Elle n'arrivait pas à se lever, ses jambes encore cotonneuse et les tympans encore assourdis. Pourtant, elle allait devoir reprendre ses esprits. Et ne surtout plus y penser. Le mettre dans un coin de sa tête. Un coin reculé. Très reculé. Et se doucher surtout ! Ce qui risquait de la mettre en retard, alors qu'elle était en avance.

Elle finit par retrouver l'usage de ses membres et se glissa hors du lit. Elle roula en boule le haut qu'elle avait encore sur elle, retrouva le bas et sa culotte qu'elle ne se souvenait même plus avoir retirés, puis se rendit à l'évidence qu'elle devait aussi changer les draps. Elle prit l'ensemble et jeta le tout dans la machine avant de finir elle aussi au lavage. Alors que l'eau chaude coulait sur sa peau encore moite, elle chassait de son esprit l'image fantasmée de cette femme qui faisait à nouveau crépiter son bas-ventre. A croire qu'elle s'était beaucoup trop imprégnée du roman et du scénario si elle en arrivait là. Il fallait qu'elle se ressaisisse et vite : son lit n'était pas le lieu où incarner son personnage. Elle devait garger cela pour le tournage. Et avant cela, elle devait convaincre l'équipe aujourd'hui.

Elle descendit dans la cuisine avec une bonne heure de retard sur ce qu'elle avait prévu, mais elle était encore dans les temps. Le rendez-vous était dans le bâtiment de l'agence de Jack et de la maison d'édition, son taxi n'arriverait que dans une trentaine de minutes. Elle pouvait donc prendre tranquillement son thé. Elle fit chauffer l'eau et déposa le scenario sur la table pour le relire une fois encore. Une façon aussi d'occuper son esprit pour ne plus le laisser vagabonder, ni penser au fait que ses sous-vêtements ne seraient probablement pas secs de toute la journée...

Le son de sa sonnerie la fit sursauter : c'était la société de taxi :

« Bonjour, Madame Johns ?
- Oui.
- Vous aviez commandé un taxi ce matin, pour dans une demi-heure environ, c'est bien ça ?
- En effet, répondit Jo sans savoir où son interlocutrice voulait en venir.
- Je suis sincèrement navrée, mais votre chauffeur a un contre-temps. Il aura une heure de retard minimum.
- Pardon ?
- Je vous présente toutes nos excuses : un gros accident a eu lieu et bloque tout le centre de Londres.
- Vous ne pouvez pas m'envoyer un autre chauffeur ?
- Celui-ci est le plus proche, je le crains. »

Jo commença à paniquer. Elle pouvait éventuellement tenter de se rendre à son rendez-vous à pieds, mais cela allait finir en bain de foule, et sans staff pour gérer cela, les choses pouvaient vite dégénérer. Pour un trajet de cette longueur, ce n'était pas envisageable. Quant à Jack, il n'était pas disponible. Elle n'avait aucune solution à portée de main.

« Je n'ai pas d'autre choix que de l'attendre malheureusement, souffla Jo.
- Encore une fois, nous vous présentons toutes nos excuses. Il va de soit que la course ne vous sera pas comptée.
- Si vous pouviez lui dire de faire au plus vite, même si je comprends bien qu'il fait déjà ce qu'il peut.
- Bien sûr madame. Ce sera fait. »

Jo raccrocha, dépitée. La journée prenait décidément un sale tournant... Elle n'avait plus qu'à croiser les doigts et espérer un miracle... Et prévenir la directrice du casting. C'était la moindre des choses.

Elle retrouva son numéro dans ses mails et appela, mais personne ne décrocha. Rien d'étonnant : ce devait être le rush là-bas. Plutôt que de laisser un message vocal, elle opta pour un texto. Elle n'eut pas à attendre longtemps avant de recevoir une réponse : « Donnez-nous votre adresse. Quelqu'un vient vous chercher ». Jo sourit une solution semblait finalement poindre son nez. Elle répondit donc et annula son taxi.

Quarante-cinq minutes plus tard, elle entendit klaxonner devant sa porte. Elle prit ses affaires et sortit pour se retrouver nez-à-nez avec un scooter et...

« Nick ?!
- Ton valeureux chevalier sur son destrier de métal...
- Mais...
- Je n'allais pas laisser notre meilleure cliente dans le pétrin. Allez, monte ! lui dit-il en lui jetant un casque.
- Je te revaudrai ça !
- Ne t'inquiète pas, répondit-il alors qu'elle montait derrière lui. Accroche-toi, car c'est effectivement le chaos sur la route aujourd'hui, et nous risquons d'être en retard. »

Puis il démarra son vieux scooter comme s'il s'agissait d'une Harley et débuta une course folle entre les voitures, Jo s'accrochant à lui comme à son rêve de comédie romantique.

DilEmmaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant