Chapitre 17

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Une larme brûlante roule sur ma joue et vient s'écraser contre la page de mon cahier, faisant couler l'encre fraîche de mon stylo.

- Arrête, m'ordonne Camélia en essuyant la bavure avec un mouchoir.

Sa phrase résonne dans la gigantesque et lumineuse bibliothèque remplie de livres. Ce matin, tout est calme, les allées sont quasiment désertes. Il n'y a que nous et notre farandole de manuels éparpillés sur la table.

- J'y arrive pas, lui dis-je la voix déchirée, en laissant tomber ma tête dans mes bras.

Il est parti. Il a disparu. Depuis le soir où il m'a planté un couteau dans le cœur, je ne l'ai plus revu. Sa voiture s'est envolée, elle aussi. Pas une explication, pas un mot, il est juste parti, comme un fantôme. J'ai l'impression que c'est ce qu'il sait faire de mieux.

Les jours passent et se ressemblent, les semaines défilent et me consument. Lorsque je suis seule le soir, je me surprends à pleurer. De tristesse ou de colère ? Je ne saurais le dire. Et les mots réconfortants de Camélia n'y font rien. 

Mon âme se fissure à mesure que le temps passe. Mon propre chagrin m'asphyxie. Je devrais être heureuse de savoir cet homme dangereux loin de moi. Mais à la place, je me sens mourir à petit feu. Plus rien n'a de goût, de saveur, de sens. 

Pourquoi lui, putain ? Je ne le connais même pas. Je ne sais pas ce qu'il fout au milieu de la nuit, ni même dans quelles activités effrayantes il trempe. Pourtant son absence me terrasse. Si vous saviez comme c'est dur, comme ça fait mal. Me voilà seule, une nouvelle fois rejetée, moi qui ai déjà tout perdu et qui redoute l'abandon. On raconte que plus on craint une chose, plus elle est difficile à vivre lorsqu'elle arrive. C'est cruellement vrai.

Sans cesse, je revois ses mains sur mon corps, sa bouche contre la mienne. En triste souvenir, il ne m'a laissé que ces bleus sur les cuisses, lorsque ses doigts, embrasés par le désir, se sont enfoncés dans ma peau. Quelques fois, je les regarde dans le miroir en les effleurant. Je m'y accroche comme pour me convaincre que tout ça était bien réel, que la chaleur qui brûlait en moi était aussi vive en lui.

Tellement de questions amères me restent en travers de la gorge. Est-ce que je l'attirais vraiment ? Avait-il lui aussi, depuis le début, des sentiments ? Ou m'a-t-il utilisée ? Avait-il trop bu ? Peut-être s'est-il rendu compte que finalement je le dégoûtais. Peut-être que je n'étais pas assez bien pour lui, pas assez intéressante, pas assez belle. 

Je le déteste, je me déteste. Je suis naïve et bête. Bordel, comment ai-je pu en arriver là ? Je revois la porte qui claque. Je ressens son absence. Quel enfoiré.

Iris, tu dois arrêter, me lance Camélia exaspérée.

- J'aimerais bien, qu'est-ce que tu crois ? lui dis-je en relevant le visage, les yeux humides.

- Il est parti depuis des semaines ! Merde, rends-toi à l'évidence, il ne reviendra pas.

- Merci de me le rappeler, t'es vraiment une pote en or toi dis donc !

- En plus on ne sait rien de lui. Si ça trouve, il mène une vie parallèle, avec une femme, des enfants et tout le tralala...

- Camélia, putain arrête !

- Je fais ça pour ton bien, pour t'ouvrir les yeux, qu'est-ce que tu crois ?!

Elle me dévisage et adoucit le ton face à mon chagrin débordant :

- Tu me fais peur ma puce. Tu es en train de sombrer, je t'en prie, ressaisis-toi.

J'essuie la larme qui glisse sur ma joue lorsqu'une voix chaleureuse nous interrompt :

Monomanie - Tome I - Rouge passionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant