J'ai tout laissé en plan chez moi.
Je suis partie au petit matin, ou plus exactement, je me suis enfuie. J'ai fui loin de ces horreurs, de tous ces problèmes, avec seulement quelques habits de rechange dans un sac. Pas la peine de m'encombrer vu le fardeau que je porte depuis hier soir.
Sur le quai grisâtre de la gare Montparnasse, l'air est frais, la fatigue bien présente sous mes yeux, la douleur toujours lancinante dans mon dos. Chaque respiration réveille des crispations dans mes tripes, l'effroi ne me quitte plus. Je suis épuisée, je n'ai pas pu fermer l'œil de la nuit et j'ai peur de ne plus jamais le pouvoir.
Lorsque le train arrive à quai, une masse de monde compacte s'agglutine au niveau des bornes d'accès. J'ai l'impression d'être dans une réalité parallèle. J'avance au milieu de la foule qui fourmille mais c'est comme si plus rien n'avait de sens autour de moi. Mon sac de voyage dans la main, je longe le train et cherche mon wagon. Encore des wagons... Cette pensée me glace le sang.
Je prends place dans mon siège en grimaçant de douleur à cause des bleus dans mon dos et laisse ma tête glisser contre la fenêtre. Mes écouteurs dans les oreilles, je regarde le paysage verdoyant défiler à grande vitesse sous mes yeux. Mais je n'arrive pas à m'ôter ces souvenirs terrifiants de la tête : le sang dans la poussière, le bruit de cette nuque qui se brise, le son de la mort, l'odeur de la faucheuse balayée par le vent. La vie qui, en une fraction de seconde, prend fin. Comme celle de mes parents, ce soir d'hiver.
L'existence, le crime, puis le vide. J'en ai des frissons, mon corps refuse cette réalité, il la rejette à travers des vagues de spasmes.
Je repense à sa rage, sa force, ses yeux noirs comme les ténèbres... Sous la lumière de la pleine lune, Caleb ressemblait à une bête assoiffée de chair fraîche qui n'aspirait qu'à tuer... Comment des mains capables d'une telle douceur à mon contact peuvent être responsables d'un tel désastre ?
En arrivant chez moi hier, je vous avoue que j'ai beaucoup pleuré. Puis j'ai décidé de confronter mon déni. J'ai inséré la carte SD de mon appareil photo dans mon ordinateur pour faire face aux images que j'ai capturées la veille. Pour me convaincre que tout ça n'est pas un mauvais cauchemar, que je ne suis pas folle, que je n'ai pas tout inventé.
Mais bordel, oui, tout est réel.
Et malgré ça, malgré la haine et le dégoût que Caleb devrait m'inspirer, dès que je ferme les yeux, ce sont des flashs de nos étreintes qui m'envahissent, nos moments de tendresse qui me reviennent en mémoire. C'est mal, complètement dingue, inexplicable, mais... c'est comme ça.
Cet homme n'était pas le même lorsqu'il partageait mon lit. De nouveau mon cœur se serre. S'est-il servi de mon être, de mon corps, au point de ne faire de moi qu'un simple pion sur son grand et machiavélique échiquier ? Moi qui croyais avoir toutes les réponses à mes questions en me rendant à ce rendrez-vous, me voilà encore plus perdue.
L'espace d'un instant, je me demande ce qu'aurait été notre vie s'il n'était pas... ce qu'il est. Une âme froide, pire, un trafiquant doublé d'un tueur. En somme, l'associé du Diable. S'il avait été un homme... normal. L'aurais-je aimé aussi fort qu'aujourd'hui ? Putain, Iris, pourquoi tu continues à t'en soucier ? Tu n'es qu'une idiote responsable de ton malheur.
J'essuie la larme sur ma joue tandis que le quai de la gare bretonne apparaît progressivement.
- Saint-Malo, terminus ! annonce le commandant de bord au micro.
Dehors, le vent de la mer dessine une douce mélodie à l'oreille et l'odeur iodée me replonge instinctivement dans mes souvenirs d'enfance.
Lorsque je l'aperçois appuyée contre sa Coccinelle vintage, avec ses cheveux blancs coupés au carré et ses ongles manucurés, un sourire se dessine instinctivement sur mon visage. Je suis à la maison.
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Monomanie - Tome I - Rouge passion
RomanceSa peau. Son parfum. Son regard. Pourquoi ce voisin m'obsède-t-il ? Que cache cet homme arrogant ? Il ne laisse dans son sillage que doutes, mystères et questions sans réponses. Ses yeux bleu lagon agitent mes nuits. Sa froideur hante mes jours. J...