Monomanie - Tome I - Rouge passion

Chapitre 6

Je veux savoir. Comment est-ce possible d'avoir une tonne d'habits et de ne jamais savoir quoi se mettre sur le dos ? Quelqu'un trouvera-t-il, un jour, la réponse à cette foutue question ?

Face à mon dressing débordant et désorganisé, je tire la tronche. J'ai l'impression d'être dans l'un de ces épisodes affreusement bidon de Sex and the City - mais avec moins de budget et plus de bordel.

Résumons la problématique : j'aime l'idée d'être sexy, mais je ne veux pas en faire trop. Je veux être à l'aise, mais que ce soit chic. Je sais que vous voyez exactement ce que je veux dire. J'opte donc - après trente minutes de réflexion qui auraient pu se résumer à dix petites secondes - pour une robe bustier noire, élégante mais irrévérencieuse, accompagnée de bottes hautes à talons. 

Nickel.

Je lisse mes longs cheveux que je laisse tomber le long de mon visage. Pour le maquillage, je mise sur des yeux foncés, presque charbonneux, et une bouche naturelle. Un look rock mais habillé, élégant mais un brin provocateur. 

Parfait.

Cette soirée va nous faire du bien, les amis. Personnellement - et je pense que vous ne me contredirez pas - j'ai besoin de me changer les idées. 

Je repense à Isaac, puis inévitablement à mon étrange voisin, et j'en conclus que mon goût irrationnel et maladif pour les ennuis va finir par me jouer des tours si je continue. J'ai déjà trop souffert, à bien des égards, pour pouvoir m'égarer encore une fois.

Mais alors que je divague dans mes pensées, une odeur de cigarette me ramène brutalement à la réalité. Elle semble venir de l'extérieur et attise (pour changer) ma curiosité.

Je me rapproche de la fenêtre entrouverte et entends une voix grave, enivrante, que je reconnais immédiatement : celle de Caleb. Tiens, quand on parle du loup... Et, non, je ne dirai pas le fin de ce dicton. Vous avez vraiment l'esprit mal placé.

Caleb doit être sur un balcon, en train de fumer, mais où ? Il pourrait être partout, à gauche, à droite, en haut, en bas... Impossible de savoir et je ne me risquerais pas à glisser une tête pour regarder.

- C'est la dernière fois que je te préviens, tu m'entends ? crache-t-il d'une voix menaçante qui me glace le sang.

Je me fige et tends l'oreille, sourcils froncés. 

J'entends des grésillements qui laissent présumer qu'il est au téléphone et que son interlocuteur au bout du fil est en train de lui répondre. Quand soudain, Caleb le coupe violemment :

- FERME TA GUEULE ! Ne me cherche pas ou tu vas le regretter au plus profond de toi.

Un silence résonne ponctué de nouveaux grésillements.

- Je n'aime pas me répéter, c'est la dernière fois que je te le dis. Il te reste peu de temps, alors agit vite. Sinon j'arracherai chaque organe de ton corps de mes propres mains.

Puis plus aucun bruit, l'odeur de fumée disparaît elle aussi. Il a dû raccrocher.

Je m'éloigne de la fenêtre à pas de velours, confuse. Je n'en reviens pas. Il était si... sympa. Un vrai petit rayon de soleil.

Plus sérieusement, de quoi pouvait-il bien parler ? Les questions fusent dans mon cerveau lorsque mon téléphone vibre, me faisant sursauter. 

Un SMS m'indique que Camélia est en bas. Ça suffit Iris, oublie ce foutu voisin. J'enfile une veste et claque la porte. Il est temps de me vider la tête.