Monomanie - Tome I - Rouge passion

Chapitre 29

Les jours passent et le trou dans ma poitrine ne se referme pas. Mon bourreau n'a peut-être pas appuyé sur la gâchette ce jour-là, mais c'est bel et bien comme si j'avais pris une balle en plein cœur. 

Après avoir attisé mes sentiments pendant des mois, Caleb a violemment soufflé sur les braises pour éteindre la passion qui naissait en moi. En un simple claquement de doigts, il a brisé la seule chose qui me faisait me sentir vivante. À présent, et parce qu'il l'a égoïstement décidé, c'est comme si j'étais morte et assistais à mes propres funérailles, étouffée par les cendres de mon chagrin.

Un soir, mes nerfs ont lâché. J'ai frappé à la porte de Camélia et je me suis effondrée sur son palier en larmes. 

Assise sur son canapé, je lui ai tout raconté, de long en large, sans mentir, avant de me laisser tomber dans ses bras. Passé le choc de mes annonces, elle a essayé de trouver un sens à ce désastreux bordel :

- Peut-être que tout ça n'est qu'un jeu pour lui, m'avait-elle dit, dépitée, en me caressant les cheveux.

Peut-être qu'elle a raison, finalement. Et dans ce cas, quel jeu cruel et inhumain. 

Car même si je hais Caleb, même si je veux l'oublier, ce n'est pas aussi simple. Malheureusement pour moi, des sentiments aussi puissants - même à sens unique - ne disparaissent pas sur commande. Et les mots, de leur côté, restent ancrés. « Je ne t'ai jamais appréciée. » « Il n'y a jamais rien eu d'autre que de la haine. » Ses paroles me hantent, sa voix résonne comme un écho assassin dans ma tête. Bordel, ce que ça fait mal. 

Mais il me reste une chose à accomplir, à laquelle je me raccroche pour tenter de refermer ce terrible chapitre de ma vie et, peut-être, en tirer quelques bénéfices : clore mon enquête.

Lorsque j'ai raconté mes découvertes à Camélia, sur ces vols de tableaux, ces inscriptions dans les dossiers de police et ce mystérieux rendez-vous nocturne auquel je comptais me rendre, elle a écarquillé les yeux :

- Tu es folle Iris ? Est-ce que tu rigoles ?

- Non, je n'ai rien à perdre, tout à gagner, ai-je répondu, sûre de moi. J'enchaîne les déceptions, ma vie est un champ de ruine, il faut que j'y donne un sens. Et c'est l'opportunité que j'attendais.

Toutes ses mises en garde n'y ont rien changé, je suis déterminée, animée par une volonté de vengeance réparatrice. Aller au bout de cette enquête, lever le voile sur les secrets de Caleb, est une intime question de survie, le seul moyen de faire mon deuil. Un maigre lot de consolation pour tenter de lutter contre cette tristesse qui me ronge. 

Et ça tombe bien, car nous sommes le jour J et il est déjà minuit.

Comme en pilotage automatique, j'enfile ma tenue d'espionne, noire et discrète, composée d'un legging moulant, d'une veste et d'une casquette. Je fourre dans mon sac à dos des jumelles, un appareil photo, mon téléphone et mon fameux plan de la ville annoté. 

La main posée sur la porte de mon appartement, prête à partir, je marque un arrêt alors que des frissons parcourent ma colonne vertébrale. Est-ce de la peur ou de la colère ? Je réfléchis un instant, mes pensées se chamaillent. Ne suis-je pas en train d'aller trop loin ? Stop. Peu importe. 

Je n'ai pas fait toutes ces découvertes pour en rester là. Il est temps de mettre définitivement fin à toute cette histoire en allant chercher les réponses dont j'ai besoin. C'est mon chemin de croix et je vais aller jusqu'au bout. Qu'importe le prix à payer pour la vérité.

Je claque la porte de mon appartement, démarre ma voiture et fonce dans l'obscurité en direction de la gare Rosa Parks, le lieu que j'ai identifié comme celui du rendez-vous. À quelques mètres du point d'arrivée, j'éteins mes phares et roule au pas jusqu'à ce que la petite gare désaffectée, éclairée par des spots lumineux, apparaisse au loin.