Chapitre 4

930 60 357
                                    

Vous allez être fiers de moi. Ces quinze derniers jours, j'ai pris le rythme : levé à 7 h 30, thé à la cannelle, petite dose de JT, préparation, puis départ à 8 h 30 tapantes. Des retards ? Occasionnels. Oui, occasionnels, promis.

Mais je dois aussi vous dire que... chaque matin, je vois cette Porsche démarrer et ses phares s'allumer. Chaque matin, je suis tout aussi intriguée alors que cet inconnu prend le même chemin que moi, sans que jamais je ne découvre son visage. Je sais. Moi aussi je me trouve ridicule à en faire tout en plat, mais c'est plus fort que moi.

Ce jour-là, alors que je me dirige vers ma voiture et que le soleil baigne d'une douce lumière le parking, je jette un coup d'œil presque mécanique du côté de la Porsche.
Mais cette fois-ci, je me fige net. Style 1, 2, 3 soleil.

Pour la première fois, le mystérieux conducteur est là, à plusieurs mètres de moi. Il se tient de dos, marchant vers son véhicule, une cigarette fumante à la main. Rien qu'à sa démarche, à son allure, je peux déceler le charisme qui émane de lui. Un charisme si atypique qu'il retient instantanément l'attention.

Il est grand, athlétique, large d'épaules. Mais pas à la façon de ces garçons qui se dopent à la salle de sport, non. Il est imposant, taillé comme un dieu grec dans la pierre, tout en force et en tranquillité.
J'ai l'impression qu'il a les cheveux courts, coupés de près, ce qui lui donne un air redoutablement viril. J'avoue. Il porte un manteau noir, sous lequel je crois déceler une chemise blanche. Un homme aussi impressionnant que sa voiture pouvait le laisser présumer.  

- Bonjour, dis-je sans même m'en rendre compte.

Oups. Merde.

À cet instant, je réalise que je viens de parler à voix haute et que je ne peux plus rattraper mes paroles qui résonnent dans le parking où règne un calme plat. Je me pince immédiatement les lèvres de honte et sens le rose me monter aux joues.
Mon Dieu Iris. Pourquoi es-tu aussi spontanée ?! Pourquoi ta parole va toujours plus vite que tes pensées ?! Hein ?!

Vous vous souvenez quand je vous disais que j'étais maladroite ? En voilà la preuve - même si on s'en serait tous bien passé.
Sur l'instant, j'ai presque envie de me gifler, mais je reste plantée là, comme une idiote.

Cigarette à la bouche, l'inconnu se retourne et me dévisage en restant tapit dans la pénombre, ce qui m'empêche de bien distinguer les traits de son visage. Je ne vois que la braise orange de sa clope se consumer alors qu'il tire lentement une latte dessus.

- C'est à moi que vous parlez ? demande-t-il crûment en recrachant sa fumée.

Sa voix est grave et glaçante, tout en étant suave et enveloppante. Elle semble tout droit sortie des limbes, ce qui me donne presque la chair de poule.

Je déglutis alors que mon cœur s'emballe.

- Je... Oui. À qui d'autre, sinon ?

Mon tempérament de feu prend légèrement le dessus sur ma gêne. Je ne sais pas si c'est mieux, ou si c'est pire. Taisez-vous, je sais que vous vous dites que c'est pire.

Comme dans un duel, nous restons plantés l'un face à l'autre quelques secondes, puis il me répond sur un ton plat, impassible :

- Alors bonjour.

Ah.

Il jette sa cigarette au sol et l'écrase sous sa chaussure. Sans que je ne sache pourquoi, ce geste m'intimide, il m'effraye presque. Quelque chose de sinistre, d'étrangement sombre émane de cet homme. On dirait qu'il n'est pas du genre sociable, plutôt du style « ne me faites pas chier ».

Monomanie - Tome I - Rouge passionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant