Chapitre 5

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Lorsque le réveil retentit ce vendredi matin, il me fait l'effet d'une crise cardiaque. Violente et très douloureuse. J'ai déjà connu plus agréable.

Autant vous dire que ma nuit a été courte. Encore sonnée de ce qui s'est passé la veille, je reste un instant allongée, blottie sous la couette, les yeux rivés vers le plafond pour calmer les émotions qui s'agitent en moi.

Le comportement d'Isaac - ce minable - a complètement dépassé les limites. Mais, de vous à moi, ce qui retient mon attention c'est... cet inconnu. Et cette brutalité... Sérieux, je n'en reviens toujours pas. Il sort d'un jeu vidéo, ou quoi ? Et puis, qu'est-ce qu'il faisait là ? Mais surtout, que se serait-il passé si cet étranger n'était pas intervenu ?

Je me mordille un instant les lèvres en pensant à voix haute :

- Il faudrait peut-être que je le remercie...

Après avoir émergé et pris une bonne douche, je réalise que je suis sacrément en retard. Ne me réprimandez pas, cette fois, j'ai une excuse. Une vraie.

Je m'habille en vitesse, fait l'impasse sur mon thé et descends les cheveux encore mouillés jusqu'au garage. J'angoisse un peu, mais au fond de moi, j'espère que ce matin encore mon voisin sera là. Car c'est décidé, je tiens à lui parler.

Lorsque j'arrive dans le parking, je l'aperçois au loin, prêt à entrer dans sa voiture. Bingo ! Je m'avance vers lui en me dépêchant de l'interpeller avant qu'il ne file plus vite que son ombre :

- Bonjour ! dis-je le plus naturellement possible dans cette situation terriblement gênante.

Il s'interrompt, se relève et me regarde de haut en bas d'un air intimidant, son bras appuyé sur la portière ouverte. Alors qu'il me domine de toute sa hauteur, je sens subitement mon courage prendre la poudre d'escampette.

Je tente un léger sourire pour attendrir mon entrée en matière, tandis que je rabats une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

- Bonjour, me répond-il sèchement, après un instant à me toiser.

Bon, lui montrer mes jolies dents n'a visiblement eu aucun effet... Ça va aller Iris, garde la face !

Si proche de lui, je ne peux m'empêcher d'observer son visage en détail. Son regard est profond, glacial et... chaleureux à la fois. Ses traits semblent raconter une histoire, dont j'ai le pressentiment qu'elle est cabossée. Il doit être un peu plus âgé que moi, de quelques années peut-être.

Puis je me rends compte qu'il a une tâche sous l'œil : un méchant coquard bleuté. Étrange, je suis pourtant certaine qu'hier soir, il n'avait rien au visage...

Tout à coup, les souvenirs de cette nuit où je l'ai observé à travers le judas me reviennent comme un boomerang en pleine tête. Je meurs d'envie de savoir ce qu'il faisait avec cette caisse en métal, comme je meurs d'envie de savoir d'où vient ce coquard. Mais je n'en dirais évidemment pas un mot.

Il est pour le reste toujours aussi élégamment habillé, avec un costume gris foncé, sûrement taillé sur mesure. Son parfum ambré reste en tête comme une musique dont on ne peut se défaire. Je me sens presque ridicule avec mes cheveux encore mouillés et ma mine fatiguée. Note à moi-même pour l'avenir : travailler mes entrées.

Je remarque que son regard ne me lâche pas. Sûrement me dénigre-t-il après ce qu'il s'est passé... 

- Merci pour hier, dis-je finalement d'un ton hésitant.

- Pour quoi au juste ?

Il se fout de ma gueule ?
Sa réponse me surprend. Son indifférence m'énerve presque.

Monomanie - Tome I - Rouge passionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant