Chapitre 28

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Je me souviens de m'être endormie d'épuisement au sol, au pied de la porte. 

Mais lorsque j'émerge de mon sommeil agité, je suis dans le lit de ma chambre et je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est. Je sais juste que le soleil est levé et que... mes affaires ont disparu. Quelqu'un est visiblement entré alors que je dormais pour tout prendre. 

Je ne comprends pas, mais je m'en fiche. J'ai mal à la blessure que j'ai au bras, les draps en sont tachés de sang, mais je m'en fiche. Je veux juste savoir si Caleb est en vie. C'est tout ce qui m'importe.

Je dévale l'escalier en courant, débarque dans le salon et lâche un soupir de soulagement en posant les yeux sur l'objet de mon inquiétude. Merci Seigneur. 

Caleb se tient de dos sur la terrasse, avec Ambroise, Dahlia et la mer face à lui. On dirait cependant que personne ne m'a remarquée.

- Tu es en train de commettre une erreur, dit Ambroise à Caleb, le visage défait.

- Non, le coupe Dahlia. Tu as pris la bonne décision, elle en sait déjà trop et pourrait compromettre toute l'opération.

- Il doit y avoir une autre solution, renchérit Ambroise.

- Arrête ! s'agace Dahlia. On va déjà devoir rendre des comptes pour ce qu'il s'est passé hier soir. Il faut stopper les dégâts tant qu'on le peut encore.

- C'est injuste, lâche Ambroise.

- C'est trop tard. Et avec la vie que tu mènes, dit-elle en regardant Caleb, tu ne pourras jamais rien lui offrir.

- Taisez-vous, grogne Caleb. Je ne veux plus vous entendre. Dégagez maintenant.

- Mais...

- DÉGAGEZ, s'emporte-t-il en levant la main.

Dahlia m'aperçoit, fronce les sourcils, récupère son sac à main et se dirige vers la porte d'entrée d'un pas décidé suivie par Ambroise. Arrivée à mon niveau elle glisse :

- Ça ne pouvait pas finir autrement.

Ambroise me tapote l'épaule en s'excusant et suit la rousse pour quitter la maison. Attendez, qu'est-ce qu'il se passe ?

Je m'approche de Caleb qui est maintenant appuyé contre l'encadrement de la baie vitrée, une cigarette à la bouche, un verre de whisky à la main, les yeux plantés dans l'horizon de la mer. Il m'a entendu mais ne se retourne pas.

- Caleb, est-ce... Est-ce que tu vas bien ? murmuré-je timidement en m'approchant de lui.

Il ne répond pas, toujours de dos, en prenant une latte sur sa cigarette. 

J'ai la douloureuse impression que le monstre en lui a pris le dessus. Encore une fois. Et tout d'un coup, la peur refait surface en moi.

- Je... Ton frère, je n'en reviens pas. Il est...

- Il n'est rien d'autre qu'un mort-vivant, me coupe-t-il. À l'heure qu'il est, il est déjà derrière les barreaux.

Il termine son verre de whisky cul sec et le jette impulsivement en direction de la mer, par-dessus la rambarde de la terrasse.

- La mort ou la prison, c'est tout ce que méritent les traîtres comme lui, siffle-t-il à voix basse.

- Mais... Pourquoi... Comment...

- Tais-toi, Iris. Ne parle plus de lui, crache-t-il en se retournant brusquement vers moi.

Il sent l'alcool mélangé à la cigarette. Ses yeux sont vitreux, son visage marqué par des bleus et des griffures encore ensanglantées. C'est comme s'il n'avait pas dormi depuis des décennies. Je cherche dans son regard une pointe d'humanité mais je ne vois rien. Je ne le reconnais pas. C'est comme s'il avait égaré son âme au cours de cette nuit terrible.

Monomanie - Tome I - Rouge passionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant