La ville représentée est fictive, inspirée à minima de Gainesville en Floride. Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d'une pure coïncidence.
Esteban,
Avril 2024,
Les larmes coulent sur mes joues. Je peine à couper le contact. Je n'ai pas mis les pieds à Quercus depuis mon départ. Je n'ai pas revu Meredith depuis ce soir-là.
Je n'avais pas prévu de revenir à Quercus, encore moins dans ces conditions. Mon enfance a été une tempête à huis clos. J'ai grandi à l'ombre d'un amour brisé. Mes parents se sont séparés à cause de l'addiction au travail de ma mère et au ras-le-bol de mon père. Elle est revenue reprendre son poste de flic, ici, nous laissant seuls avec mon paternel. Ce drame familial a façonné mon caractère, me rendant plus empathique, mais aussi plus méfiant envers l'éphémère, rendant mes relations plus compliquées à bâtir sûr de solides bases. J'ai passé des nuits à écouter les murmures et les pleurs de mon père au travers de sa porte de chambre. Il l'aimait toujours, se résignant à la laisser partir pour de bon. Sa peine m'a affecté toute mon adolescence et je crains qu'elle me bloque à présent dans le passé.
Ma mère s'appelait Angela. Elle a été assassinée lorsqu'elle était en service. Elle avait découvert un trafic de faux médicaments et d'humains. Malgré notre déménagement, elle n'avait cessé de vouer sa vie à son travail et en particulier à cette enquête. Elle nous avait laissés pour revenir à Quercus. Elle ne l'avait pas cessé même à des centaines de kilomètres d'ici.
Je n'ai pas été présent dans sa vie après son départ. Dans son malheur, mon père a perdu les pédales et a réussi à me faire penser qu'elle m'avait abandonné. Ce n'était pas vrai. La boîte en carton qui se trouve sur mon siège passager en est la preuve. Elle m'a laissé de nombreuses lettres que mon père ne voulait pas que je lise. Elles ne sont même pas ouvertes.
Je dois prendre mon courage à deux mains pour sortir de la voiture. Je me dirige sous le porche et frappe à la porte. Ma grand-mère ouvre la porte et m'accueille en m'attirant vers elle et m'enlace. Quelques larmes accompagnent notre étreinte. Je dépose tendrement un baiser sur sa joue.
— Mon tout petit Esteban. Je suis heureuse de te voir. Tu as tellement changé. Ta mère... Ta mère aurait été fière de toi, tu sais. Elle me manque...
— Mamie, dis-je avec peine, incapable d'exprimer quoi que ce soit d'autre.
Les remords brûlent encore mon âme, comme un feu couvant sous la cendre, me rappelant sans cesse le poids de mes erreurs passées. J'aurais pu tenir tête à mon père, ne pas l'écouter et prendre le premier train, le premier avion pour lui rendre visite. Je me suis privé de ma mère et de ma grand-mère bien trop longtemps, simplement pour compatir à sa douleur. Egoïstement il m'a gardé près de lui, abimant l'adulte que je suis devenu.
Idiot. Dis-lui qu'elle te manque aussi.
— Ce n'est pas ta faute. Ce n'est pas grave, souffle ma grand-mère comme si elle était capable de lire à travers mon regard. Je ne dis rien.
Elle m'invite à entrer, m'emmenant dans le salon. Sur la table se trouve une enveloppe épaisse en papier kraft accompagnée d'un trousseau de clés. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. Je l'ouvre avec hésitation, découvrant les papiers de propriété d'une usine désaffectée. Celle qui se trouve en bord de rivière, non loin de la clairière où je me baladais étant plus jeune. Celle où j'observais la nature et les papillons en compagnie de Meredith.
Je me pétrifie, dirigeant mon regard bleu sur ma grand-mère. L'incompréhension m'envahit. J'ai souvent rêvé secrètement de la posséder, m'imaginant en être l'architecte. Je ne capitulerais pas si je ne voyais pas ma grand-mère déposer un sac de sport rempli d'argent sur la table.
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Thècle [DARK ROMANCE]
RomanceHanté par le meurtre violent de sa mère par les sbires de l'Ordre, Esteban foule à nouveau le sol de Quercus, sa ville natale. Guidé par le souvenir du regard émeraude de Meredith, la seule qui a su faire battre son cœur hors ses limites, il se lanc...