Thècle [DARK ROMANCE]

6. A l'ombre de l'Ordre

Meredith,

Le soleil filtre à travers les vitres teintées de la Thècle, projetant des ombres dansantes sur le bar en merisier. Assise sur un tabouret haut, perdu dans mes pensées, j'ai totalement délaissé l'écran de mon ordinateur portable et surtout la pile de papier concernant l'administration du club. Un rappel de la réalité qui contraste avec les cruels bouleversements récents.

Ma réflexion dérive vers Esteban et nos retrouvailles nuancées d'amertume. Je lui ai avoué être en partie responsable du massacre de sa mère. Je me sens coupable. Cet aveu résonne encore dans mon esprit. La douleur et la colère qu'il a ressenti était palpable, et je sais qu'il mènera ce combat quoi qu'il en soit, quoi qu'il puisse arriver.

Je laisse échapper un soupir et je tressaille lorsque Aïden se glisse de l'autre côté du bar pour me faire face. Il dépose deux tasses de café fumantes près de nous. De son tendre regard, il me fixe avant de murmurer :

— Il n'a pas l'air de faire beau sur ton petit nuage...

— Le temps y est pluvieux. Le vent souffle. J'ai bien peur d'en tomber... avoué-je avec un sourire triste qui embrume mon visage.

La conversation s'engage alors tout naturellement vers les derniers événements. Il prend la parole en premier. Il est bien plus bavard que moi. Ses rayons lumineux éclaircissent l'ombre qui pèse.

— Tu ne m'avais pas dit qu'Esteban était si mignon. Et si...

— Tourmenté, le coupé-je avec un petit rictus.

Il arrive presque à remplacer mon sourire contrarié par un moins torturé. Il soupire sans me quitter des yeux, les faisant rouler. Je dois l'exaspérer, je suis incapable de trouver des mots plus apaisés.

— J'allais dire si gentil. A sa place, j'aurai massacré sa tignasse blonde ! s'exclame-t-il en levant les bras manquant de renverser son café.

J'écarquille les yeux. Une tignasse blonde ? Ça ne peut qu'être Archi'. Qu'a-t-il pu avoir fait encore ? Je soupire intérieurement, mais les traits qui se dessinent sur mon expression me trahissent.

— Qu'est-ce qu'il a fait encore ? craché-je maladroitement.

— Il a clairement tapé sa crise de jalousie sur Esteban. Je voudrais pouvoir le défendre, mais non. C'est un connard, ajoute-t-il.

— C'est mon mec, haussé-je les épaules.

Je ne supporte plus la petite guéguerre qu'Aïden et Archibald mènent depuis le début de notre relation. Il va me falloir à présent gérer celui contre Esteban et son retour.

Archi' n'apprécie pas que je passe autant de temps auprès de Sarah. Et la seule raison que j'ai trouvée est qu'elle est la grand-mère d'Esteban.

— Evidemment. Bref. J'ai des nouvelles de tu sais quoi, m'apprend-il soudainement pour éloigner le sujet sur Archibald.

— Je t'écoute.

— Des membres de l'Ordre étaient présents au club ce week-end. J'en ai profité pour récupérer la bande son des caméras. Je n'ai pas pu tout intercepter. La séparation entre leurs voix et la musique aussi forte que les cris d'une dinde n'a pas été une mince affaire.

— T'égare pas. Continue, le menacé-je alors qu'il se plaint encore de la musique de la boîte.

— Avoue que c'est vrai pour une fois. Après tout, c'est pas toi qui gères la récup' de données derrière, poursuit-il pour continuer de me donner tort.