Thècle [DARK ROMANCE]

18. Entre les remparts

Meredith,

Tossa de Mar, il y a un an environ,

La brise marine caresse mon visage, l'odeur iodée chatouille mes narines et pour donner un sens à tout ça le sable chaud se glisse sur mes pieds au fil de mes pas. Les petits grains se fixent sur ma peau mouillée. Face à moi, Tossa de Mar s'étend avec sa vieille ville perchée sur les remparts. Les maisons aux murs couleur sable et aux volets bleus se blottissent les unes contre les autres. En contrebas, je peux aisément profiter de cette vue avant ma tirade pour convaincre un réputé mercenaire de me venir en aide.

Je dois garder la tête froide après les récents évènements, rester presque impassible, sans émotion de faiblesse. Je dois rester forte. Selon les rumeurs, ce tueur professionnel n'est pas facile et il est limite impossible à négocier. On se l'arrache au prix fort et l'enveloppe laissée par Angela ne sera peut-être pas suffisante.

Je ne peux pas me plaindre, j'ai réussi à obtenir un entretien avec lui, dans moins de vingt minutes. Je n'ai étrangement pas la boule au ventre, ni les jambes qui flageolent. La maladie m'a aidé à me former un nouveau mental, loin de la jeune femme sans défense et faible que j'étais il y a quelques mois déjà. Malgré un traitement à faire dormir un cheval, la soif de vengeance me permet de garder les pieds sur terre.

Les cernes violacés qui ont élu domicile sous mes yeux me font défaut. Aïden dit que j'ai une tête de toxico sexy. Je n'en crois pas un mot. Quant à Archibald, il me dit toujours autant que je suis belle. Je ne sais pas comment il fait pour rester avec un demi-légume croisé avec un lapin sous Xanax. Nous ne sommes ensemble que depuis quelques mois et il me fait sentir aimée telle que je suis et ça me fait un bien fou.

Je remonte la plage en direction de la rue du front de mer. Nous avons rendez-vous à la pizzeria Da Giovanni. Nous n'y allons pas pour manger, mais j'ai l'estomac qui gargouille. Ma montre annonce dix-neuf heures trente. Je déglutis finalement à l'idée de le rencontrer. Un serveur m'accueille avec un grand sourire. Il porte un polo noir floqué « Da Giovanni Pizzeria », ainsi qu'un tablier blanc autour de la taille.

— Bienvenidos a la pizzería Da Giovanni ! ¿ Has reservado ? me lance-t-il dans un espagnol familier.

— Sí, a nombre de EG, tenté-je de répondre avec un accent très approximatif.

— Oh, je reconnaîtrais cet accent américain partout ailleurs. Bienvenue à Tossa ! suivez-moi, répond-il dans un anglais parfait.

Je soupire de soulagement, il parle ma langue et je ne serai pas obligé de sortir mon traducteur. Je le suis, sur la terrasse, et il m'indique une table à l'écart. J'espère au plus profond de moi que j'ai pris la bonne décision de contacter cet homme. Après tout, c'est un tueur hors pair, précédé par sa réputation. C'est un américain et il n'est qu'en mission ici. Je le dérange certainement et surtout avec ma pauvre histoire de trafic d'organes et de médicaments.

Il va me rire au nez...

J'ai à peine le temps de m'asseoir, qu'une voix assez rauque et imposante me surprend.

— Meredith Darnell ? Elijah Grayson, se présente-t-il.

Je lui présente ma main pour une poignée en bonne et due forme, mais je prends un vent. La brise du littoral me suffisait amplement. Il me rend anxieuse. J'ai une envie irrépressible de me gratter l'avant-bras. L'anxiété me gagne, mais je ne dois pas lui montrer.

— Tu devrais manger, t'as mauvaise mine et à en croire ce bruit sourd qui provient de ton estomac, c'est le bon moment pour assouvir cette envie, poursuit-il avant même que je puisse répondre, me faisant également trahir par ma panse.