3. Révélations

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Douce soirée et surtout profitez bien de cette lecture... J'ai hâte de lire vos avis.

Assis sur le canapé du loft de l'usine, je me perds dans mes pensées, me créant des réponses toutes improbables les unes des autres. Je crois devenir fou. Les secondes me paraissent une éternité. Je ne me remets pas de ces retrouvailles. Elle m'avait prise dans les bras, mais c'était une étreinte silencieuse et chaste. Je dois effacer ce souvenir de mon enfance. Ce n'est qu'une illusion, un vestige qui n'a pas eu lieu.

Vous n'étiez que des amis. Tu as été incapable de l'oublier malgré tes relations précédentes. Elles ont échoué pour une seule raison : MEREDITH.

Douze ans avant,

Je vais t'attraper ! Rends-moi mon serre-tête ! s'écrie la petite blonde qui me court après.

Elle hurle plus qu'elle ne me pourchasse réellement. C'est drôle. Peut-être pas pour elle. J'aime vraiment l'embêter. Perdu dans mes pensées, je me fais avoir. Meredith me tombe dessus. Elle a fait le tour de la maison et m'a eu par surprise. Elle est forte. Trop forte. Bien plus intelligente que moi, puisque qu'elle a de meilleures notes à l'école. Mais je suis plus malin ! Ça, je vous l'assure.

Je t'ai eu ! Saleté ! s'exclame la petite fille alors qu'elle vient littéralement de me plaquer au sol.

Je n'ai pas dit mon dernier mot. Je l'attaque en lui faisant des chatouilles. Elle se roule en boule, m'entrainant avec elle.

Tu ne vas pas t'en sortir si facilement ! Craché-je avant de recevoir une poignée de feuilles mortes en pleine figure.

Prends ça dans tes dents ! Et rends-moi mon serre tête ! Rétorque Meredith en m'arrachant l'objet des mains. Trop forte.

Je ne peux pas m'avouer vaincu, alors je la pousse dans le tas de feuilles. Je l'entends m'injurier, puis s'excuser aussitôt. Elle m'attrape par la cheville et me tire pour me faire basculer. Malheureusement, mon genou vient taper sur un caillou dissimulé dans la couche épaisse de feuilles. Je pousse un cri de douleur, enfin, c'est ce que je fais croire à mon amie.

— Oh non ! Este' ! Je suis désolée ! Vraiment ! Me prend-elle en compassion. Tiens, je te le rends ! De toute manière, je ne l'aime pas, ajoute-t-elle.

Elle me donne son serre-tête, il est rose et en forme de tresse. Meredith n'aime pas le rose. Elle préfère de loin le violet et le bleu, comme la couleur de la Thècle. Notre papillon préféré.

T'as raison il est moche ! Je t'en offrirai un violet et bleu, et je collerai un papillon dessus !

J'ai hâte... me murmure-t-elle à l'oreille en venant m'offrir une étreinte chaleureuse.

La semaine suivante, j'arrive à la clairière avec un petit paquet. Il est bleuté avec des paillettes. Je sais que l'emballage va lui plaire, mais je sais encore plus que le contenu lui mettra la larme à l'œil. Elle est comme ça, émotive.

J'avais raison, elle a adoré mon cadeau. Je l'ai confectionné avec l'aide de ma grand-mère. Nous avions acheté pleins de petits papillons que nous avions collés sur un serre-tête violet et rose. Mais le plus important, c'est qu'il y a plus de bleu et plus de violet et ça, ça change tout pour Mere'.

Aujourd'hui,

Je frissonne, puis je soupire longuement. Je me suis évadé l'espace d'un instant. Je suis incapable de dire si cela me procure une sensation de bien-être ou de vide.

C'est l'heure, mon pote ! T'as suffisamment profité de ton subconscient. Debout ! Elle va t'attendre !

Je me passe un peu d'eau sur le visage et prends la voiture pour me rendre à la clairière. Par pure nostalgie, je me gare sur le parking de l'école. Je traverse le terrain de foot, la gorge serrée. Je passe alors par tous les états. Au début, je suis tout enthousiasme, enfin, le petit Esteban en moi l'est. L'enfant est soudain remplacé par l'adolescent mal dans sa peau, sans confiance en lui et dont la détermination est proche de zéro. Vraiment, je suis cet adolescent, solitaire et renfermé. Je me sentais seul et c'est le cas maintenant. Le clair de lune me permet de voir la pointe de mes pieds et rien d'autre. Mais il est là. Je n'ai pas peur. Le sang qui pulse si fort dans mes veines me donne cette impression de puissance alors que ce n'est pas le cas. Je ne suis pas maître de la situation, je la subis, affrontant toutes mes peurs le même soir.

J'ai cette peur de l'abandon, alors que j'ai moi-même abandonné Meredith. Je suis le seul fautif. Je m'en veux de ne pas être revenu pour ma mère. Je m'en veux d'avoir laissé mon père remplir mes pensées par des éléments négatifs. Ses actions m'ont laissé des séquelles irréversibles.

Le spectacle qui se donne face à moi me sort de mes pensées. Une biche et son faon fouillent le sol, certainement à la recherche de petits éléments à manger. Je m'arrête net, les yeux grands ouverts sur la scène. J'ose espérer que c'est un signe de ma mère. Un petit et sa mère. Sentant ma présence non loin d'eux, la biche pousse un petit cri puis s'enfuit avec son bébé.

L'attente est longue et Meredith ne vient pas. Je reste planté là, appuyé contre un chêne. Mes pensées ont cessé leur discours habituel. Mon esprit est creux, vide.

Mon portable vibre dans ma poche. Je le sors juste à temps. C'est mamie. Il est tard et ce n'est pas dans ses habitudes. Je me précipite pour décrocher, manquant de faire tomber l'appareil.

Mamie, est-ce que tout va bien ? Il est tard...

Mon chéri, Archi vient de m'appeler et Meredith est à l'hôpital.

Archi ? J'arque un sourcil. Je ne connais pas ce prénom. Mon cœur s'emballe. Je m'y rends tout de suite. Je t'embrasse, lancé-je sans lui laisser le temps de répondre.

Je parcours les bois à vive allure, regagne ma voiture et prends la direction de l'hôpital. Il n'y a qu'un hôpital, je ne peux pas me tromper. Je roule au-delà de la vitesse réglementée. Une fois garé sur le parking, je gagne les urgences à grandes enjambées. J'arrive essoufflé dans le hall d'accueil.

Mon regard croise celui d'Aïden et il vient immédiatement vers moi, me reconnaissant. C'est le seul visage plus ou moins familier, le seul que je sois capable de reconnaitre.

Tu es venu... Mon Dieu, ce qu'elle m'a fait peur... me confie le petit brun qui semble très inquiet pour son amie, notre amie.

Que s'est-il passé ?

Mere' a fait une crise. Son traitement n'est plus efficace. Son foie est en train de lâcher. Mere' est sur liste d'attente depuis des mois... Les médecins ne lui laissent plus beaucoup de temps.

Les yeux d'Aïden s'emplissent de larmes. Il a l'air de tenir à elle comme j'ai pu l'être, comme je le suis toujours. Il me prend dans les bras. Je dépose mes bras dans son dos et machinalement, ma main vient caresser son dos.

Je sens tout mon être m'abandonner. Je ne peux pas la perdre une seconde fois. Des frissons me parcourent l'épiderme, des larmes me coulent sur les joues.

ESTEBAN ! ESTEBAN ! ESTEBAN ! Les médicaments, l'enquête...

Je quitte son étreinte, plus violemment que je ne le souhaite. J'essuie mes yeux et reprends mes esprits. Aïden me regarde avec dédain, me stoppant dans mon mouvement.

Pardon. Comment est-ce arrivé ? le questionné-je.

J'ai besoin de réponses et pour le moment, je ne peux compter que sur lui. Je suis vite interrompu par un grand blond.

Une putain d'erreur médicale, crache l'homme qui vient me faire face. Il est énervé, bien plus qu'inquiet. T'es Esteban, c'est ça ? Tu crois que tu peux débarquer ici comme une fleur ? Meredith n'a pas besoin de toi. Tu n'étais pas là pour veiller à son chevet. Tu n'as rien à faire ici ! hausse-t-il le ton alors qu'il me force à faire un pas en arrière.

Il est presque menaçant. Dois-je comprendre qu'il est bien plus qu'un ami ? Archi. C'est lui. J'écarquille les yeux de stupeur, comment peut-il m'agresser ? Je ne le connais pas et je ne compte pas lever le camp. Hors de question.

Je ne compte pas m'en aller. Archi ? C'est ça ?

Archibald, pour toi. Reste loin de moi dans ce cas, mollarde-t-il avant de partir à l'autre bout du couloir.

Aïden pose sa main sur mon épaule pour m'indiquer de laisser tomber. Je la dégage et je le suis un peu plus loin.

Ne lui en veux pas. Il est à cran.

Il est psychorigide. Comment Meredith peut apprécier un type dans son genre ?

C'est son fiancé...

Thècle [DARK ROMANCE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant