7. CAMILA GRACI

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CARMEN

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CARMEN

🇪🇸 Madrid, 28 Avril 2023, 10h55

Je suis en retard. Encore une fois.

Je m'attache les cheveux en un chignon rapide tout en dévalant les marches de l'escalier. Je suis sur le point de décrocher un contrat avec une agence. Mais je suis également sur le point de louper le rendez-vous qui démarrerait ma carrière de mannequin.

Je ne prends pas le temps de saluer Adrian, qui est au téléphone dans la cuisine avant de prendre ses clés de voiture et de partir.

Le traffic est dense, l'angoisse me monte à la tête et je me mord la lèvre, nerveusement.

Une fois l'embouteillage passé, j'arrive à l'agence, essoufflée et tétanisée.

🇪🇸 Madrid, 11h21

J'entre dans le bureau du patron de l'agence, Derek Machado. Il sent le café et le parfum pour homme à très fort dosage. Je souris poliment avant de m'assoir en face de son bureau.

Il y a des tableaux et des photos encadrées partout, toutes très nettes, affichant des hommes et des femmes tous plus beaux les uns que les autres.

Ma mère ayant été mannequin, je connais brièvement le milieu, et les personnes qui y travaillent connaissent le nom de Camila Graci, une femme magnifique qui portait la beauté de l'Espagne sur ses épaules.

Derek me sourit, son regard est long, et se pose sur mon visage. Il scrute mon nez et sa courbe droite, son profil fin, ma peau bronzée par le soleil brésilien, mes cheveux ondulés maladroitement attachés en un chignon et mes yeux fins, d'un vert sombre. Puis il descend, d'un regard satisfait, parcourant mes pommettes et mes clavicules puis mes épaules.

Il pose une main sur son siège, ses yeux brillants.

Tu ressembles tellement à ta mère.

Je fixe mon regard dans le sien, y trouvant de la sincérité. Ces mots, que l'on m'a tant répétés, sont cette fois-ci prononcés par l'homme qui connaissait physiquement le mieux ma mère. Du moins je le pense.

Tu as les mêmes yeux.

Il secoue la tête et baisse le regard comme pour s'empêcher de me contempler plus longtemps. Il s'assoit sur son siège, les mains croisées sur la surface du bureau.

Je suis toujours affreusement gênée d'être admirée comme ma mère l'aurait été. Je me sens comme étant la piqûre qui vous rappelle qu'elle est partie et qu'elle ne reviendra pas. En attendant, je suis la consolation de ce qu'elle a laissé.

Mon cœur est lourd, et mes épaules aussi. Je l'écoute m'expliquer les conditions du contrat, mais je ne l'entend que d'une oreille distraite, trop peinée par l'image que j'ai ici, à Madrid.

C'est parfois douloureux de penser que ma mère n'était pas juste ma mère.

🇪🇸 Madrid, 11h36

Je soupire, ne comprenant pas vraiment l'utilité d'avoir un manager. Je peux me manager parfaitement seule. Et de toute façon je n'ai plus confiance en personne ici à Madrid. J'ai tout laissé tomber il y a cinq ans pour revenir désormais sans rien, mis à part une famille brisée.

Je signe le contrat et note les numéros conseillés par Derek. Puis il me donne les premières dates de mes shootings, que je prends soin de retenir avec attention.

Je quitte ensuite le bureau avec politesse, un poids en moins sur mes épaules. Je marche, apaisée, observant les éclaircies parsemant les nuages. Puis je pense à ma mère, me demandant si, de là-haut, elle est fière de moi.

Peut-être voudrait-elle que je suive ses pas, que je réalise un rêve, quitte à ne pas en réaliser un autre. Je me souviens des mots de Papa pour me faire revenir, lui qui disait que maman aurait souhaité me voir vivre une vie calme, épanouie, à Madrid avec mes frères et ma famille.

Malgré le fait que je maintienne mes propos selon lesquels on ignore ce que maman aurait voulu, je commence cependant à y croire. Elle savait sûrement mieux que moi ce que je voulais.

Elle savait tout. Elle savait quand j'avais besoin de son soutien et de son amour. Mais elle savait aussi quand se montrer stricte et exigeante.

Elle voulait me voir grandir. Et me voir m'épanouir ici, à Madrid. Je me sens peinée d'avoir changé, et d'avoir pris une tournure qu'elle n'aurait pas souhaité.

Je m'assois dans la voiture d'Adrian, le cœur battant la chamade. Les regrets s'écrase sur ma peau comme des vagues, et je me sens submergée par mes larmes.

Elle m'imaginait avec une belle carrière, me répétant sans cesse que je ne devais pas me sentir mal si je ne devenais pas pilote. Elle ne voulait pas que je complexe de mes accomplissements.

Mais elle insistait aussi pour que je soutienne Carlos. Car elle savait quelle importance je lui attribuais. Si elle savait aujourd'hui...

Je conduis, les larmes au bord des yeux, puis me gare à la maison.

🇪🇸 Madrid, 12h01

J'entre dans le salon, aucune trace d'Adrian. Mon père, cependant, descend les marches des escaliers tout en levant son regard strict sur moi. Je me dirige vivement dans la direction opposée.

Carmen.

Il appelle, et je me fige, exaspérée. Il ne me laissera donc jamais tranquille.

Quoi ? Je lâche tout en pivotant vers lui. Il s'approche lentement et sourit.

Tu avais rendez-vous à l'agence ? Derek vient de m'appeler.

Je grimace, énervée qu'il se mêle de ma vie ainsi.

C'est pas tes affaires. C'est les miennes.

Son sourire s'efface et il hoche la tête.

Je sais, Carmen. Je... Je voulais juste te dire que je suis fier de toi. Pour tous les efforts que tu fais. Il déclare dans un soupir.

Sa voix est étonnamment sincère, je me fige, essayant de décrypter une once d'hypocrisie dans ses yeux. Je n'en trouve aucune et un sourit peiné s'étire sur ses lèvres. Je suis inondée de soulagement.

Je baisse le regard, un léger sourire pendu aux lèvres.

Merci. Je marmonne, cachant mon bonheur derrière un visage impassible et des yeux glacés, mais je suis trahie par mon léger sourire.

Il hoche la tête et se fraie un chemin vers le jardin, son téléphone dans la main. Il semble occupé alors je me tourne sans regarder derrière moi.

Je m'assieds sur le comptoir de la cuisine, pensive. Finalement, j'ai l'impression désormais de faire la bonne chose. Pour tout le monde, moi y compris.

BEYOND LOOKS, 𝑐𝑎𝑟𝑙𝑜𝑠 𝑠𝑎𝑖𝑛𝑧 𝑗𝑟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant