16. JALOUSE ?

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CARMEN

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CARMEN

🇲🇨 Monaco, Monte-Carlo, 28 mai 2023, 3h06

La nuit est tombée depuis bien longtemps sur les rues monégasques. Dans un club payant, je m'agite au milieu de la sueur de la foule, au rythme d'un DJ et des lumières qui flashent sur nous.

Les yeux presque fermés, je me pousse et me bouscule contre la peau d'inconnus. J'ai bu.

Je ne suis pas ivre. Certes.
Je ne suis pas sobre non plus.

Mon cœur autrefois lourd me semble si léger qu'il pourrait s'envoler à tout moment. Mes pieds douloureux sont endoloris pas le nombre de sauts que j'ai pu effectué en si peu d'heures.

Je sais que Carlos est ici quelque part, nous sommes rentrés ensemble. Pourtant, je ne le cherche pas.

Les yeux fermés, j'essaie d'avaler les images qui défilent sur mes paupières comme un écran de cinéma. Le goût d'alcool me reste sur la langue et je saisis un autre verre pour noyer les larmes qui commencent à monter.

Leur goût salé se mélange à l'acidité de l'alcool, des voix francophones se noient dans mes oreilles, dans la musique et les messes basses.

Puis j'ouvre les yeux, et dévale devant moi la brune que j'ai vu pendre aux lèvres de Carlos il a bien une demi heures. Je scrute attentivement chaque détail de son corps, ses cuisses fines ses formes ondulantes telles des vagues s'échouant contre la rive.

Il est la rive, ou bien même un rocher, contre lequel je me brise. Mais visiblement, beaucoup trop de vagues s'échouent elles aussi contre son horizon. Et je ne peux pas leur en vouloir.

J'ai bel et bien tenté d'aller à contre courant, de refouler ces sentiments qui ne cessaient de s'ancrer dernièrement. Mais plus je les ignorais, plus leur intensité me gagnait. Mais maintenant les doutes s'écroule sur moi comme le poids de ma fuite. Pourquoi est-ce que Carlos agit-il ainsi ? Me donnera-t-il la réponse à mes questions ? Apaisera-t-il les doutes qu'il a créé ?

Remplie d'amertume, je croise son regard. Ses cheveux humides donnent l'impression qu'il pleut à l'intérieur et malgré mon cœur qui s'emballe, sa légèreté me donne la nausée. Malgré moi, je grimace et me fraie un chemin vers l'extérieur.

Je lutte contre l'air froid qui fouette ma peau alors que je m'adosse contre le mur, un vigile au loin me guettant avec méfiance. Je me plie avant de réprimer un réflexe vomitif.

Putain... je lâche d'une voix sèche et croassante.

Mon père est sûrement assoupi dans sa chambre d'hôtel, brisant le silence de son ronflement bourru. Il ignore tout de ce que fait sa fille de 24 ans dans un club, qui cherche du regard un pilote de formule 1 qui n'en a que faire d'elle.

Épuisée, je sens les larmes salées couler sur mes pommettes et dévaler mes joues avant de s'écraser sur les pavés du sol.

Puis un souffle saccadé se fait entendre derrière moi, contrastant avec le son brouillé de la musique résonnant dans mes tympans. Je me tourne vivement et je réalise qu'il m'a suivi. Il se tient à quelques mètres de la porte d'entrée, la chemise entrouverte et brillante d'humidité.

Sa bouche est entrouverte, je surprend un reste de rouge à lèvre qui sèche sur le coin de sa lèvre. La nausée me gagne.

Tout va bien Cara ? Il demande, mais sa voix pleine de gentillesse ne fait qu'aggraver mon amertume.

Nauséeuse, je lui jette un regard noir.

Devine, je déclare, séchant mes larmes d'un geste distrait.

Je grelotte alors que je pivote du côté opposé au sien, trop honteuse pour le laisser voir la vulnérabilité dont je fais preuve. Il m'a bien fait comprendre ce soir quelles étaient ses intentions, et je me suis sentie stupide d'avoir cru autre chose.

Je pensais savoir lire dans ses grands yeux bruns. J'ai cru comprendre ses sentiments à travers ses regards, ses clins d'œil... Mais pour autant, je me suis trompée. Bêtement trompée.

Retournes-y. Je vais bien, je lui lance en détournant le regard.

Il fronce les sourcils, surpris de mon ton sec et de mes paroles désobligeantes. Il s'approche d'un pas hésitant, sa bouche toujours entrouverte, je n'ose pas vérifier la présence du rouge à lèvre.

Tu peux me dire si quelque chose va pas Cara... Il dit d'une voix calme et apaisée avant d'y ajouter un sourire compatissant.

Mais son calme ne fait que m'agacer davantage, me donnant l'impression de n'être qu'une tempête qui ne parvient pas à faire chavirer un rocher trop accroché à son rivage.

Il est si paisible, d'un sang froid irréprochable, tandis que les larmes ne cessent de couler sur ma peau, avant de sécher brusquement à cause du vent frais qui me fouette.

Je n'ai rien à dire, je soupire, parvenant à maîtriser l'émotion naissante qui fait trembler ma voix.

Je sens qu'il s'approche de nouveau, puis je croise son regard hésitant, plein d'incompréhension.

Tu pleures.

Je pouffe d'agacement, irritée par l'évidence qu'il vient de souligner. Je roule des yeux et m'écarte davantage de lui. Il est bouillonnant, je peux sentir sa chaleur écrasante se cogner contre ma peau glaciale, comme s'il avait récupéré toute la chaleur humaine qui inonde le club.

Pourquoi tu l'as laissée ? Je demande, d'un sarcasme fébrile alors que je me tourne brusquement pour lui faire face.

Qui ça ? Carlos demande, avec une innocence qui me donne seulement envie de le gifler.

Cette jolie brune, que t'as embrassé à pleine bouche.

Il fronce les sourcils puis sa bouche s'ouvre et se referme. Son hésitation me donne envie de m'arracher la peau. Évidement qu'il ne comprend pas. Qui suis-je pour être jalouse ? Sa meilleure amie ? Non, même pas.

Je suis ridicule, et je m'arrête soudainement, honteuse de me donner en spectacle en face de lui. Je me mets à marcher, mes jambes me portant rapidement le plus loin possible.

Mais il me rattrape très vite et s'attache à mon bras, comme il l'a fait dans ce couloir à mon anniversaire. Mes joues s'embrasent et il me tourne vers lui.

Tu... es jalouse ?

Il articule avec difficulté, comme s'il avait hésité à poser la question. Ses yeux sont remplis d'une lueur imperceptible, un mélange d'espoir et de peur. J'ignore pourquoi. Mais j'ai mentis.

Non. bien sûr que non. Tu devrais juste faire attention... à qui est-ce que tu embrasses..., je marmonne sans aucune crédibilité.

Je n'obtiens avec ça que le regard de Carlos qui s'assombrit sur mes lèvres. L'espoir qui brillait dans ses pupilles s'effondrent et ma bouche reste ouverte, comme suspendue. L'emprise de sa main se défait de mon bras et il fait un pas en arrière.

Il attend quelques secondes, comme s'il attendait que je rajoute quelque chose. Puis il tourne les talons, me laissant figée dans la fraîcheur de la nuit.

Mon cœur était si léger qu'il s'en est envolé, et c'est la poitrine vide que j'ai marché jusqu'à l'hôtel, sanglotant jusqu'à ce que l'épuisement me plonge dans un sommeil sans rêve.

BEYOND LOOKS, 𝑐𝑎𝑟𝑙𝑜𝑠 𝑠𝑎𝑖𝑛𝑧 𝑗𝑟Où les histoires vivent. Découvrez maintenant