Carmen et Carlos étaient autrefois meilleurs amis, si proches que leurs parents les voyaient déjà mariés. Pourtant, cela n'a pas duré. Après des années séparés l'un de l'autre, ils tentent de réparer les liens cassés de l'époque, sans vraiment savoi...
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CARMEN
🇪🇸 Espagne, Madrid, 6 juin 2023, 11h02
La semaine suivant le Grand Prix de Monaco est passée en un claquement de doigt. Les jours se sont enchaînés à la file indienne dans un mélange homogène de réveil et de couchers. Je n'ai pas revu Carlos. Je ne suis pas allée au Grand Prix d'Espagne, malgré les supplications d'Adrian.
Je n'avais pas envie de revoir Carlos.
Je me suis sentie terriblement idiote. Idiote d'avoir agi comme si je savais tout de lui. Comme si je pouvais me permettre d'exiger quoique ce soit de lui.
J'ai terriblement honte de m'être trompée. Je vois toujours son regard rempli d'incertitude lorsqu'il m'a suivi dans la rue sombre de Monaco. L'air était tiède, je sentais l'odeur de la foule sur sa chemise, et il lui restait du rouge à lèvre sur le coin de la bouche.
Des larmes me montent mais je fais de mon mieux pour les ravaler. Je suis en plein milieu d'un shooting, dans une tenue inconfortable qui me serre la taille et les hanches. Le maquillage me colle à la peau et mes yeux se perdent entre les objectifs de la caméra et les lumières.
– Regarde-moi Carmen, demande le directeur de production, qui fronce les sourcils puis claque sa langue contre son palais.
Je tente de reprendre mon expression initiale et chasse Carlos de mes pensées.
🇪🇸 Espagne, Madrid, 6 juin 2023, 12h03
Lorsque le shooting prend fin, je rentre hâtivement à la maison Graci, où je passe la plupart de mon temps. Allongée dans mes draps, recouverte d'un plaid de fausse fourrure, je somnole en attendant l'heure du déjeuner.
Mais soudainement, Adrian entre dans ma chambre, sur son visage la même expression compatissante qu'il garde depuis quelques jours. Il a remarqué dans quel état je suis depuis le Grand Prix de Monaco, mais n'a pas relevé, sûrement par peur que je m'enfuis de la maison une nouvelle fois.
– Téléphone pour toi.
Il me tend l'appareil avec un léger sourire.
Surprise, je le saisit et l'approche de mon oreille. Qui appelle à une heure pareille, et surtout sur le fixe de la maison ?
– Cara ?
La voix de Carlos me parvient comme une balle dans la poitrine et mon regard se fige. Ma bouche est entrouverte, je sens mon menton vibrer. L'émotion se déverse sur moi comme une tempête et je peine à ravaler les larmes qui me montent aux yeux.
– Carlos... Je confirme, d'une voix hésitante.
Je peux l'entendre sourire à travers la ligne.
– Ça fait bien longtemps que je n'ai pas eu de tes nouvelles, il annonce, comme pour introduire notre discussion.
Mon cœur se serre. Pourquoi est-ce qu'il parle comme si rien ne s'était passé cette nuit là ? A-t-il oublié ? Suis-je devenue folle ?
– En effet, je lâche d'une voix basse alors que je me redresse dans mon lit, agrippant le drap de mon lit distraitement.
– Comment tu vas ? Il demande poliment.
– Ça va.
– Bien bien. J'ai vu ta couverture pour Vogue.
Mes joues s'échauffent. J'ai en effet réussit à faire la couverture de Vogue España ce mois-ci. Mais j'ignorais que Carlos avait vu. La surprise gagne ma poitrine alors que je prends une grande inspiration.
– Félicitations, il ajoute, et je ne peux m'empêcher de sourire.
– Merci Carlos, je réponds, apaisée.
Un silence se marque, je parviens même à percevoir le son des battements de mon cœur qui s'accélèrent à travers ma poitrine. Je mordille ma lèvre inférieure nerveusement tout en agrippant davantage mon téléphone, que je rapproche de mon oreille, comme pour être certaine de ne pas rater un souffle, ou un son provenant de Carlos.
– Je voudrais qu'on se voit, lâche soudainement Carlos, comme s'il n'était pas sûr d'avoir le courage de me demander ça.
Mes joues s'enflamment et mon cœur palpite davantage à l'idée que tout n'est pas terminé.
– Sérieux ? Je demande, la bouche béante de surprise.
– Oui. Je suis toujours à Barcelone. Si tu veux venir.
Il déclare plein d'hésitation, comme s'il attendait un refus de ma part. Sa voix manque d'entrain. Je fronce les sourcils, peinée à l'idée de notre relation avant Monaco.
Lorsque rien n'était ambiguë. Il n'y avait aucune confusion sur ce que l'on pourrait être. Nous étions à peine amis. Alors quoique ce soit d'autre paraissait inenvisageable. Comment expliquer que tout ait changé après cette soirée...?
– Très bien. Je viendrai. Tu seras là combien de temps ?
– Environ une semaine, il déclare, sa voix légèrement cassée.
– Ça marche.
Nous raccrochons. Mon cœur est lourdement léger. Tous mes doutes qui m'ont noyé dans l'obscurité ces dernières semaines sont peu à peu remis en question. Je tente de chasser mes sentiments les plus profonds dans un coin de ma tête.
Je veux conserver l'amitié que Carlos et moi avant. Pour sa préciosité et son innocence. Rien d'autre. Rien d'ambiguë. Pas de prises de tête.
Je décide alors de prendre un billet de train pour Barcelone pour demain et de faire ma valise sans prendre le temps d'hésiter. Trop de réflexion tue la décision.
– Tu pars quelque part ?
Je sursaute lorsque je surprends la voix d'Adrian, sa tête posée dans l'embrasure de la porte de ma chambre. Une odeur de gazon envahit la pièce et je l'observe d'un regard distrait.
– Barcelone.
Il lève les sourcil de surprise et entrouvre davantage la porte comme pour être sûr de ce qu'il voit.
– Pourtant tu n'as pas voulu aller au Grand Prix.
Je grimace et roule des yeux, agacée d'avance. Je sais qu'elles stupides réflexions il va me faire. Mais non, je n'allais pas aller au Grand Prix après la situation dans laquelle Carlos et moi étions. Et oui je compte le rejoindre à Barcelone.
Je n'ai pas d'excuse, ni même une explication claire et précise. Je veux simplement le revoir.
– Et alors ? Je grommelle, sans aucune volonté de me justifier alors que je plie un second t-shirt dans ma valise blanc nacré.
– Rien. Tu vas voir Carlos ? Adrian demande, les yeux plisses comme s'il me soupçonnait de prévoir un stratagème avec Carlos ou une chose dans le genre.
– Oui, je réponds sèchement.
Puis il part en fermant la porte. Je soupire, ne sachant que penser. Peut-être devrais-je monter bêtement dans mon train, voir Carlos et attendre de voir ce que cela donnera.
