CARMEN
🇪🇸 Madrid, 2 mai 2023, 15h06
Je suis allongée sur le sofa du salon. Sa texture de cuir est inconfortable, mais je suis bien trop épuisée pour monter jusque ma chambre alors je m'en contente.
Le silence est plombant, on peut à peine entendre les mouches voler. Un calme pareil ici, c'est rare. Surtout ces derniers temps, tout le monde passe à la maison comme si c'était une auberge de jeunesse.
Puis je me retrouve à devoir expliquer à chaque ami de la famille pourquoi je suis partie, puis pourquoi je suis revenue, et ce que je fais dans la vie. Une boucle interminable.
Alors que je profite de cet instant de répit, j'entends le grincement de la porte de l'entrée raisonner jusqu'ici. Les pas se rapprochent et le cuir s'étire sous le poids de mon frère Adrian. Il tourne son visage vers moi et me souris.
– Tu veux quoi ? Je grommelle, agacée par ses yeux de merlan fris me signalant qu'il est sur le point de me demander une faveur.
– Paulo n'est pas encore arrivé ? Il demande distraitement tout en jetant un coup d'œil autour de lui comme s'il le cherchait.
– Paulo n'est pas là non. Pourquoi est-ce qu'il devrait être ici de toute façon ?
Je lâche avant de reposer ma tête contre l'appui de canapé. Je scrute Adrian, remarquant à la lumière du jour à quel point il ressemble à Maman. Paulo et Antonio ont beaucoup pris de Papa, son nez aquilin, ses yeux sombres, son regard strict et ses sourcils fournis. Tandis que moi et Adrian avons beaucoup pris de Maman, son nez droit, ses yeux verts, son regard doux et ses traits délicats.
Je détourne le regard, trouvant de la tristesse dans cette image que je perçois à travers Adrian. Il incline sa tête puis racle sa gorge.
– Le match d'Antonio va bientôt commencer.
Il déclare avec impatience et je roule les yeux avec un râle d'agacement.
– C'est ça que j'avais oublié... Le match d'Antonio.
Je masse l'arête de mon nez, je n'ai aucune envie de rester dans le canapé si c'est pour supporter l'investissement de Paulo et Adrian en regardant le match de leur frère.
Sans compter leur engouement autour les courses de Formule 1. Car bien évidemment, ils ont voulu suivre le dernier Grand Prix, celui de Baku. Je n'ai pas voulu regarder. En toute sincérité, le travail de Carlos ne m'intéresse pas.
Puis je ne suis plus si happée par le sport automobile comme je l'étais étant enfant de toute manière.
– Tu vas regarder avec nous ?
J'ouvre la bouche, sur le point de refuser. De toute façon je ne suis pas le tennis. Et la carrière d'Antonio ne m'a jamais passionnée non plus. Il pourrait gagner Roland Garros. Pourtant je ne le verrai pas différemment. Ce sera toujours l'arrogant Antonio, fier de ses capacités et du fils dont sa femme a accouché l'an dernier.
Cependant, je repense à tous leurs mots, ceux qui me signalent que cette famille peut se reconstruire. Et que je ne suis plus obligée de fuir lorsque ça fait mal. Peut-être devrais-je commencer par arrêter d'être égoïste. Peut-être que regarder le match d'Antonio avec mes deux frères pourraient nous faire avancer...
– Oui. Pourquoi pas.
Je marmonne et le visage d'Adrian s'éclaire de surprise.
– Sérieux ?
Je lui jette un regard noir.
– Ne joue pas au surpris ou tu vas me faire regretter ma décision.
Il sourit fièrement.
🇪🇸 Madrid, 15h36
Paulo entre enfin, mon père sur ses talons, tiens son téléphone à son oreille et se dirige vers son bureau sans même nous saluer. Je soupire et salue Paulo qui s'assoit à côté d'Adrian.
Paulo est le plus âgé d'entre nous. Il a 35 ans, deux enfants et une femme. Il gère une entreprise de communication à Madrid et passe régulièrement à la maison Graci.
Je n'ai jamais été proche de Paulo. Il a un caractère très compétitif, mais pour autant il garde son sang froid en toute situation, il est franc et sincère. Il est particulièrement loyal et très famille, ce qui nous différencie énormément.
Je ne pense pas qu'il ait aimé que je parte, pour autant il ne s'est jamais exprimé davantage. Antonio était souvent celui qui m'appelait et qui parlait pour tous.
Paulo ressemble davantage à Papa que nous autres. Pour commencer il porte son prénom, je pense que cela joue beaucoup pour lui d'être Paulo Graci jr. Une pression que je ne connais pas vraiment.
– Tu restes Carmen ?
Paulo se tourne vers moi, l'air surpris. Les manches d'un pull sont posées autour de ses épaules, ce qui me fait dire que lui et Papa sont allés au golf. Je souris.
– Ça te dérange ? Antonio est mon frère aussi.
Je lâche avec une pointe de sarcasme et de fierté. Moi qui n'ai jamais voulu faire d'efforts pour mes grands frères car ils s'agaçaient... Je regarde maintenant le match d'Antonio pour le soutenir.
Paulo rigole légèrement et Adrian sourit à son tour. Malgré un léger malaise, je me sens bien plus à ma place que d'habitude. Le match commence et je ne manque pas d'observer leur manière de réagir à chaque coup de raquette.
Paulo notamment passe une grande partie de son temps debout, les genoux pliés, comme s'il était prêt à renvoyer la balle lui-même. Je ricane, amusée de voir un tel niveau d'investissement pour deux hommes se renvoyant une balle avec une raquette.
Adrian de son côté, s'est ponctuellement reconverti en arbitre, il agite ses bras en criant chaque faute avant d'insulter l'arbitre de « cabrón ».
Je suis silencieuse, ne connaissant que peu sur le tennis, j'observe, rigole et célèbre lorsqu'Antonio marque des points.
Lorsque le match prend fin, Paulo et Adrian se saute dans les bras et j'éclate de rire avant qu'Adrian ne m'agrippe pour me joindre à eux, je grimace mais me laisse faire.
Antonio a gagné. Alors j'essaie de sourire et de partager leur engouement.
Alors que je ne l'aurais jamais fait habituellement, j'envoie un message à Antonio pour le féliciter de sa victoire pendant que Paulo et Adrian échange un verre avec Papa pour célébrer.
Pour la première fois, je sens que j'appartiens à une famille.
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BEYOND LOOKS, 𝑐𝑎𝑟𝑙𝑜𝑠 𝑠𝑎𝑖𝑛𝑧 𝑗𝑟
FanfictionCarmen et Carlos étaient autrefois meilleurs amis, si proches que leurs parents les voyaient déjà mariés. Pourtant, cela n'a pas duré. Après des années séparés l'un de l'autre, ils tentent de réparer les liens cassés de l'époque, sans vraiment savoi...