Carmen et Carlos étaient autrefois meilleurs amis, si proches que leurs parents les voyaient déjà mariés. Pourtant, cela n'a pas duré. Après des années séparés l'un de l'autre, ils tentent de réparer les liens cassés de l'époque, sans vraiment savoi...
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CARMEN
🇲🇨Monaco, Monte-Carlo, 27 mai 2023, 12h15
Je suis mon père, arpentant à travers les rues luxueuses de Monaco. Mes pieds haussés de talons aiguilles et mon corps recouvert d'une robe d'un beige clair, je marche distraitement derrière sa carrure large. Ses épaules sont recouvertes d'un polo bleu et d'une chemise blanche.
Je suis presque admirative de le voir toujours aussi soigné à son âge. Mais je ne dis rien. Je le laisse me guider à travers ces chemins pavés et ces routes d'un noir charbonné. Il se tourne de temps à autres pour s'assurer que je reste bien derrière et secoue sa tête d'une manière de me demander si je n'ai pas trop mal aux pieds.
Il a insisté pour que je change de paire lorsqu'il a remarqué quelles chaussures je me suis dégotée pour sortir. Mais lorsque j'ai clairement refusé, il n'a pas bronché.
Il semble heureux de m'amener ici, surtout pour voir le Grand Prix. Il sait quelle relation ambiguë j'ai eu avec le sport automobile, et à quel point je regrette l'époque à laquelle le karting était tout pour moi. Seulement l'amertume est passée, je pense être capable aujourd'hui de laisser tout ça derrière moi et de penser à l'avenir sans m'en préoccuper.
Je suis presque fatiguée que tout soit délicat à aborder pour moi. Tout à Madrid, même ici en Europe, me rappelait bizarrement mon enfance. Et au lieu d'en apprécier la nostalgie, je m'en rendais malade.
Lorsque je souris légèrement à mon père, qui nous installe à une table dans un restaurant colorés, je comprend que ce que je souhaite, c'est la paix.
– Alors, comment Carlos t'a-t-il convaincu de venir ? Mon père demande, tout en cachant partiellement son visage avec la carte du restaurant.
Je ris de surprise par cette question tout en secouant la tête.
– Il n'a pas eu à me convaincre. J'ai simplement accepté.
Mon père se redresse d'un air sérieux avant de froncé légèrement les sourcils, semblant étonné.
– Ah bon ? Et pourquoi as-tu accepté ?
J'hausse les épaules, nonchalante. J'observe la carte d'un œil distrait, amusée par sa curiosité ainsi que sa surprise. J'ai beau la comprendre, cela me plaît de voir qu'il ne s'attendait pas à me voir aussi présente pour Carlos.
– J'ai pensé à Maman, j'admets, d'un simple soupir aspiré.
Les saveurs remplissent mes papilles et j'inspire longuement, évitant le regard de mon père, qui cherche des réponses sur mon visage.
– Ah bon ?
Je souris davantage.
– Tu te souviens ce qu'elle disait sur Carlos et moi ?
Mon père rit d'un rire franc et se racle la gorge. Ses tempes se plient d'amusement et ses fossettes se creusent. Les fossettes irrésistibles dont seul Adrian a hérité.
– Que vous alliez finir mariés. Évidemment, qui ne s'en souvient pas Carie...
Je baisse le regard, sentant mes joues brûler comme si j'étais encore une enfant, relevant mes yeux pleins d'étoiles sur le kart jaune et rouge de Carlos. Je me revois, baignant dans l'admiration lorsque je le voyait, dans sa combinaison rouge.
Je ne pense pas qu'elle avait raison, maman, en disant ça. Mais pour autant, je ne crois pas qu'elle ait eu tort de le penser.
– J'aime me dire que dans un sens, elle mérite que je chérisse cette amitié. Tu comprends ?
Mon père hoche lentement la tête, ses yeux plissés alors qu'il m'observe avec attention, comme si un simple détail sur moi pouvait trahir mes véritables sentiments.
Mais je n'ai rien à cacher.
– Je vois... Tu rends un bel hommage à ta mère Carie. Elle serait fière.
Mon cœur s'emballe, embaumé d'une tendre chaleur qui vient se blottir dans ma poitrine. Mes joues encore rosées par l'émotion s'embrasent davantage et je ne pense pas qu'elles aient perdue leur couleur lorsque la serveuse vient prendre nos commandes.
🇲🇨Monaco, Monte-Carlo, 27 mai 2023, 14h05
Cette fois-ci, lorsque j'entre dans le paddock, mon cœur est plus léger, je me sens plus à l'aise, même si je me perds toujours entre les garages.
J'évite cette fois-ci les journalistes trop intrusifs et les téléphones tous brandis tels des armes sur chaque pilote qui pourrait passer en vitesse.
Lorsque je vois Carlos sortir de son garage, portant sa tenue pare-feu en tissu noir en dessous de sa combinaison, je ne peux m'empêcher de détourner le regard, me sentant mal de poser mes yeux une seconde de plus sur ses épaules.
Il semble encore une fois ravi de me voir alors qu'il contourne quelques mécaniciens pour se poster en face de moi, un sourire pendu à ses lèvres.
– Content de te voir, Cara.
Je lui souris à mon tour, me demandant pourquoi mon cœur s'emballe étrangement. Puis je me mord la lèvre, priant pour qu'il ne remarque pas ma poitrine qui se soulève rapidement au rythme de ma respiration suffocante.
– Bonne chance pour tout à l'heure.
– Si la chance pouvait m'aider, il s'esclaffe tout en se tournant vers la piste. Ses yeux pétillent d'admiration pour le circuit qu'est Monaco.
Je ne suis peut-être pas une professionnelle, mais je sais très bien l'importance qu'a Monaco pour les pilotes. C'est comme une sorte de quête du Graal. Gagner Monaco.
– Allez. On se voit tout à l'heure Cara.
Il me fait son clin d'œil habituel qui m'enflamme les pommettes avant de s'enfuir à travers les hommes habillés de rouge. Et dans cette masse de rouge, je croise le regard de mon père. J'ai l'impression de pouvoir lire dans ses yeux les paroles de ma mère.
Avait-elle tort...? Je commence à douter alors que je baisse le regard vers mes talons compensés. Puis je remonte sur ma robe de dentelle et mon gilet de maille. Je me fraie un chemin jusque mon père et lui exige le silence d'un regard suppliant.
Je sais qu'il meurt d'envie de commenter mon interaction avec Carlos, comme se feront un plaisir de le faire les Magazines People, qui comme d'habitude vont réciter toute l'histoire que je partage avec lui.
– La course va bientôt commencer, déclare mon père tout en enfonçant un casque rouge sur mes oreilles.
Je ne me tourne pas vers lui, presque terrifiée de toutes les insinuations que je peux lire dans ses yeux approbateurs. J'appuie mon dos contre le mur du garage, les yeux rivés vers l'écran, en attente du départ.
