Chapitre 19

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Matt

- Sacha m'a dit que je pourrais sûrement répéter avec elle la semaine pro.

- Et tu lui as répondu quoi ?

- Que j'étais partante !

Anna est assise sur le siège passager et me raconte, un grand sourire aux lèvres, son après-midi au conservatoire.

Nous sommes mercredi, le 20 octobre plus précisément, et comme presque toutes les semaines, je vais chercher ma sœur après ses cours de violoncelle. C'est un moment rien qu'à nous. Elle en profite souvent pour me parler de ses cours de musiques, des derniers potins avec ses copines et de nos parents qui l'agace. Je crois qu'elle rentre dans son âge de rébellion anti-parents.

Ça fait à peine dix minutes qu'elle est entrée dans ma voiture mais elle n'a pas fermé la bouche une seule fois, et ça, c'est génial. Elle comble le vide avec des anecdotes et me permet de me sentir plus léger le temps d'une heure ou deux. Anna et moi avons toujours été proches malgré nos dix ans d'écart. Nous sommes fusionnels et je n'ai pas besoin de me justifier ou de lui raconter que ma vie est merdique car ma sœur ne souhaite parler que du positif. Eline et elle sont très différentes sur ce sujet d'ailleurs.

- Matt ?

- Hmm

Je sens venir une question qui ne va pas me plaire vu le ton qu'elle emploi.

- Qu'as-tu fais après ton départ, dimanche ? Demande ma sœur avec une certaine appréhension dans la voix.

Alors, elle ne veut savoir que le positif mais, il arrive parfois qu'elle s'inquiète pour son frère...et lorsque cela arrive, qu'elle pose une question risquée, je ne sais jamais quoi répondre. Elle est assez grande pour comprendre la vérité, mais elle reste tout de même ma petite sœur. C'est inconcevable pour moi de lui avouer que son frère est paumé, vraiment paumé, et qu'il ne sait même pas comment retrouver son chemin. Ma souffrance ne doit pas la toucher, elle en voit déjà trop malgré le peu de temps que nous passons ensemble. La preuve, sans avoir de contact direct avec elle, j'arrive à lui faire de la peine rien qu'en mettant nos parents en colère à cause de mon comportement. Anna est une vraie éponge à émotions, elle serait capable de prendre toute la charge émotionnelle du monde sur ses petites épaules pour essayer de le soulager au maximum, si elle apprend ce que je fais de ma vie, elle ne va plus me regarder avec le même sourire qu'aujourd'hui. Elle va se sentir coupable sans raison et va vouloir m'aider, seulement, elle n'a que 15 ans et à cet âge, elle a bien d'autres choses à faire et à vivre que de s'occuper des problèmes de son frère.

- Alex m'a ramené chez nous et je me suis endormie. Réponds-je sans aucune émotion, me voulant rassurant.

Je sens son regard scruter les traits de mon visage, à la recherche d'un indice pour savoir si je mens ou non. Je ne laisse rien paraître malgré la culpabilité qui me ronge de lui mentir.

Je ne veux pas l'inquiéter plus qu'elle ne l'est déjà. Je décide de la regarder pour de bon, je lui offre mes yeux afin qu'elle n'y voit rien d'autre que du vide, peut-être que ça la convaincra. Malheureusement, c'est un tout autre spectacle dans les siens : la peur se lit dans ses yeux à des kilomètres et m'envoie des tonnes d'informations rien qu'avec ses prunelles. Nous sommes bien trop différents sur ce point : ses iris trahissent son esprit à chaque fois qu'elle essaie de refouler ses émotions. Il est évident qu'elle ne croit pas un mot de ce que je lui ai dit.

Je me concentre sur la route et préfère briser le contact visuel, bien trop dur à supporter. Il est évident qu'elle n'allait pas se contenter d'explications aussi nuls, ma sœur me connaît trop bien et c'est frustrant.

Nos yeux remplaceront nos motsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant