Chapitre 17

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Lou

Je remonte à mon appartement, épuisée. Sortir alors que je viens de passer deux jours enfermée dans le noir n'a pas été l'idée de l'année.

Il faut bien ressortir un jour ma vieille...

Ces escaliers ne m'ont jamais paru aussi longs à monter qu'à cet instant. Je m'accroche à la rambarde pour garder l'équilibre et faire contre poids à ma mallette, qui me ronge le dos à cause de la lanière en nylon frottant sur mon épaule nue. Je n'en peux plus, mes jambes tremblent et ma vue se brouille à cause des petites perles d'eau qui ruissellent sur mes joues. Je haie ces larmes, je ne veux plus les voir, elles me font souffrir le martyr à chaque fois qu'elles sortent de mes paupières. Ces gouttes d'eau salée me rappellent sans cesse la tragédie qui a bouleversé ma vie. Elles ont pour seul espoir de me ramener sous mes draps afin de pleurer à nouveau pendant de longues heures. A croire que je n'ai pas assez souffert ces derniers jours et qu'il fallait que mon corps perde encore plus d'eau qu'il n'en a perdue.

Mais qu'est-ce que je peux y faire sincèrement ? Je n'ai aucun control sur mon esprit, il peut faire ce qu'il veut de mon corps et de mon cerveau, je n'ai pas mon mot à dire. Il peut décider de me faire pleurer d'une minute à l'autre ou de me mettre en colère contre un innocent car un détail de sa part m'a fait repenser à mon frère. Je suis à fleur de peau et ça me met dans une telle rage, je serai capable de tout envoyer voler dans ces instants où, mon seul souhait serait de retrouver la vie que j'ai laissé il y a 4 ans. Aujourd'hui, comme chaque année, je me moque de moi-même, je me dis que je suis ridicule de ne pas être prête à tourner la page et d'être incapable de faire le deuil de mon frère. Puis finalement, mon côté sensible et naïf reprend du service, me rappelant que cela signifierait d'abandonner Liam. Et ça, j'en suis incapable. Je veux simplement m'enfermer seule, à l'abri des regards.

Je n'ai rien avalé depuis 24 heures et mon corps est entrain de me lâcher, mes jambes tremblent en permanence et je n'arrive même plus à serrer mes poings tellement mes bras sont épuisés. Il faut dire aussi que mon régime alimentaire des trois derniers jours n'a pas dépassé la quantité d'un Happy Meal.

Je m'assois rapidement sur une des marches en bois, mon bras droit toujours accroché au garde-corps. Il ne me reste qu'un étage avant d'être chez moi mais une pause s'impose, j'aimerais ne pas m'évanouir ici. Je sens la colère s'infiltrer subitement dans tous mes membres.

Je suis une victime ne voulant pas aller de l'avant, se laissant bouffer par son passé... me chuchote la petite voix horrible dans ma tête.

Je me remue dans tous les sens essayant d'évacuer la colère qui s'est infiltrée dans l'entièreté de mon corps. Je tape des pieds et me secoue le buste à grande vitesse de gauche à droite, je n'ai qu'une envie : casser des tonnes d'objets, fracasser le visage d'un sal type et marteler de coups un mur jusqu'à ce que mes jointures se noient dans leur sang. Je m'agite dans tous les sens, mes jambes envoient des coups dans l'air et ma tête tourne de dans tous les sens, mon bras gauche attrape les barreaux de la rampe d'escaliers à ma gauche et essaye de les secouer, sans réussite. S'il y avait une caméra dans ce vieil immeuble des années 90, je pense que le gars derrière son ordinateur supposerait sûrement que je me suis échappée de l'asile.

Ma rébellion s'achève rapidement car je n'ai plus aucune force. Ma tête repose contre le vieux mur à ma droite, sa fraîcheur me fait un bien fou et me permet de garder un repère alors que tout mon corps est mou. Mon souffle est encore fort à cause de ma fureur car je reste affamée de violence. Il est rare que je sois en total colère au point d'avoir des envies de bain de sang comme je viens de le ressentir mais, même si je sais que je serai incapable de ne porter rien qu'un coup sur une personne quelconque, je ne sais pas ce qui pourrait me calmer quand je suis plongée dans une telle rage. C'est comme si votre corps voulait frapper et montrer la violence dont il est capable. Je pense que ces sensations là sont les plus dangereuses, vous pourriez être inarrêtable car, pour une fois, votre cerveau en pause laisserait votre esprit prendre le dessus, laissant le droit à votre corps d'extérioriser toute la fureur qui vous anime à travers les coups. Je ne suis pas une personne violente, loin de là, j'ai seulement trop d'émotions contradictoires qui finissent par sortir en me bousculant violemment. Ça ne dure que quelques minutes, seulement c'est si intense que je serai capable d'hurler tellement je perds mes moyens.
Les larmes redoublent de puissance mais je les essuies rapidement du revers de la main, finalement, le calme revient petit à petit à l'intérieur de moi, me ramenant au point de départ : je veux être seule et qu'on me foute la paix.

Nos yeux remplaceront nos motsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant