Chapitre 31

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Matt

Si vivre en colocation avec Julie et Lou allait être une sacrée aventure, alors avec un chat en plus en était une que je n'avais pas imaginé. Ça me fait mal de le reconnaître, mais Lou avait raison : nos deux meilleurs amis ont failli me jeter du balcon en apprenant que je ne souhaitais pas garder le chat. J'ai tenu à garder ma vie, en m'avouant vaincu, car on ne sait jamais de quoi ces deux-là sont capables lorsqu'ils ont une idée en tête. Mais chaque jour, je regrette intérieurement de ne pas leur avoir tenu tête. Surtout ce matin. Paulo n'arrête pas de miauler et je n'ai qu'une envie : le jeter par la fenêtre. Un saut du cinquième étage pourrait lui remettre les idées en place.

J'ai mal dormi –Alex y est pour beaucoup- et il doit être six heures du matin quand je rentre dans la cuisine pour me faire un café. Les trois marmottes dorment profondément et ce moment de silence est reposant. Vivre à quatre est aussi cool qu'épuisant. Honnêtement, je pensais qu'après plusieurs jours passés ensembles nous ne pourrions plus nous supporter, mais je me suis trompé. Nous avons trouvé une certaine routine, entre moi qui passe de longues journées au garage d'oncle Rob, Julie qui est à l'école, Alex qui profite de ses années de FAC et Lou qui enchaîne des horaires assez intenses au Moulin Rouge. Je l'entends lorsqu'elle rentre au beau milieu de la nuit, à chaque fois, j'hésite à aller la saluer, rien que pour la voir, mais au dernier moment, j'abandonne. Parce qu'il me faut du courage, beaucoup de courage même, pour me trouver face à elle. Cette fille m'hypnotise et je déteste perdre mes moyens lorsque nous sommes dans la même pièce. Mon seul moyen de cacher ce trouble est de jouer le mec indifférent, qui préfère être nonchalant et lui envoyer des piques en permanence plutôt que de la laisser voir ce qu'elle provoque chez moi. Seulement, à présent, nous ne nous vouons plus une colère comme il y a quelques semaines, nous sommes simplement incapables de laisser l'autre tranquille, quitte à le défier avec des réparties osées, et non remplies de haine.

J'entends des pas dans le couloir et j'attends, appuyé contre le meuble de cuisine et les bras croisés sur mon torse, de voir qui peut être aussi matinale un samedi. Mon regard tombe immédiatement dans le sien, je détail rapidement sa silhouette et remarque que sous son pull qui doit faire trois fois sa taille, sort un short de pyjama rayé, couvrant à peine la moitié de ses cuisses.

Ne me tourne surtout pas le dos, Lou.

Elle baille et se frotte le visage en se dirigeant vers moi. Elle s'immobilise devant moi, tandis que je continu de boire mon café, et elle me fait signe avec ses mains de me décaler. J'hésite à m'exécuter mais je me souviens qu'il n'est que six heures du matin et qu'elle a le droit à un peu de répit.

- Tu viens courir avec moi ?

Voilà la seule chose que je trouve à dire.

Elle me répond d'un haussement d'épaules, en se sortant une tasse du placard.

- T'as perdu ta langue ?

Elle se tourne vers moi, met sa capuche et tire d'un coup sec sur les cordons, faisant disparaître son visage derrière le tissu molletonné.

- Très bien, je pars dans dix minutes.

Je la préviens et m'en vais, la laissant se réveiller avec son café. Je sais qu'elle court régulièrement, si ce matin elle s'est levée aussi tôt c'est pour aller courir, car j'ai vu sur le planning du frigo qu'elle ne commençait qu'à huit heures.

En m'éloignant, j'entends Paulo pousser des miaulements affreux pour scander sa famine.

- Tagueule !

Lou ne dit rien de plus, mais je pense que Paulo a bien compris que s'il ne voulait pas finir à la SPA, il avait intérêt à la boucler.

D'ailleurs, son nom a été trouvé grâce à la tâche qui entoure sa bouche et qui lui donne un air italien. Franchement, je ne le regarde plus pareil depuis.

Nos yeux remplaceront nos motsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant