Chapitre 30

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Lou

Voir le paysage de la campagne où j'ai passé mon enfance remonte de bons comme de mauvais souvenirs. Je suis assise sur la banquette arrière de la voiture de ma mère, et ma tête est restée appuyée en direction de la vitre depuis le début du trajet. Mes yeux ne voulant pas se détourner du paysage défilant à l'extérieur.

Revenir dans ma famille m'a fait un bien fou, j'ai éteint mon téléphone à l'instant où j'ai prévenue Julie que j'étais bien arrivée. Voir l'écran s'allumer était une trop grande source de stress, alors j'ai préféré l'oublier dans ma valise, le temps de mon séjour près de mes proches.

Ces derniers jours ont été remplis de rires et d'amour, j'ai passé du temps avec mes deux parents, divorcés, et je suis allée voir de vieilles amies avec qui j'ai grandis.

Mais ce jour devait arriver...

Ce matin, mes parents et moi allons rendre visite à mon frère, décédé il y a quatre ans. Mes larmes ont envie de faire une nouvelle apparition mais je m'interdis de pleurer, il n'aimerait pas que je pleurs, il voudrait que je sourie et que je vive heureuse. Toutefois, son départ a été bien trop douloureux pour que je continue d'apprécier la vie sans lui à mes côtés. A chaque fois que je me rends chez mes parents, je demande à ce qu'on me conduise devant sa tombe. Je suis incapable d'y aller seul vu l'état dans lequel j'en ressors. Et aujourd'hui, vu le silence qui règne dans la voiture, je pense que nous sommes tous les trois habités par de vieux souvenirs, qui nous percutent le cœur au point de vouloir retourner dans le passé, et empêcher mon frère de prendre le volant. Seulement, c'est trop tard, et il ne nous reste plus que la sensation de ses bras réconfortants, de ses cheveux blonds lui couvrant presque les yeux, que je m'évertuais à vouloir lui couper, ou à son rire chaleureux, pour s'apaiser le cœur.

Je sens la voiture s'arrêter, signifiant que nous sommes arrivés. Mes parents sortent, prêts à affronter la dure réalité, quant à moi, je ferme les yeux et essuie l'unique larme qui s'est échappée de mon œil. Lentement, j'actionne la poignée et pose un pied au sol, puis deux, et enfin, j'ouvre les yeux devant cet immense mur de pierres, percé par une porte à barreaux métalliques rouillés, reflétant la froideur de cet endroit. Ma mère a les yeux humides, et m'observe avec une grande compassion, contrairement à mon père, qui préfère ne rien laisser paraître malgré la douleur qui le ronge de l'intérieur. Parce que nous la connaissons tous, cette douleur. Elle nous habite tous, et même si certain ont pu faire leur deuil, se retrouver face à cette entrée nous rappelle immédiatement ce qui a marqué nos vies un 15 octobre.

Nous restons silencieux, aucun de nous n'ose faire le premier pas, et ouvrir cette porte. Le vent est le seul son qui brise notre silence, faisant grincer la porte tant redoutée, car elle nous donnera accès à la plus douloureuse image de mon frère, celle de sa pierre tombale. Finalement, mon père s'avance en premier, et le grincement aigu de la porte annonce définitivement notre entrée dans ce lieu remplis de mélancolie, de regret et de chagrin. J'ai envie de vomir mais je n'en dis rien et suis mes parents jusqu'à l'endroit où repose mon frère.

Mr DUMONT 1942-2010...Mme ROSE 1900-1989...A notre chère et tendre amie partie trop tôt...Tu n'es plus sur Terre, mais tu es dans nos cœurs...Mr ALINO 1990-2018...

Liam RICCI 1996-2020

La voilà, cette pierre qui honore mon défunt frère. Les lettres gravées en or sont toujours aussi éclatantes, contrairement à celles de ses voisins. Sa tombe fleuri contraste avec le grisâtre de l'hiver, et bizarrement, je souris. La route pour venir jusqu'ici a été douloureuse, mais maintenant que je suis face à lui, je ne peux m'empêcher de sourire en remarquant que ses amis viennent toujours lui apporter des fleurs, et que son espace à l'air d'être le seul point lumineux de ce lieu ternis par les années.

Nos yeux remplaceront nos motsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant