Nos yeux remplaceront nos mots

Chapitre 28

Lou

Je monte les escaliers en regardant derrière moi à chaque nouvel étage gravis. Comme chaque fois que je parcours mon immeuble, mon ventre se noue par peur de le croiser ici, dans mon immeuble, ou même devant mon appartement. Je presse le pas ne voulant pas traîner, comme lorsque j'étais enfant et que je courais dans le couloir pour échapper au monstre de l'étage lorsqu'il faisait nuit noir.

Plus je me rapproche de mon étage, plus j'accélère, au point de déverrouiller ma porte d'entrée comme une furie et la claquer un grand coup une fois à l'intérieure. Mon dos repose contre elle, pendant que j'essaie de reprendre mon souffle de cette course entrainée par la paranoïa. Chaque jour, chaque soir, chaque nuit, je suis terrifiée à l'idée de tomber nez à nez avec l'auteur de mes angoisses. Depuis que j'ai reçu son message l'autre soir, confirmant qu'il savait où j'habitais, je vis avec l'angoisse de le voir. Cette nuit là, j'avais montré le message à Julie en sortant du Voice et nous avions convenus qu'il fallait rentrer malgré le risque de tomber sur lui. Mais lorsque je rentre du travail, je suis seul face à ce risque qui me donne la nausée.

Je rouvre les yeux en essayant de m'habituer à l'obscurité qui règne dans la pièce de vie. Julie doit être couchée, même endormie vu l'heure. Je n'ai pas faim et je suis épuisée alors rien ne sert de m'éterniser.

En traversant le couloir pour rejoindre ma chambre, j'aperçois un faible rayon de lumière provenant de la chambre de ma colocataire. Je m'approche doucement et entrouvre la porte de sa chambre le plus délicatement possible, ne voulant pas la réveiller. Elle a sûrement dû s'endormir sans éteindre la lumière.

- Coucou toi, me salue gentiment Julie.

Je lui souris en rentrant dans la pièce, m'apprêtant à lui souhaiter bonne nuit, surprise qu'elle ne dorme pas encore.

- Ta journée s'est bien passée ? Me demande-t-elle en s'asseyant dans son lit.

- Elle a été...longue, avoue-je en affichant une moue mitigée.

Elle sourit chaleureusement et tapote la couette de sa main, m'invitant à la rejoindre.

- Qu'est-ce qu'il se passe mon Lou ?

Julie m'entoure de ses bras après avoir éteint toutes les lumières, laissant simplement les LED nous éclairer.

- J'ai... J'ai peur, Julie.

Ma voix se brise légèrement mais je tiens bon.

- Peur de quoi ? M'interroge doucement Julie en traçant des traits invisibles sur mes bras.

Mon silence la pousse à reposer sa question, toujours dans le plus grand des calmes.

- J'ai peur qu'il revienne, Julie. J'ai peur de le croiser parce que je sais qu'il rode. Il attend simplement le bon moment pour se montrer. Je ne sais pas ce qu'il a derrière la tête mais ça me terrifie. Chuchote-je.

Julie pousse un soupir, comme si elle aussi n'était pas tranquille du retour de ce monstre.

- J'ai autant peur que toi, confirme-t-elle. Tous les jours, je ne suis pas tranquille. Je n'éteins plus mon téléphone et vérifie toutes les cinq minutes si tu n'as pas cherché à m'appeler. Et lorsque tu m'appelles, j'ai si peur que tu m'annonces qu'il t'a trouvé, qu'il t'a fait du mal ou même qu'il t'a emmené je ne sais où. On ne sait pas de quoi il est capable, et je pense que c'est le plus terrifiant.

Son ressentis est si sincère que je n'ai rien à répondre. Julie est la seule personne au courant de son retour, et la voir aussi inquiète que moi me fait culpabiliser encore plus. Car sans moi, elle n'aurait pas cette peur sur le dos.