Chapitre 27

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Matt

Son sourire n'est que plus grand maintenant qu'elle accepte le deal, la confiance brillant dans son regard. Elle le fait exprès, elle veut m'énerver, me prouver que je la sous-estime.

- Mais une condition, annonce-je en voulant élever le niveau.

Elle redevient impassible, un vrai mur. Elle attend que je détaille mon idée. Je me place à sa gauche et murmure dans son oreille la nouvelle règle de ce marché.

- Si prendre ce micro te paraît bien trop facile, alors fais moi l'honneur de chanter les démons que tu fuyais vendredi soir.

Je me remets en face d'elle, et tombe sur ses yeux menaçants, alors que j'affiche mon plus beau sourire provocateur. Il est certain qu'elle ne s'attendait pas à ça.

- Tu n'as pas d'honneur, Matt. Je chante, ça s'arrête là, prévient-elle.

- Mais dans ce cas, je te demanderai chaque jour, chaque heure, chaque minute s'il le faut, ce qui se passait dans ta tête pour que tu te mettes à courir comme si ta vie en dépendait.

Ma voix est basse, de sorte à ce qu'il n'y est qu'elle qui puisse m'entendre. Je la défie du regard mais elle ne répond rien, se sentant pris au piège. Je peux être horrible pour obtenir ce que je veux.

- Tu ne mérites aucuns de mes secrets.

Elle mime des guillemets avec sa main libre lorsqu'elle prononce le mot secret, le plateau qu'elle tient étant appuyé sur sa hanche et tenu par sa main gauche. Sa voix est remplie de haine malgré que son corps adopte une posture relâchée.

Elle paraît en pleine réflexion, comme si elle pesait le pour et le contre de ma proposition.

- Je ne chanterai pas, va te faire foutre Matt, déclare-t-elle.

Elle repose le plateau entre ses deux mains et reprends le chemin jusqu'à notre table. Je ne peux pas la laisser partir comme ça, je n'aurai pas deux fois une occasion comme celle-là et je ne peux pas la rater. Cette fille m'en fait baver mais je suis certain que ça en vaut la peine. Que la coquille qu'elle est renferme un trésor extraordinaire, dont je veux en connaître tous les détails pour mettre à terre la fierté de sa gardienne. Parce que finalement, en la regardant refuser de mettre en péril ses secrets les plus profonds, elle n'est rien d'autre qu'une gardienne. La gardienne d'un lourd passé qui ne cesse de la tourmenter aujourd'hui, et peut-être même jusqu'à son dernier souffle.

Je prends le même chemin que la grande blonde et la rattrape. J'attrape son bras pour la freiner alors que nous ne sommes qu'à deux ou trois mètres de nos amis et la stoppe.

- C'est ta dernière chance Lou. Après, tu me supplieras de te laisser tranquille, la menace-je.

Nous nous défions du regard. C'est une bataille inexplicable qui se déroule à l'intérieur d'elle, il n'y qu'à voir comment ses pupilles vibrent. Si je n'étais pas aussi prêt d'elle, je pense que je ne pourrais pas admirer ce spectacle, car il faut le reconnaître, cette fille a des yeux époustouflants. Elle qui n'a d'habitude aucune lueur dans le regard, dû à la douleur qu'elle a appris à cacher au fil des années, ce soir, elle paraît fissurée, laissant des miettes de son esprit s'étaler dans le fond de sa rétine. Et si ce n'était pas Lou, je m'attarderai des heures dans ce gouffre noir parsemé d'étincelles de colère et de souffrance.

- Je chante pour les gens que j'aime, et toi je ne t'aime pas. Réplique-t-elle. Aucun de nous deux va choisir la musique, mais eux.

Elle pointe du doigt nos amis. J'accepte sa demande d'un hochement de tête et lorsque je pose mon regard sur notre table, je les remarque nous faire de grand signe pour qu'on amène leur commande plus rapidement. Vu la note et le poids des plateaux, je comprends que le barman a très bien appliqué ma demande.

Nos yeux remplaceront nos motsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant