Nos yeux remplaceront nos mots

Chapitre 29

Matt

- Et passes le bonjour à Alex !

Mon oncle me salue de la main, essuyant l'autre sur sa salopette pleine de cambouis.

Voilà mon job, venir aider mon oncle dans son garage. J'ai fait des études de commerce mais j'ai pris une année sabbatique pour réfléchir à ce que je souhaitais vraiment faire de ma vie. Oncle Rob m'a proposé de venir l'aider à réparer ses petits bijoux et j'ai immédiatement accepté sa proposition. Depuis, je viens trois à quatre fois par semaines pour l'aider et recevoir une petite paie à la fin du mois.

Les voitures m'ont toujours passionné. Enfin, quand je parle de voitures, je parle de celles qui font tourner les regards lorsqu'elles passent en ville. Les conduire est un réel plaisir, mais je pense que d'entrer dans leur mécanisme et les entretenir dans les moindres détails est encore plus intéressant. Sous les capots, je suis comme un gamin, travaillant avec son oncle, en train de découvrir la puissance d'un moteur ou de se salir les mains en allant fouiller à travers les tuyaux et les pièces automobiles. J'y passe des heures, à en apprendre d'avantage chaque jour, avec le meilleur professeur, oncle Rob.

Il a décidé de renier toute la famille, renonçant à son avenir de banquier tout tracé, pour pouvoir faire ce qui lui plaisait vraiment, et rien que pour ça, il a toute mon admiration. Mon père et lui sont bien différents malgré leur lien de sang, je pense qu'oncle Rob est né avec une voiture dans les mains, je ne vois pas d'autres solutions. Les voitures sont toute sa vie, il a fait partie des meilleurs mécaniciens du globe. Il a été choisi pour créer de nouveaux moteurs plus performants il y a quelques années, il a pendant sa jeunesse travaillé pour Ferrari, et plus précisément dans les courses automobiles. Il a reçu plusieurs prix pour son talent et ses prouesses, mais depuis une dizaine d'années, il a convenu que sa carrière avait été assez belle, et qu'il voulait profiter de ses dernières années avant la retraite. Même si nous savons tous que la retraite ne l'arrêtera pas, et qu'il décédera sûrement dans son garage, prêt d'une voiture.

Travailler avec lui est un réel plaisir, et dans ce garage qu'il a construit et décoré à son goût, je ne pense à rien d'autres qu'à ces voitures flamboyantes sur lesquelles j'ai la chance de travailler.

- J'y manquerais pas ! A mardi oncle Rob !

Je quitte le garage, le sourire aux lèvres, alors que la nuit a déjà enveloppé Paris. Je n'ai pas envie de rentrer, Alex est allé en soirée avec des potes et être seul dans mon appartement ne me sera pas bénéfique. Je pense que je vais aller manger un bout en ville et rouler jusqu'à ce que la fatigue me rattrape.

Je suis en train de déguster mon meilleur Burger King alors qu'une fille passe devant ma voiture à l'arrêt, en courant, un casque sur ses oreilles. Cette image me ramène subitement des semaines en arrière, lorsque Lou avait traversé ce carrefour et risqué sa vie.

Il n'y a pas un jour qui passe sans que je repense aux comportements de cette fille si mystérieuse. Elle se tue à rester positive, montrant que sa vie est paisible et remplie de joie si fort que je pourrais presque y croire, si je ne l'avais pas vu s'effondrer à plusieurs reprises. Mon cœur s'emballe en repensant à l'autre soir, dans la douche, lorsqu'elle ma remercié en me serrant dans ses bras, ou encore à la douceur de ses mains dans les miennes. J'ai pensé que j'étais simplement en manque de sexe, mais j'ai couché avec un bon nombre de filles, et j'ai encore la sensation de son souffle dans mon cou lorsque je repense à ses yeux verts. Je n'arrive pas à m'en défaire, et c'est agaçant.

Mais le plus agaçant dans tout ça, c'est qu'avant, je voulais la voir tomber, et maintenant, je veux la voir se relever. Je ne connais rien de son histoire, même si je commence à avoir quelques soupçons qui n'indiquent rien de bon. Elle était allongée au sol, me suppliant de ne pas la frapper, et cette réaction ne trompe pas. Nous ne savons pas ce qu'il s'est passé, Alex et moi étions chez elle pour que Jules et Julie prennent de nouvelles mesures pour le défilé. Alex tenait à saluer Lou, Jules était partis, il ne restait que nous trois lorsqu'on a entendu la serrure se faire martyriser. Et à la seconde où j'ai croisé le regard de Lou, voilé par la terreur, et la voir s'écrouler au sol en criant sans pouvoir respirer, j'ai immédiatement compris. Elle venait de croiser son enfer. Je ne sais pas si c'était un objet, un texte, ou même une personne, mais ça a suffit à lui faire perdre le control. Et je ne connaissais que trop bien cette réaction pour ne pas l'aider. Seulement, je ne pensais pas qu'en l'aidant, j'allais développer ce besoin de le faire plus souvent.