Nos yeux remplaceront nos mots

Chapitre 23

Matt

Le moteur de mon Audi vrombit en sortant du garage, comme si elle aussi, avait besoin de faire un tour pour se vider l'esprit sur les routes parisiennes. La nuit a englouti Paris et seuls les lampadaires émettent de la lumière. Ce soir, contrairement à d'autres, j'ai envie de parcourir la ville, de traverser les arrondissements et voir la beauté des monuments sans les touristes et l'agitation parisienne.

Je m'incère sur le boulevard Saint Germain, j'accélère et le parcours en moins de deux minutes. La vitesse clou mon dos au siège mais l'adrénaline commence à parcourir mon corps et mon pare-brise engloutit les lumières de la nuit. Je fais crisser mes pneus en tournant pour prendre la rue Saint Jacques mais ne perds pas ma vitesse et poursuit ma route en poussant ma voiture au-dessus des 135 km/h. Je ralentis seulement lorsque je me retrouve sur la place du Panthéon, je contourne ce grand bâtiment illuminé, fais un tour complet de la place pour pouvoir l'admirer pleinement à travers ma vitre puis reprend ma route en direction de la cathédrale emblématique, Notre-Dame. Le rue des Carnes est déserte et en voie unique, je saisis ma chance et accélère de nouveau. Plusieurs intersections coupent la rue mais je ne m'arrête à aucune d'elles, j'accélère encore et mets quatre minutes d'avance au temps indiqué sur le GPS de ma voiture. Ça me fait sourire. Je finis par décélérer et aperçoit l'immense cathédrale, qui fait peine à voir avec tous ces échafaudages qui l'entourent.

Depuis petit, Notre Dame paraît comme la mère de Paris à mes yeux, on dirait qu'elle veille sur la ville qu'elle a vu grandir.

Je ne m'attarde pas et décide de parcourir les petites rues, plus tranquilles, ne sachant pas vraiment qu'elle sera ma prochaine destination.

Je commence à connaître Paris comme ma poche, je parcours cette ville depuis mes 18 ans dans le but de vider mon esprit le temps d'un tour en voiture. Mais Paris a tellement de recoins, de raccourcis et de lieux cachés que je ne pense pas pouvoir dire que je connais cette ville par cœur avant mes 50 ans, minimum. C'est d'ailleurs ça qui me plaît, découvrir de nouvelles rues à chaque fois que j'aire dans la capitale, au volant de mon Audi. J'ai en permanence besoin de nouveau, d'inconnu car je me lace très vite. Paris est un bon exemple, j'adore cette ville car je ne la connais pas entièrement, alors je reste et prend plaisir à découvrir des petits parcs de quartiers, des immeubles qui ont traversé les siècles ou des rues qui ont connu l'époque des calèches. C'est pareil avec les gens, mes passions, etc...si jamais je viens à me lasser, je change. Comme avec les filles, elles ne restent pas plus d'une nuit en général.

Ma route continue en direction du palais Garnier puis se termine à Montmartre. L'aiguille de mon compteur n'a pas dépassé une seule fois les 150 km/h et je commence à devenir impatient. Je ne sais pas si j'aurai l'occasion de pousser ma voiture encore plus loin pour cette nuit. Je contourne la Basilique du Sacré Cœur puis prends une route différente pour le retour. Je traverse une partie du 18e arrondissement sans forcément rouler comme un malade. Je profite du calme qui m'entoure, la lumière rouge du feu où je suis arrêté reflète dans l'habitacle de ma voiture et c'est apaisant. Je m'accoude contre ma portière, une main sur le volant et l'autre sur le levier de vitesse, prêt à redémarrer dès que le feu passera au vert. J'aperçois à travers ma vitre une fille entrain de courir, elle est sur le trottoir à ma droite mais elle est trop loin pour que je puisse distinguer sa silhouette précisément. Elle court vite, elle a l'air en fin de course vu le sprint qu'elle effectue. Elle se rapproche de plus en plus du feu où je patiente et je ne sais pas si elle va prendre le temps de s'arrêter pour vérifier que le feu lui donne le droit de traverser. Maintenant qu'elle est plus prêt, j'arrive à apercevoir que ses cheveux courts sont attachés en demi-queue de cheval, qu'elle porte un jogging ample et un gilet entrouvert qui laisse apercevoir la bretelle de sa brassière. Elle n'est plus qu'à quelques mètres de moi et je l'observe se rapprocher de ma voiture. Elle est grande et élancée, on dirait que son sprint la rend plus forte, qu'elle ne s'arrêtera jamais. Ou alors elle fuit, elle court si vite que ça se pourrait mais il n'y a personne derrière elle. Et soudain, elle relève la tête en direction du feu, les lampadaires illuminent son visage et je me raidis dans mon siège.