Battante

Chapitre 2 : Khalys

Je me retrouve propulsée des années en arrière, dans ce souvenir affreux, traumatisant, de l'une des pires journées de ma vie. C'était avant la naissance de Dane, ma mère était enceinte de sept mois, moi, j'étais encore au collège. C'était une fin de journée d'automne sombre, froide et pluvieuse.

Je rentrai du collège à pied, ma mère passait ses journées seule à la maison. Ce soir-là, j'étais rentrée assez tard, la maison était grande ouverte, rien d'étonnant étant donné que ma mère était à la maison. J'avais posé mon sac dans l'entrée et j'allais dans la cuisine pour rejoindre maman.

Depuis qu'elle était arrêtée à la maison, elle s'était prise d'une passion pour les gâteaux, donc on la retrouvait souvent en train d'en préparer dans la cuisine, c'était son passe-temps. Elle qui était une femme active, elle avait du mal avec cet arrêt forcé.

Je me dirigeais donc vers la cuisine. En entrant, je remarquais sur l'îlot central tous les ingrédients nécessaires pour faire un gâteau, le four en route, mais aucune trace de ma mère. Je contournais l'îlot, ma mère était étendue sur le sol dans une énorme mare de sang, paniquée et les mains tremblantes, j'avais péniblement appelé les secours. Ils étaient arrivés assez rapidement, j'étais restée tout ce temps assise à côté de ma mère à pleurer et à la supplier de se réveiller.

Cet événement m'a causé des cauchemars pendant des années et m'a valu de nombreuses séances de torture avec un psy.

J'ai appris que bien plus tard, que cette journée-là, des cambrioleurs avaient pénétré chez nous pensant que la maison était vide et pris par surprise en trouvant ma mère dans la cuisine, il l'avait poignardé avec un couteau de cuisine à portée de main et avait continué leurs larcins, la laissant dans la cuisine se vider de son sang. Ce fut un miracle que ma mère et Dane s'en soient sortis après plusieurs jours en soin intensif.

Mais ma mère n'était pas revenue sans séquelle non plus, elle avait développé un toc en particulier qui était plutôt handicapant.

Depuis, elle ne pouvait plus laisser une seule porte ou fenêtre non verrouillée quand elle était seule à la maison, et parfois, elle vérifiait jusqu'à six fois en une heure si tout était bien fermé. Son toc s'était aggravé avec le temps, car depuis deux ans, c'était même le cas quand tout le monde était à la maison, mais on s'était adapté pour qu'elle puisse se sentir bien et épanouie quand elle est à la maison. Cette impuissance la rend folle, car c'est une femme forte et elle n'a jamais réussi à passer au-dessus de ce qu'il lui ait arrivé. Je sais qu'elle s'en veut énormément de nous faire subir ça, même si nous ne lui en voulons pas.

Ce qui nous amène à cet instant, ce moment où je suis devant cette porte, la porte d'entrée de ma maison, celle qui est toujours fermée, celle qui est constamment fermée à clé.

Ma tête et mon corps se figent, je n'arrive pas à réfléchir correctement. Que fait cette putaine de porte déverrouillée ? Ce n'est pas possible Elle ne devrait pas... Mon corps reste figé et une angoisse gonfle en moi, j'ai un très mauvais pressentiment... Jamais ma mère ne l'aurait laissée ouverte, c'est impossible pour elle et mon père respecte trop ma mère pour oublier, alors pourquoi ?

L'angoisse ne me quitte plus, ma respiration est haletante et difficile, mon corps est comme paralysé. Il me faut un effort surhumain pour trouver la force d'appuyer sur la poignée et il m'en faut encore plus pour réussir à ouvrir cette dernière.

Elle s'ouvre dans un grincement interminable, l'instant paraît durer une éternité. Mon corps se crispe encore un peu plus, ce que je ne pensais pas possible. L'odeur qui me prend les narines est âcre et métallique.

Je tremble, je ne peux pas me contrôler, je connais cette odeur... Elle m'est trop familière... Elle me ramène à cette soirée-là. Il y 8 ans.
Dix, c'est le nombre de minutes qui se sont écoulées sans que je ne sois capable de faire un seul mouvement. Mon corps est tétanisé, je ne peux plus bouger, je n'y arrive pas, l'angoisse a pris possession de moi. J'ai peur de ce qu'il y a dans la pénombre de l'entrée, à peine éclairée par les lampadaires de la rue.