Fragment 7 : Welcome et Bienvenue au work-and-fun!-space !

5 2 0
                                    

Chapitre 2 : « Les autres » - Le temps d'une visite 


Fragment 7 : Welcome et Bienvenue au work-and-fun!-space !


- « Ça te serait vraiment bénéfique, crois-moi. L'ambiance y est différente des précédentes entreprises, plus cool. »

Voilà quinze minutes qu'il m'a sauté dessus, qu'il veut me convaincre de visiter la Société. C'est arrivé d'un coup, un vent tournant, en plein dans la figure. 

- « Ça te permettrait de dédramatiser. De pas rester sur un échec. »

J'expire, me frotte les lèvres. Ça ne sert à rien de lutter : quand il est décidé, autant demander à un éléphant de marcher à cloche-pied. 

- « D'accord, dis-je le regard fuyant. 

- Ah ! merci ! ça va bien se passer ! Juste une balade, pour l'instant. »

La nuit est longue, mon cœur tendu, l'air comme du poison. Devant mon frère, la façade du bâtiment. L'appréhension zèbre chacune de mes fibres. Je prends une grande respiration, atroce, fétide, heurtée de trois hoquets.

Nous entrons dans le Main Workspace, des gens sur des sofas, des poufs, des tatamis font leurs team meetings matinaux parmi les tables de tennis et les consoles de jeux de la (Re)creation Zone. Le claquement des balles cadence péniblement le matraquage écœurant des claviers. Les taches de couleurs post-feng shui qui maculent murs, sol et meubles semblent vibrer au rythme de la cacophonie. Il y a tant de monde, tant de mouvements, jusqu'aux furins néo-traditionnels en plastique recyclé suspendus partout. C'est terrifiant. 

- « Bon, je te laisse », me surprend mon frère.

Et il disparaît. Je me retrouve isolée au milieu du chaos et de la panique, me bouche les oreilles, un repli. 

Fuir. Quelque part. Je me retourne, la porte de sortie est bloquée par une foule de cartons orange. Les toilettes ! Je cherche des panneaux, n'en décèle aucun. Puisque je me sens idiote et suspecte, j'avance d'un pas rapide vers un couloir qui me paraît peu fréquenté.


Depuis quand est-ce que je marche ? Sans jamais croiser une poignée, je me suis engouffrée au travers d'allées enroulées de fleurs qui me sourient, de smileys qui pleurent de l'eau et de mosaïques de diodes aux motifs évolutifs ; dans une, j'ai dû sauter à cloche-pied, dans une autre, #floorislava, bondir de dalle verte en dalle verte, avant qu'elles virent au rouge. Dans un open space, on imprime des origamis qu'on brûle au fond de coupelles afin d'en récolter la cendre avec application. Dans le suivant, des employés râpent des balles de golfs fuchsia et leurs collègues se chargent de classer ces morceaux selon l'ordre de grandeur et l'esthétique en jargonnant je-ne-sais-quoi. Mais rien n'égale la piscine à vagues mousseuses où des cols blancs glissent de toboggans en remplissant des tableurs sur leur écran.

Je continue d'errer, trempée et désorientée au cœur de ce chaos farfelu qui semble normal et efficient pour tout le monde ici. Acculée par un attroupement, je suis poussée en direction des escaliers. Quelques étages plus haut, un manager obtus me débusque : 

- « Qu'est-ce que vous fichez là ? ce niveau est réservé aux cadres de rang C ou supérieur ! » 

Je descends un palier, fuis au sein d'un dédale de lasers et de lumière noire. Son badge... c'est l'emmerdeur dont mon frère se plaint si souvent – un grade A. Je sors de mes pensées, découvre la pièce autour de moi. Je n'ai aucune idée où je suis, ni d'où je viens.

Un dernier incendie dans la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant