Fragment 17 : Alone in despair

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Fragment 17 : Alone in despair 


Je rentre en rampant à travers la forêt, exténuée, en sang. Je parcours la clairière la mort dans l'âme, passe à côté de la tombe de Michat, « tu vois, tout était écrit ». La maison minable et silencieuse me regarde à son tour. J'arrive devant l'entrée, mais ne parviens pas à l'ouvrir : la poignée est trop haute et quand je l'atteins, je n'ai pas l'énergie de pousser, mes doigts glissent. Je m'affale contre la porte, m'abandonne là. A quoi bon ? A quoi bon continuer ? pourquoi ?

Des images de ma mère tournent, suis-je comme elle ? à perdurer sans n'être autre chose qu'une machine à maintenir, des tâches à effectuer, une mélancolie jusqu'à l'éternité ? Je n'ai pas d'enfants, aucune raison de m'obstiner, je n'ai plus rien. Et à elle, ça ne lui a pas suffi, alors qu'elle était tellement, tellement forte. C'est certainement mieux ainsi. Cette farce aurait dû se terminer depuis longtemps. J'ai pu profiter un temps, écouter l'orchestre tandis que le bateau sombrait, au milieu des cris, de ma panique, de mes muscles engourdis. Désormais, ne demeure qu'un corps à la dérive, lentement englouti par les flots. Fin, générique. J'en ai juste assez, je suis fatiguée de tout ça, fatiguée de tenter, fatiguée de décrypter leurs codes, fatiguée de me forcer, fatiguée de souffrir. C'est au-dessus de moi. C'est trop. Je ne serais jamais ce qu'on attend de moi, je ne serais jamais ce que j'attends de moi, je ne l'ai jamais été, j'ai essayé et maintenant il ne subsiste qu'un champ de ruines. Je suis affreuse, sous chaque couture. Je suis même fatiguée d'être fatiguée. Je suis fatiguée d'être moi. J'en peux plus d'être moi. J'en peux plus, que ça cesse enfin ! Je repense un instant à mes bons moments, à l'écriture, un sursaut, vite entaché. Dans une autre vie peut-être, douce, moins exigeante. Dans une autre vie dans laquelle je ne serais pas un fardeau pour autrui, moi y compris. Mon frère, je ne t'en veux pas. Tout ça, c'est moi, ce n'est que moi. Il n'y a pas de place pour moi. Ici. Nulle part. Ça ne sert à rien de fuir encore, fuir pour aller où ? pour en baver encore. Ça ne sert à rien. Je me sens partir, petit à petit comme une marée montante qui me submerge.


Je reste là une éternité. Les fragments de ma mémoire s'envolent, se mélangent, se troublent, confus. L'univers paraît irréel. Je flotte, le monde est lointain, l'accablement partout, mon corps s'affaisse, s'écrase sur lui-même, chacune de mes cellules désirant s'évader de son côté. Ça ne peut pas être vrai, c'est un cauchemar, c'est à nouveau un cauchemar. Qu'est-ce qui a existé au milieu de ça ? de cette absurdité ? Est-ce que j'existe seulement ? 

La dernière image que je vois est la caresse de mon frère et sa voix au cœur de mes sanglots qui resurgissent : 

- « Je suis désolé. Je suis désolé pour tout. On va faire autrement. Ensemble. »

Un dernier incendie dans la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant