Chapitre 1 : Les insatiables

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L'effet papillon : phénomène suivant lequel un évènement minime et lointain peut provoquer une importante conséquence indirecte et insoupçonnée.

« Pff, et les licornes existent aussi, non ? Ça veut dire que si je mets un grain de sucre en plus dans mon café je vais rencontrer l'homme de ma vie ? »

« Non, n'exagère pas... Je trouve ça plutôt mignon, moi. »

Ma meilleure amie, comment une personne peut-elle être si gentille et intelligente et en même temps, si naïve.

« Je veux dire, si j'étais pas partie en Bretagne j'aurais jamais rencontré Charles ! » dit-elle. « Oui bon, ça c'est une erreur de parcours. » râlais-je. Je ne l'ai jamais pifé ce Charles. Trop gentil, toujours à dire ce que les gens veulent entendre. Et puis, il m'a volé ma meilleure amie, jalousie maladive ou peur de l'abandon, appelez ça comme vous voulez, il n'empêche que je la vois de moins en moins.

Je prends une gorgée de mon café et regarde autour de moi. Peut-être que moi aussi je l'aurais mon effet papillon, que je créerais une tornade à l'autre bout du monde. M'enfin, je peux toujours rêver.

« Bon, on rentre ? J'ai un date. » dit Lucas, qui n'écoute plus la conversation depuis bien longtemps. « Encore un mec repêché sur Grindr ? Tu veux pas te poser ? » dit Charlotte avant de boire une gorgée de son jus. « Oh ça va, c'est pas parce que toi et Charles vous vivez une histoire d'amour que nous aussi, on doit le faire. » retorque-t-il. Je souris en les regardant se chamailler. Ils ont toujours été comme chien et chat ces deux-là. « De toute façon, je dois aller bosser. » annonçais-je. Charlotte fait la moue alors que Lucas a déjà enfilé sa veste. Nous laissons l'argent pour l'addition sur la table et partons chacun de notre côté.

Il fait beau pour un mois de mars. La chaleur du soleil vient adoucir le froid glacial. Je regarde mes pieds. Mes chaussures me font mal. Elles sont nouvelles, mais personne ne les a remarquées. Peut-être que j'aurais dû opter pour l'autre paire. Je suis perdu dans mes pensées et passe devant ma voiture sans m'en rendre compte. Une moto me sort de mon monologue en donnant un coup d'accélérateur. Je m'aperçois que je suis au bout de la rue. Je me retourne et regarde la montée qui m'attend pour retourner à ma voiture. Je souffle et baisse la tête, saoulé de moi-même. Quand j'ouvre les yeux, mon regard est attiré par une chose qui scintille. Je m'approche de l'objet qui semble être coincé entre les roues d'une trottinette abandonnée et le trottoir. On dirait un papier, soigneusement plié en 4. Il est mis de façon à ce que personne ne puisse le voir, et en même temps, il attire l'attention. Ma curiosité est piquée à vif. Je me baisse pour le ramasser. Je regarde autour de moi, j'ai l'impression d'avoir trouvé le trésor d'une chasse organisée. Je l'ouvre doucement, comme si à l'instant où j'aillais découvrir ce message, le papier s'autodétruirait. Quand je devine la première lettre, mon cœur commence à battre la chamade. « Tu... » commençais-je. « Tu es gay. » est écrit sur le papier. Je le lâche avec dégout quand je me rends compte qu'un chewing-gum est écraser entre les feuilles. Déçu, je remonte vite la rue et entre violemment dans ma vieille ford fiesta. Je démarre et pars sans me retourner. En même temps, à quoi est-ce que je m'attendais. Personne n'écrirait quelque chose d'intelligent après avoir abandonné une trottinette au beau milieu du trottoir. « Sales gosses. » rouspétais-je, seule. Je suis tellement énervé que par reflexe, j'appuie sur l'accélérateur. Je vais bien trop vite, et manque d'écraser un piéton. Je reprends mes esprits et ralenti. « Pourquoi je m'énerve moi ? » pensais-je à voix haute. Je reprends la route normalement et arrive enfin chez moi.

Je file sous la douche avant d'enfiler ma tenue de travail. Quand je sens l'eau couler sur ma peau, j'essaie de me souvenir de la dernière fois que j'ai fait l'amour. Je pense que c'était à son époque. J'ai déjà ressenti autre chose que de l'amitié pour une personne et ça m'a brisé. J'ai perdu ma bourse, mes amies et presque ma famille. Heureusement, Charlotte a été là pour moi. Elle m'a écouté sans jamais me parler de ses problèmes. C'est pour ça que je suis là pour elle maintenant.

Je coiffe mes cheveux en une queue de cheval, prends mes clés et me dirige vers l'entrée. J'enfile mes chaussure et sens que quelque chose est coincé en dessous. Le chewing-gum écrasé dans le papier s'est collé à ma chaussure pendant que je retournais vers ma voiture. « Mais c'est une malédiction ce truc ou quoi ? » râlais-je en le décollant de ma chaussure. Je le jette dans la poubelle, me lave les mains et ouvre la porte pour aller au boulot.

J'arrive, fatigué des gens qui ne savent pas conduire. J'ai cinq minutes de retard et j'entends déjà mon patron rouspéter parce que « c'est pas la première fois que ça arrive cette semaine. » Je ferme les yeux, respire un bon coup et pousse la porte du bar.

« Ah bah enfin te voilà ! C'est la troisième fois que tu arrives en retard cette semaine, je ne sais pas ce qu'il t'arrive mais il va falloir se reprendre si tu veux garder ton titre de meilleure employée du moi mon p'tit. » s'emporte-t-il. Bingo, pensais-je. Je le connais trop bien. Je m'excuse à moitié et entre dans la salle du staff. Je pose mes affaires et me dirige directement vers la salle de service. J'aide mes collègues à préparer les tables. Je n'aime pas vraiment ce travail, je serais heureuse de me faire virer, je n'ai pas le courage de démissionner. Je me perds dans les couverts, j'astique les fourchettes et les couteaux pour qu'ils brillent. Je regarde le niveau de transparence des verres. Nous ne sommes pas ce genre d'établissement mais j'aime chouchouter mes clients. Peut-être qu'un homme riche me prendra en pitié et me laissera l'épouser. Pendant que je rêvasse, je ne remarque pas mon collègue, qui est entrain de repositionner l'aquarium derrière moi. Je remarque qu'il y a une araignée sur l'une des tables. J'ai une peur bleue de ces créatures immondes. Je recule brusquement, tape dans le verre de l'aquarium qui bascule et s'éclate sur le sol. Le fracas du verre fait sursauter le cuisinier qui fait tomber sa poile sur sa main libre. Un cri s'échappe de la cuisine pendant que l'eau déferle dans toute la pièce, mouillant les cartons remplis de serviettes et le sac plein de pain. Je reste impuissante devant ce spectacle. Quand je lève la tête, je vois l'air surpris et inquiet de mes collègues. J'entends le bruit des chaussures en cuir de mon patron dans mon dos. Je ferme les yeux, comme si le fait que je ne vois rien, voulais dire que rien ne s'était passé. Je n'ai même pas le temps de me retourner qu'il prononce déjà les 3 mots que je rêve d'entendre depuis des mois.

« Tu es virée. »

Je cache mon sourire et pose le torchon que j'ai dans ma main sur le sol. « C'est pour aider à éponger. » lançais-je, pour le provoquer. Je passe récupérer mes affaires et m'en vais. J'envoie un message vocal sur le groupe messenger avec Charlotte et Lucas. Comme prévu, le date de Lucas a été catastrophique et Charlotte n'a rien à faire.

Encore une soirée grandiose pour le trio des insatiables. 

Le grain de sucre (GXG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant