Chapitre 19 : Maman...

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TRIGGER WARNING : mention de possible viol.

Nous arrivons devant l'immeuble de Lucas. Je sonne, il ouvre immédiatement, sûrement impatient de se justifier. Nous montons les étages à pied, pour aller plus vite, bien qu'il n'y ait aucune logique à cela.

- Salut, dit Lucas qui nous attend, la porte ouverte.

Sans répondre j'entre dans l'appartement et m'assois sur le canapé. Je croise les bras et attend que tout le monde s'installe. Une fois tout le monde assit, je prends la télécommande et éteins la télé.

- Je t'écoute, c'est quoi ton plan ? lancé-je à Lucas.

- J'ai pas de plan, Hassan ne veut pas de cet enfant donc je n'ai pas besoin d'y réfléchir, dit-il.

Je regarde Hassan, insiste du regard pour qu'il dise quelque chose, mais il n'ose même pas bouger.

- Hassan, même si tu ne veux pas le reconnaitre, au nom de la loi, tu es non seulement le père de cet enfant mais le mari de Fatma, vu que vous n'avez jamais divorcé, s'il y a un problème, Lucas pourrait se retrouver au milieu de vos histoires, dis-je. Je pense qu'on devrait tous bien y réfléchir avant de se lancer là-dedans. Qu'est-ce que t'en dis Lucas ? continué-je.

- Pauline, je peux te parler en privé ? Juste tous les deux... demande Lucas.

Je me lève et le suis dans sa chambre. On s'assoit sur le lit et restons silencieux pendant quelques minutes.

- Pauline... se décide à dire Lucas. Je sais que tu t'inquiète pour moi... J'ai pas forcément toujours cherché une relation sérieuse, mais là, je le sens bien, je te jure ! Je sais que c'est compliqué si tu pense au long terme. J'y ai pensé. Et si le gosse veut savoir qui est son père ? Et s'il ne comprend pas pourquoi Hassan n'a pas voulu de lui ? Et s'il me déteste ? Je me suis pris la tête dans tous les sens. Mais Pauline, on a qu'une vie et j'ai envie de savoir où va mener cette histoire. J'ai pas envie d'avoir des regrets ! Et puis, le fait que Louna s'en occupe ça veut dire qu'il sera toujours proche de Hassan et je trouve ça bien, explique-t-il.

- Je sais pas, on est encore jeunes, je me suis jamais dit que j'allais éduquer un enfant cette année. Et puis toutes les démarches administratives... Tu te rends compte qu'on les connait depuis moins d'un mois ? Tu trouve pas que ça va beaucoup trop vite ? m'angoissé-je.

- Oui, mais est-ce que c'est vraiment grave ? Qui a dit qu'une semaine ou même deux c'était pas assez ? Qui a dit que y avait une ligne de départ et d'arriver ? Si on vivait dans une autre société, toi et moi, on pourrait montrer notre amour, on pourrait se marier tranquille, avoir des enfants... Moi, je veux juste vivre, ne pas me poser de questions, avoue Lucas.

- Dit comme ça... dis-je. Je dois quand même y réfléchir... C'est pas rien. Même si je commence à avoir des sentiments pour Louna, il y a tellement de choses que je veux faire avant d'élever un enfant... Je veux voyager, prendre un van et partir faire le tour du monde ! Je veux acheter une maison, prendre un chien, et un chat ! Goûter à la vie sans contraintes ! m'exclamé-je.

- Je ne vois pas ce qui t'en empêche... Un enfant grandi, tu peux voyager avec, faire le tour du monde... explique Lucas.

- C'est celui qui ne va pas s'en occuper qui parle... fais-je remarquer. M'enfin bref, je vais quand même prendre un jour ou deux pour y réfléchir. De toute façon je suis en congé demain et après-demain, affirmé-je.

Il acquiesce et nous décidons de retourner avec la source de tous ces ennuis. Lucas s'assoit à côté de Hassan et lui prend la main. Je fais de même mais n'arrive pas à aller vers Louna. J'ai l'impression qu'elle m'a piégé, même si au fond de moi, je sais qu'elle n'avait pas prévu de tomber amoureuse de moi.

- Je vais prendre deux jours pour réfléchir. Je ne verrais ni Louna, ni toi Lucas ou Hassan. J'ai besoin d'être seule, de faire le tour de ce problème. Je ne serais pas injoignable, s'il y a une urgence, je vous demande de m'appeler. Voilà... Je pense que je vais rentrer chez moi. Merci de m'avoir tout expliqué et de m'avoir accueilli Lucas, terminé-je.

- Attends, tu ne peux pas partir avant de me laisser une chance de m'expliquer ! s'exclame Hassan, ce qui me fait sursauter. J'ai l'impression de passer pour le pire père du monde, qui a lâchement abandonné son enfant. Mais enfaite, je n'ai jamais voulu de cette vie. Le jour où je me suis marié, j'ai essayé de m'enfuir 3 fois. La première fois, mon beau père m'a retenu, il m'a enfermé dans la chambre où j'étais censé me préparer. La deuxième fois, c'est ma mère qui m'a convaincu avec ses mots doux que je ne devais pas m'enfuir, que je devais penser à l'avenir de la famille. Et la dernière fois, c'était mon père. Il m'a tapé jusqu'à ce que je crache du sang. Sur les photos de mariages, on ne voit rien, il a tapé la où il faut, dans l'abdomen, mais sur une, le moment où je dis oui, on peut voir une goutte de sang sur ma chemise, continu-t-il.

Il se lève brusquement pour aller dans la chambre et sortir son porte-monnaie. Il en sort une photo pliée. Il me montre avec son doigt la tâche qui pourrait effectivement être du sang mal nettoyé. Je reconnais aussi la gendarme, magnifique.

- J'avais du mal à marcher, je serrais les dents tellement fort que j'ai cru que je ne pourrais plus jamais ouvrir la bouche. J'ai épousé cette pauvre femme. Et le soir même... il s'arrête un instant pour retenir ses larmes. Tu dois comprendre que dans notre culture, les ainés nous observe lors de notre premier rapport sexuel pour nous indiquer quelle est la meilleure façon de concevoir un enfant et surtout un garçon. J'ai été forcé à coucher avec elle. J'ai refusé, prétexté que je ne me sentais pas bien, et même que j'avais mal au pénis. Rien n'a fonctionné. J'ai mis cette femme enceinte, contre mon gré. Je n'avais pas le choix. Je ne l'ai compris que plus tard, mais j'ai fait ce que j'avais à faire pour survivre. Cependant, je n'ai jamais voulu cet enfant, je ne veux pas voir son regard quand je lui dirais que je suis tout ce que sa mère déteste. C'est mieux s'il ne sait pas qui je suis.

Quand il termine, Hassan que regarde, les sourcils froncés, les larmes aux yeux. Je vois que cette période de sa vie l'a traumatisé, je vois ses émotions déborder.

Le grain de sucre (GXG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant