Le grain de sucre (GXG)

Chapitre 24 : Ce moment

- Louna ? dis-je.

Elle s'avance vers moi, me regarde avec tendresse.

- Pauline, tu ne le sais sûrement pas mais ça fait quelques semaines que j'y pense, commence-t-elle.

Elle s'approche doucement, je remarque un bouquet de fleurs rouges dans ses mains. Un torrent d'émotions me submerge et je sens déjà les larmes envahir mes yeux. Elle est magnifique, elle porte un pantalon en maille argentés qui laisse ressortir la silhouette de ses cuisses. Un haut blanc en soie vient compléter son look. Les bijoux en or sur sa peau mate lui donnent un air de princesse d'orient.

- Tu te rappelles du jour où tu m'as dit que tu m'aimais ? Je t'ai dit que j'avais peur de te le dire à mon tour. Aujourd'hui, je n'ai plus peur. Je sais que je t'aime et que je veux faire ma vie avec toi. Tu fais déjà partie de ma vie, tu as fait tellement de sacrifice, et je t'en ai fait voir des vertes et des pas mures. Pourtant, t'es toujours là, toujours à mes côtés pour me soutenir et m'épauler. Je n'aurais jamais pu en arriver là sans toi, alors voilà. C'est sûrement trop tôt mais de toute façon on est lesbienne alors on est connu pour ça.

Elle marque une pause. Entre les rires et les larmes, mon cœur va s'arrêter.

- Pauline, après tout ce qu'on a vécu ensemble et tout ce qu'il nous reste à vivre, veux tu continuer ce chemin à mes côtés ? Veux tu m'épouser ?

Je reste bouche-bée. Mes larmes ne cessent pas de couler, je dois ressembler à un panda. Je respire un bon coup et essaie de me calmer. Je reprends mes esprits et suis enfin capable de rassembler dans ma tête les choses que je veux lui dire.

- Louna, je sais que ta vie n'a pas été facile et je ne comprends toujours pas comment tu as fait pour devenir la femme que tu es aujourd'hui. Tu es la personne la plus gentille, attentionnée, à l'écoute et positive que je connaisse. Je ne me vois pas passer une seconde de plus sans t'avoir à mes côtés. Je veux passer le reste de ma vie avec toi. Je t'aime et je veux absolument, avec un immense honneur et grand plaisir, t'avoir pour femme, dis-je, heureuse d'avoir pu lui faire passer mes sentiments.

Au bord des larmes, elle m'enlace si fermement que j'ai dû mal à respirer. L'entièreté du restaurant, qui a pu assister à la scène à travers la baie vitrée, applaudit. Je ne vois qu'elle et elle ne voit que moi. J'ai l'impression que nous sommes dans une bulle, plus rien n'importe.

Après quelques minutes, nous nous asseyons. Je suis vide mentalement et physiquement. Le serveur s'approche pour pouvoir prendre notre commande. Louna commande à ma place pendant que j'essaie de souffler un peu. En attendant le repas, je regarde ma bague. Elle est magnifique, un anneau en argent avec un petit diamant discret mais puissant. Je la regarde, encore sonnée par ce qui vient de se passer. Louna me prend la main. Nous sommes ensembles.

- Je ne savais pas que tu allais me sortir le grand jeu ! m'exclamé-je.

- C'est le minimum pour la femme avec qui je veux passer ma vie, dit-elle.

Elle semble, d'un coup, pensive, comme si elle hésitait à me dire quelque chose.

- Qu'est-ce qui te tracasse ? demandé-je.

Mon téléphone sonne, c'est Charlotte. Louna me fait signe de répondre.

- Allô ? dis-je.

- Tu pensais me le dire quand, hein ? Tu pensais m'annoncer quand que tu as envoyé mon ex en prison ? hurle-t-elle.

Je lève la tête pour regarder Louna qui ne semble pas surprise. Je coupe le son pour que Charlotte ne m'entende pas.

- Tu le savais ? murmuré-je à Louna.

- Je l'ai appris avant de venir, c'est ça que je voulais te dire... avoue-t-elle.

Je me lève pour parler à Charlotte au calme. Je m'appuie contre l'un des arbres.

- Ecoute, il est venu me menacer il y a quelques mois et j'en ai eu marre de me laisser faire alors je suis allée porter plainte. Je ne te l'ai pas dit parce que je pensais que ça te ferait plus de mal que de bien...

- Tu aurais dû me le dire, je serais venu avec toi et au lieu d'avoir 18 mois avec sursis, il aurait fini avec 5 ans, me coupe-t-elle.

- Quoi ? Mais je pensais que tu n'étais pas prête, dis-je, surprise par sa réaction.

- Je ne le serais jamais, mais avec toi, peut-être que j'aurais pu le supporter.

- Il n'est pas trop tard ! Tu peux encore porter plainte ! m'exclamé-je.

- Tu crois ?

- Oui, j'ai une amie avocate et elle peut t'aider ! affirmé-je.

- Tu as une amie avocate ? répète-t-elle.

- Oui, une amie de Louna, expliqué-je.

- Louna... ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu, toi et moi...

- C'est vrai... On pourrait aller boire un café pour rattraper le temps perdu ?

- Ça me ferait vraiment plaisir.

- Demain ?

- Parfait !

Je regarde la lumière qui est reflété par les feuilles des arbres. Je me retourne vers Louna et me rends compte que je devrais vivre le moment présent.

- Je dois y aller, je fais quelque chose d'important... Je te raconte tout demain, affirmé-je.

- Ah, d'accord... dit-elle.

Elle raccroche. J'ai l'impression qu'elle est triste, ou déçue. Je ne me sens pas à l'aise avec la situation mais seulement pour ce soir, j'ai envie de penser à moi et à Louna.

- Alors ? Elle l'a mal pris ? Elle me déteste ? s'inquiète Louna.

- Non, elle veut aller porter plainte ! annoncé-je.

- C'est plutôt une bonne nouvelle alors ! Je suis désole, j'aurais dû te le dire mais je ne voulais pas gâcher le moment...

- Tu as eu raison, je m'en fou de ce con, ce soir c'est toi et moi. On réglera ce problème demain ! dis-je.

Le serveur arrive avec notre nourriture. Nous passons la soirée à parler de nous, à monter des projets. Un nouvel appart' avec une chambre pour Azraq, un grand salon pour y mettre les litières de nos futurs chats. Je nous imagine déjà, vieilles filles, sur notre terrasse entrain de boire notre tisane en reparlant de ce moment.