Chapitre 15 : La tolérance

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- Mes parents se sont rencontrés pendant un voyage en Arabie saoudite. Les parents de ma mère sont originaires d'Algérie et mon père est né en Syrie mais a toujours vécu à Bahreïn. Il était en voyage d'affaire et elle en voyage avec ses amis. Leurs origines les ont rapprochés, mêmes valeurs, même façon de penser, tout allait bien. Mon père a suivi ma mère en France alors qu'il avait un boulot de rêve à Bahreïn. Ils ont ouvert le restaurant ensemble, fondé une famille. Une vie normale. Seulement, mon père ne s'est jamais complétement adapté à la culture occidentale. Il n'aimait pas voir les femmes en jupes ou robes courtes, il ne comprenait pas les gens qui avaient des enfants avant le mariage mais rien de grave. Il avait ses opinions et tout le monde a le droit d'avoir des opinions.

Comme tu le sais, moi et mon frère ne sommes pas hétérosexuelles. On a vécu dans une espèce de cage dorée pendant la plupart de notre enfance. On ne manquait de rien, on avait tout ce qu'on voulait, chaussure, téléphone, voiture, tout ! Sauf des pensées heureuses.

Mon frère a beaucoup plus souffert, il était le futur homme de la famille. Il lui a mis la pression dès qu'il a réussi la première année de médecine pour trouver une femme. Ce qui, comme tu le sais, n'allait surement jamais arriver.

Mon frère n'a pas supporté la pression, il a fait son coming out. Il a assis mon père, s'est mis à genoux et lui a demandé pardon. Il ne pouvait pas continuer à mentir à la fille qu'il s'obligeait à côtoyer à l'époque. Les abus de mon père ont commencé ce soir-là. Je n'ai rien vu au début. L'homme qui me surprotégeait était en train de devenir mon bourreau.

Petit à petit, il a commencé à le battre à chaque faux pas. « Pas d'amis à la maison, tu étudie et tu te tais. » il répétait à longueur de journée. Je ne savais pas comment faire. Il me voyait comme sa seule chance d'avoir une famille "normale", mais j'ai toujours su que j'aimais les filles. Tu te rappelles hier soir ? Je t'ai dit que j'avais eu un petit ami ? C'était plus une façade pour cacher mon homosexualité. J'ai réussi à vivre comme ça, jusqu'il y a 5 ans. J'avais une petite amie à l'époque, je la connaissais de l'école et elle venait souvent "étudier" à la maison.

Ce jour-là, mes parents étaient censés aller au restau mais il y avait eu un problème avec le cuisinier qui n'était pas venu. Quand ils sont rentrés, on était entrain de s'embrasser sur le canapé. Mon père la tout de suite mise dehors. J'ai passé une semaine enfermée dans ma chambre.

J'ai fini par essayer de m'enfuir avec mon frère. Ce soir-là, notre mère, qui n'a jamais vraiment empêcher les abus physiques, avait décidé de nous aider. Elle avait appelé mon père pour qu'il descende au restaurant, ce qui nous laissait le temps de partir. Nous avions un plan précis, partir par l'entrée de l'immeuble, trouver un taxi, rouler jusqu'à la gare et prendre le premier train. Et c'est ce qu'on a fait. On est monté dans un train, direction nul-part.

Mon père furieux, a pris sa voiture pour nous retrouver. Coup du destin ou coup du sort, il a été arrêté pour excès de vitesse et conduite en état d'ivresse. Il a déclaré notre disparition et on a dû retourner à la maison et être interrogé par des enquêteurs. Nous avons tout raconté, montré les marques et les bleus. Mon père a perdu la garde et il a été condamné à 5 ans de prison.

Cet homme, qui a toujours aimé ses enfants mais n'a jamais pu réconcilier sa culture avec nos orientations sexuelles, n'a pas supporté d'être traité comme un paria, un criminel. Il a mis fin à ses jours, il y a 3 ans.

Au début, j'en ai voulu à la culture orientale, puis à la société en générale, puis à moi-même. Si seulement je n'étais pas gay, tout serait plus simple. J'ai dû mal à m'accepter et pour être honnête, j'ai encore du mal sur quelques points.

Enfin, bref, j'ai beaucoup parlé mais ce que je veux que tu comprennes c'est que l'incompréhension et les valeurs ancrées profondément sont difficiles à laisser aller. Ton ami Tom, ne changera pas. La seule chose que tu peux faire, c'est d'aller voir la police et de tout leur dire.

Mon père était trop vieux, trop imprégné par la façon de voir les choses qu'on lui a inculqué. Ton ami peut encore changer, il peut encore devenir une bonne personne mais il a besoin d'aide. Tu devrais le dénoncer pour l'aider.

Elle finit son monologue et embrasse ma main qui n'a pas quitté la sienne. Je prends une minute pour réfléchir à ce que je vais lui dire.

- Je te remercie de t'être confié, je sais que ça n'a pas dû être facile et je suis heureuse que tu me l'ai dit mais Tom n'a pas de problème avec ma sexualité. Il pense que c'est de ma faute, que je suis à l'origine de sa rupture avec Charlotte. Il veut juste trouver un pushing-ball pour de pas être confronter à ses actions. Cependant, je pense que tu as raison. Je pense que je vais aller voir la police.

Le grain de sucre (GXG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant