Chapitre 11 : Le repas

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J'entre avec méfiance dans cet appartement que je connais pourtant déjà. Elle pose les clés sur une petite table dans l'entrée et tend sa main vers mon manteau.

- Je vais te débarrasser, dit-elle.

J'enlève ma veste, un peu dégouté de m'être habillé comme ça pour aller au boulot, si j'avais su, j'aurais au moins enfilé un ensemble de lingerie. Elle passe derrière moi tout en me caressant le bas du dos.

- Installe-toi à table pendant que je prépare à manger, ordonne-t-elle.

- Je vais t'aider ! m'exclamé-je.

Elle sourit, comme satisfaite de mon comportement. Elle me tend un tablier. Je le regarde longuement avant de me décider à le porter.

- C'est la première fois que tu vois des seins ? me taquine-t-elle. C'est mon frère qui me l'a offert, je n'ai que celui-ci en plus, sinon tu peux prendre le mien, propose-t-elle en me tendant un autre tablier, cette fois-ci, il y a un homme nu dessus.

- Non, je préfère celui-là, affirmé-je.

- Je savais que t'allais dire ça, se moque-t-elle.

Je lui tire la langue, puis attrape le sac de carottes qu'elle me lance.

- Coupe ça en rondelle s'il te plait ! demande-t-elle.

- Oui, chef ! rigolé-je.

Je commence par éplucher les carottes, puis je les lave avant de les couper.

- Tu as déjà cuisiné avec quelqu'un ? me demande Louna.

Je reste perplexe, ne comprenant pas si elle me demande si j'ai déjà été en couple ou si j'ai déjà vécu avec quelqu'un. La réponse aux deux questions étant la même, je réponds : Oui. Elle baisse la tête, concentré sur la découpe de son poulet.

- Et toi ? finis-je par oser demander.

Pour ma part, je veux savoir si elle a déjà été en couple. Sans bouger, elle murmure un petit oui avant de continuer à couper.

- Tu as toujours été avec des filles ? continué-je, soudainement curieuse d'en savoir plus sur ses relations passées.

- Non, j'ai fait les deux, avoue-t-elle.

- Moi aussi, affirmé-je.

- Donc, la dernière personne avec laquelle tu es sorti était un homme ? interroge-t-elle.

- Oui, mais je ne l'ai jamais vraiment aimé, raconté-je.

Nous continuons à cuisiner en silence. Je repense à la situation d'il y a quelques heures. Elle avait l'air triste, comme si elle n'avait jamais connu l'amour ou elle l'avait perdu brusquement.

- Je peux te poser une question ? dis-je, ne pouvant plus me retenir.

- Bien sûr, accepte-t-elle.

- Cette aprèm, avant le service, je t'ai taquiné sur le fait que je tombais amoureuse et tu t'es fermé d'un coup, comme si quelque chose de blessant ou de traumatisant t'étais arrivé dans le passé...

- Et tu veux que je te raconte l'histoire c'est ça ? me coupe-t-elle.

Elle n'a pas l'air surprise, elle s'attendait peut-être à cette question. Je l'entends poser son couteau. Je fais de même et je me retourne pour lui faire face. A ma surprise, elle est très proche de mon visage. Je recule et heurte la planche de travail qui tombe. Par reflexe, j'essaie de rattraper le couteau et me coupe la pomme de la main. Louna réagit immédiatement et sort un torchon propre d'un tiroir en dessous des plaques de cuisson en céramique.

- Tu vas bien ? Je suis désolé, je ne voulais pas te surprendre ! C'était censé être un moment sensuel ! panique-t-elle.

- Sensuel ? répété-je.

Elle me regarde, surprise par ce qui vient de sortir de sa bouche. Ses pommettes rougissent pendant qu'elle appuie un peu trop fort sur ma plaie.

- Aïe, dis-je doucement.

- Oh, pardon ! hurle-t-elle en reculant.

Je pars en fou rire, elle est tellement différente de la fille qui m'avait embrassée dans la salle des employés. La voir paniquer me détend, j'ai l'impression de ne pas être la seule à être stressé par ce qu'il pourrait se passer entre nous. Elle sourit et nous restons quelques secondes à nous observer en souriant. Nous savons que dans cette histoire, il y a du potentiel, quelque chose qu'on avait pas prévu le jour de notre rencontre. Je regarde nos mains, encore liées à travers le torchon qui panse ma plaie. Je pose mon ma main libre sur sa joue, j'ai envie d'elle, j'ai envie d'être en symbiose avec elle. Je l'embrasse, tendrement puis sensuellement. Elle lâche le torchon imbibé de sang qui tombe par terre. Je mets mon autre main sur son visage.

- Aoutch ! dis-je.

Elle rigole et essuie le sang qui est resté sur sa joue.

- On va d'abord s'occuper de ta main ! affirme-t-elle.

Elle va dans la salle de bain pour prendre le nécessaire. Elle nettoie ma plaie pendant qu'on discute de tout et de rien. J'ai l'impression de la connaitre depuis 10 ans.

Nous abandonnons l'idée de cuisiner et commandons chinois. Quand la nourriture arrive, il est déjà minuit. Nous commençons le repas en regardant un film. C'est un film américain des années 2000 qui retrace une histoire d'amour entre deux filles descendantes de familles chinoises très stricte. A chaque baiser, Louna se rapproche de moi. C'est bizarre, même si je l'ai déjà embrassé plusieurs fois, mon niveau de stress ne diminue pas. Elle pose sa main sur la mienne ce qui déclenche un frisson dans mon corps. Mes poils sont hérissés et mon cœur bat la chamade. Elle caresse le dos de ma main avec son pouce. Je suis à deux doigts d'exploser. Elle se rapproche encore. Cette fois-ci je craque, je pose le carton plein de nourriture sur le meuble tv. Je prends le sien et fais de même, puis je passe ma jambe au-dessus de sa taille pour que nos bassins soit perpendiculaire l'un à l'autre. Elle pose ses mains sur mes hanches. Je l'embrasse passionnément, pendant qu'elle passe sa main sous mon pantalon.

Nous n'aurons jamais fini le repas.

PS de l'auteure : Le film s'appelle Saving Face (Alice Wu, 2004), je recommande, il est simple mais agréable à regarder !

Le grain de sucre (GXG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant