Chapitre 9 - Ezio

6 1 0
                                    

Quelques heures plus tôt

— Ez, tu dois vraiment faire ça ? Souffle Alex, debout derrière le plan de travail de la cuisine avec un faciès alternant entre l'inquiétude et le dégoûte.
Je sais que je le dégoûte mais à vrai dire... je n'en ai rien à foutre. Ce qui m'importe, c'est sa sécurité et son bonheur.
— On en a déjà parlé, Alex. Tu veux continuer à vivre ici ? Ou tu veux retourner à la rue ?
Ma pique le peine, je le remarque à la façon dont il déglutit durement en fronçant les sourcils en même temps. Il ne me répond pas et quitte la pièce pour monter dans sa chambre. Fait chier ! Je prends mon joins posé dans le cendrier et le rallume, sa brûlure m'aide à me contenir. J'ai envie de tout lancer autour de moi, de hurler, de frapper ou mieux... de me tirer une balle dans le crâne.
Je le termine et descends au garage pour préparer mes affaires. Je charge mon flingue et lance la corde dans le coffre de la voiture, le pieds de biche, les gants et je démarre, la musique à fond.
— Maybe I should cry for help
Maybe I should kill myself (myself, myself...)
Blame it on my ADD, baby
Lorsque j'arrive au coin de la rue, je baisse la musique pour passer plus discrètement dans le quartier. Mon Audi R8 a le mérite de me faire passer inaperçu. Je me gare à quelques mètres et saisis le sac dans le coffre de la voiture, doucement je m'avance sur les graviers de l'allée. La voiture du fumier n'est pas encore là, c'est parfait. Comme prévu, je trouve la clé de la maison sous le vase près de la porte d'entrée et j'entre dans la demeure sans avoir l'air suspect.
Les lumières sont allumées mais il n'y a pas une mouche qui vole, comme prévu j'en profite et je me cache dans la buanderie de la véranda en attendant qu'il arrive. Je remercie Dan, mon informateur, pour les plans de la maison. Lorsqu'il aura fermé les volets de sa chambre, je monterai doucement au deuxième étage pour me charger de son cas.
J'enfile mes écouteurs et m'assieds sur le sol de la buanderie, plongé dans le noir et j'attends patiemment. Je regarde l'heure sur mon téléphone : 21H00. Il me reste un bon bout de temps à glander, parfait. En position assise, j'écoute une méditation trouvée sur Youtube et attends patiemment que le temps passe, lorsque le calme est brisé par du bruit en provenance de la cuisine. Aux aguets, je me redresse et enlève mes écouteurs pour me préparer à planter la première personne qui viendrait me tirer de ma cachette.
De là où je suis je n'entends que des bribes de conversations et comprends que le fumier doit probablement être au téléphone avec l'une de ses nouvelles proies. J'attends, patiemment, qu'il monte prendre sa douche comme d'habitude. Au bout de ce qui me semble durer une éternité, le calme prend le dessus. Je sors prudemment de ma cachette, mon flingue dans la main et mon sac sur le dos. J'avance doucement vers le salon, où sont accrochés des photos de ses victimes. Ce mec est écœurant. De là où je suis, je constate que tout est éteint et que la seule lumière ne provient que d'en haut. Parfait, tout se déroule comme prévu. Doucement, je monte au premier étage puis au second où j'entre dans une chambre en attendant qu'il aille dans la sienne.
J'allume la pièce pour observer le lieu, ce que je vois me glace le sang. Ce fumier fait régulièrement venir les jeunes filles qu'il embauche ici. La plupart de ces chambres sont occupées, ou l'ont été et je découvre avec effroi plusieurs objets personnels de ces demoiselles. Putain d'enfoiré de merde. Je l'entends entrer dans sa chambre, je laisse quelques minutes s'écouler pour m'assurer qu'il ferme les volets de façon à ne pas être aperçu de la rue. Je n'aime pas être interrompu dans mes histoires et encore moins les imprévus...
En attendant, je m'assieds sur le lit et ouvre le tiroir de la table de nuit. J'y trouve des jouets et des lubrifiants, ainsi que des photos des jeunes filles dont il abuse. La bile remonte dans ma gorge et je dois me faire violence pour ne pas rentrer tout de suite lui arracher les couilles. Je continue ma fouille, propulsé par une curiosité malsaine. Quelque chose au fond de moi s'assure que je vais buter la bonne personne, qu'il le mérite. Dans la deuxième table de nuit, je découvre un appareil photo que j'allume pour découvrir des clichés de plusieurs filles en même temps. Elles n'ont même pas 18 ans, je bouillonne intérieurement. Je scrute mon téléphone, il doit être plongé dans le noir maintenant.
A l'intérieur de moi, je jubile à l'idée de le tuer.
— Tu passes tes dernières minutes sur terre, fumier.
Je sors de la chambre en faisant attention de ne pas me faire repérer. Je veux voir sa tête se décomposer lorsque je lui trouerai le bide. J'ouvre la porte à la volée, tout ce que je vois c'est cet enfoiré, complètement nu, entrain de se toucher la bite.
Un instant, je suis replongé des années en arrière et une rage inexplicable prend possession de mon corps. Je ne maîtrise plus rien, au fond de moi une voix me crie en boucle la seule chose que je suis venu faire ici. Bute-le !
Je tire, une fois. Deux fois. Trois fois. Son sang m'éclabousse le visage, mon sourire s'élargit. De toute sa masse, il s'écroule sur le lit. Il s'écroule sur... une jeune femme, à moitié nue et attachée. Elle a clairement l'air défoncée.
Soudain, je réalise... les indices, je ne les ai pas pris en compte ! Les deux verres posés dans la cuisine, son avance inhabituelle, la maison allumée lorsque je suis arrivé... Elle m'observe, ses yeux se ferment petit à petit et son regard se trouble. Elle est complètement défoncée, bien plus que moi en ce moment. Mais qu'est-ce qu'elle fout là, putain ? Qui est-ce ? Quel âge a t-elle ? Elle m'a vu, fait chier. Il allait lui faire quoi, cet enfoiré ?! Un milliers de questions tordent mes traits.
Imprévu. Imprévu. Imprévu.
Fait chier. Fait chier. Fait chier.
— Putain de merde, fait chier. JE DÉTESTE LES IMPRÉVUS !
Je hurle pour reprendre le contrôle, avant de tout retourner, si fort que j'attends quelques instants que quelqu'un débarque dans la maison mais le seul bruit qui reste est celui de la respiration saccadée de la jeune femme.
Putain, que vais-je faire d'elle ? Si je la laisse-là, la piste du meurtre lors d'un vol ne tient pas la route. Si je la laisse-là, elle va me dénoncer à la police et je vais attirer des ennuis à Alex. Je ne peux pas la tuer, si ? Non, je ne peux pas. Elle ne correspond à aucun des critères de sélection, j'enfreindrais mes propres règles si je la butais. Je ne peux pas l'enlever, si ? Je m'assieds à côté d'elle, sur le lit, en soufflant. Ses boucles entourent son visage enfantin qui contraste avec les tatouages qui parsèment la moitié de son corps. Une âme fragile dans un corps de guerrière. Je la détache et lui enfile mon t-shirt bien trop grand pour elle, afin de cacher sa nudité qui me met mal à l'aise. Je remets ma veste et mon sac sur mon dos puis je la porte sur mon épaule en faisant attention de ne pas laisser de trace de sang sur le sol. Son corps s'agite comme une loque à chacun de mes pas, ses mains frappent l'arrière de mes cuisses. Je ne sais pas combien de temps encore elle sera inconsciente, je dois faire vite. Je descends les escaliers sans fin de cette maison luxueuse et m'arrête devant la porte, que j'entrouvre légèrement.
Je jette un œil dehors pour m'assurer qu'il n'y a personne dans la rue et lorsque j'en suis certain, je me hâte de rejoindre la voiture. J'attache la jeune femme avec la corde, je la bâillonne et la tape sur le siège arrière puis je retourne dans la maison pour mettre en place les traces d'effraction qui suggérerait le vol. Je sème des cheveux et le flingue d'un fumier qui fait partie du réseau de pédophilie, dans l'espoir que la police l'accuse et l'enferme en prison. Doucement, j'exécute mon plan. Mon objectif est proche, je le sens. Enfin.
— Chaque chose en son temps, je te retrouverai espèce de fumier, dis-je à ma propre intention.
Oui, un jour, je le retrouverai. Et ce jour-là, je lui ferai payer.

— PUTAIN, EZ, ON VA FAIRE QUOI ?!
Mon frère me hurle dessus, il fait les cents pas dans le couloir qui mène à la salle de bain où j'ai attaché la fille. Comme si je savais quoi faire, putain. Je prévois toujours tout... Putain d'imprévu de merde.
— J'EN SAIS RIEN !
Même si mon frère adoptif ne cautionne pas mes actes, il ne s'en est jamais mêlé et je ne l'y ai jamais contraint : jusqu'à aujourd'hui. Son calme légendaire prend le dessus, il redevient impassible et plonge son regard dans le mien.
— Pourquoi elle est ici ?
— Je ne pouvais pas la tuer !
— Je sais ça, je veux dire, pourquoi tu n'avais pas prévu ça ? C'est qui ?
Pour la première fois, je reste taiseux. Je n'ai rien, aucune informations. J'ai du louper quelque chose... et, ça ne m'arrive jamais. Putain de meuf, au mauvais endroit, au mauvais moment. Ou pas ? 
Alors qu'Alex s'apprête à me passer un savon, un bruit suspect de la salle de bain nous interrompt.
— Elle...elle...elle est réveillée...
— Vas-y, qu'on en sache plus.
Les yeux de mon frère s'écarquillent, une expression choquée transparaît sur ses traits.
— Tu te fous de ma gueule ?
— Mais je vais pas y aller moi, elle m'a vu tuer un mec ! Elle va se chier dessus !
L'info percute et je comprends qu'il s'avoue vaincu lorsqu'Alex souffle et prend le chemin de la pièce d'eau. Lorsqu'il ouvre la porte, un hurlement strident me fend les oreilles. Putain, c'est une folle furieuse.

L'effet miroir Où les histoires vivent. Découvrez maintenant