Chapitre 6 - Ezio

6 1 0
                                    

Je sers la mâchoire lorsque je me prends l'uppercut de mon adversaire. Il pense pouvoir m'avoir maintenant, c'est parfait. Je sers les poings, je tiens ma garde et j'enchaîne les coups. Alors qu'il pensait réussir à me mettre K.O, l'homme en face de moi se liquéfie au fur et à mesure de sa prise de conscience me concernant. Je suis une machine, un monstre, qui va lui briser la gueule.
— Putain, Ezio, tu fou quoi ?
Lorsque j'entends la voix d'Alex, je me fige directement. Tout le monde est autour du ring d'entraînement, personne n'a osé s'interposer tant je faisais peur. J'observe l'homme avec qui je viens de m'entraîner, son arcade et sa pommette son défoncée, son nez est de travers. Je l'ai bien amoché et au final, je n'en ai strictement rien à foutre. Je relève la tête, fier et lui lance :
— La prochaine fois, tu penseras à deux fois avant de parler sur mon dos, fumier.
L'homme crache le sang qui remplissait sa bouche sur le sol où reposent des tapis d'entraînement. Je retire mes bandes et sors de la salle, personne n'ose me suivre, à part mon petit frère. Je commence à me déshabiller pour enfiler mon jeans, mes bottines et mon éternel perfecto noir.
— Putain, Ezio, on va se faire virer si tu ne te calmes pas !
— Tu sais aussi bien que moi qu'ils ne nous diront jamais rien.
Mon frère s'arrête et m'examine de la tête aux pieds. Au fond, il sait que j'ai raison mais n'osera pas me le dire, de peur que je continue sur cette voie et que je perde définitivement la tête. Jamais, ils n'oseront me mettre dehors, c'est signer l'arrêt du club. Venir ici me permet de défouler mes pulsions de violence sans culpabiliser après.
Première règle à suivre avant de frapper quelqu'un : m'assurer que c'est un homme.
Ça me semblait logique avant, jusqu'à ce que j'ai une altercation avec deux personnes. L'une d'elle m'a giflé parce que j'avais eu une histoire avec sa copine, je l'ai empoigné jusqu'à ce que je réalise en entendant sa voix qu'il s'agissait d'une femme aux allures masculines. Ca m'a clairement refroidis et je me suis juré que je ne ferai plus jamais la même erreur.
— On va boire un verre ?
— Avec ta moto ? Me réprimande mon frère adoptif.
— C'est toi le grand-frère, maintenant ?
Il rit, saisis le casque posé sur la selle de ma moto et s'assied derrière-moi.
— En route, papy ! Hurle-t-il comme si je ne l'entendais pas.
— Ta gueule, Alex. On a des micros reliés entre eux, je te rappelle.
— Ah, oui, pardon.
Comme un enfant, il s'accroche à ma taille lorsque je démarre. Lorsqu'il est avec moi, je fais un effort sur la vitesse car je sais qu'il en a peur. Derrière moi, Alex me semble aussi léger qu'une plume. Bien qu'il ait pris du poids depuis notre rencontre, il reste plus mince que la norme. Ce sont les séquelles de son ancienne vie, dans laquelle il était en dénutrition totale. Je me souviens la première fois que je lui ai fais goûter un plateau de sushis, j'ai cru que son coeur allait sortir de sa poitrine tant l'amour remplissait ses yeux au fur et à mesure qu'il en mâchait.
Je sillonne entre les voitures à l'arrêt qui attendent que la circulation se fluidifie. Je hais voyager la journée, tout me semble deux fois plus long à faire. Plusieurs fois, je me fais klaxonner mais je n'y prête pas attention, j'en ai l'habitude. Je ne sais pas si c'est mon look peu conventionnel ou le fait que je sois un motard, mais les gens font les malins quand je suis sur un deux roues. Ils se ravisent tout de suite quand je descends leur coller un flingue sur la tempe mais en attendant je subis ce putain de bruit insupportable de leur klaxon de voitures bas de gammes.
Je ralentis en arrivant sur la place où se situe le bar où nous allons prendre un verre. On ne sait jamais, un enfant pourrait arriver en courant. C'est l'heure où les parents amènent les p'tits s'amuser dans leurs activités sportives Moi, j'emmène mon petit picoler un peu, ça lui fera du bien de voir autre chose que ma sale gueule.
— Putain, Ez, tu m'emmènes vraiment ici ? C'est un bar de vieux, fou !
— Tu feras moins le malin quand ils te mettront une cuite, mon vieux, rétorqué-je en lui mettant une tape sur l'épaule.
J'entre et salue l'ensemble des clients que je connais déjà, ceux qui occupent ma table habituelle se lève pour me laisser la place et je jubile intérieurement de voir à quel point je n'ai pas perdu mon nom, ni mes privilèges, malgré les années.
— Salut mes mignons, je vous sers quoi à boire ? Nous demande Carole, toujours habillée de sa combinaison short en jeans.
— La même chose que d'habitude, s'te plait.
Elle approuve d'un clin d'œil et pars préparer nos boissons en trémoussant son cul. Il est clair qu'elle veut encore qu'on passe aux choses sérieuses mais je ne commettrai pas deux fois la même erreur. C'est la règle : un coup, un seul, surtout si je suis amené à la revoir souvent. Puisque c'est ici que je viens régulièrement boire, il ne vaut mieux pas que je me mette son père à dos. En parlant du loup, voilà la queue. Le petit Jony tient Le Bird depuis aussi loin que je m'en souvienne, j'y ai connu mes premières cuites et mes premières bagarres. Il m'a déjà sorti plusieurs fois de la merde dans laquelle j'étais vis-à-vis de ma famille et je lui voue un profond respect malgré toutes les magouilles dans lesquelles il trempe. Baiser sa fille était une erreur, que nous avons nié tous les deux mais si elle continue à s'agiter autant chaque fois qu'elle m'aperçoit, il ne faudra pas longtemps pour que le cinquantenaire s'en rende compte.
— Voilà, tu règles à la fin comme d'habitude, Ez ?
— Evidemment, beauté.
Je lui adresse un clin d'œil et elle retourne à son poste les joues rosies. Je sais qu'avec ce compliment, je lui ai donné la miette d'attention qu'elle réclame et me foutra la paix pour le restant de la soirée.
— Tu vas aller le voir, finalement ? Me questionne Alex.
— Je ne veux pas en parler, je te l'ai déjà dis.
J'affonne la bière et en recommande une autre. La jambe secouée par le stress, je me plonge dans mes pensées en triturant le repose verre en papier sur lequel est posé ma bière. Non, je ne vais pas le voir. Ce fumier a passé toutes ces années à faire semblant qu'il ne s'était jamais rien passé, que je n'avais jamais été à la rue et que je n'avais jamais existé. Se réveiller comme il l'a fait il y a 3 ans était sympa pour Alex, mais ça n'efface pas tout ce qu'il a fait. Et surtout, ce qu'il n'a pas fait.
Alors que je suis entrain de déchiqueter le morceau de cartons en milliers de morceaux, je suis tirée de mes pensées par des cris.
— MAIS OH, ÇA VA PAS OU QUOI ?!
Un homme se tient derrière Carole, il la bloque contre le comptoir et lui touche le cul. Je me lève et me dirige vers lui.
— Lâche-la.
L'homme retire ses mains, qu'il lève vers le ciel en signe de résignation. Alex, assit sur la banquette rouge dans le fond du bar est tendu, il a peur de la suite que les évènements risquent de prendre.
— Pardon, mec, souffle l'homme.
Carole me remercie du regard, tout le monde nous regarde mais c'est moi que l'on fusille du regard. C'est moi qui se mêle de ce qui ne le regarde pas, pas vrai ? Et c'est moi qui l'ai baisée, de surcroît.
— Mais, t'es qui pour me donner des ordres, gamin ? L'homme élève la voix lorsqu'il poursuit sa phrase. Je fais volte-face pour le regarder, un sourire vicieux au coin des lèvres. Il est a présent collé à elle et se frotte sur ses fesses comme un chien en chaleur. La rage bouillonne dans le fond de mon ventre, mes poings me démangent.
— Je répète, gamin. Tu te prends pour qui pour me donner des ordres ?
J'abats mon poids sur sa gueule, puis le deuxième et j'enchaîne. Lorsque l'homme se retrouve à terre, je prends un malin plaisir à le frapper dans le ventre avec mes bottines jusqu'à ce qu'il crache du sang. Le sang m'excite, augmente mes pulsions. T'AIME ÇA, VIOLEUR DE MERDE ?! Hurle ma conscience.
— Ez, arrête, tu vas le tuer ! Crie Carole, Alex est tétanisé dans le coin de la pièce. Du haut de ses 20 ans (normalement), il a l'air d'un enfant dans ce genre de situation. Je m'arrête et je crache sur l'homme qui n'aimait plus que des bruits d'agonies.
— Pour celui qui te butera vraiment si tu franchis encore cette porte, fumier !
Autour de moi, plus personne ne bouge. Au moment où je m'essuie le front, remplit de sueur, Jony entre dans son bar.
— Merde, Ez, t'aurais pu y aller doucement pour une fois.
Comme s'il était habitué (et c'est le cas), il contourne l'homme et passe derrière le comptoir pour se servir un coca froid.
— Tu pourras ramener mon frère, j'ai des trucs à faire.
Le patron approuve en levant son verre à mon honneur, des hommes présents sur les lieux traînent le mec qu'il tape dehors à la vue de tous. J'entends mon petit frère contester mais je ne lui réponds pas. J'ai besoin de partir, de prendre du recul ou je vais faire demi-tour ou tuer ce putain d'abuseur sexuel.
Je roule, encore et encore jusqu'à perdre la notion du temps. Lorsque la nuit pointe le bout de son nez, je jette un coup d'œil à l'heure par acquis de conscience. 21h05. Parfait, allons voir une dernière fois l'autre fils de pute.
Je déambule dans les rues du quartier luxueux et m'arrête devant l'énorme villa. Je ris intérieurement en voyant qu'il a changé les fleurs des pots de l'entrée, signe qu'il compte bientôt accueillir une nouvelle fille à amadouer avec son fric. La bile remonte de mon estomac et me brûle l'œsophage. Heureusement que je compte le tuer demain à son retour, avant qu'il ne fasse encore d'une enfant l'une de ses prochaines victimes.
Je me remémore le plan rapidement : venir en soirée, à pieds et attendre qu'il rentre de sa chasse habituelle du mercredi. Prendre les clés déposées sous le pot de fleurs, m'introduire chez lui sans bruit et le tuer. On verra mon humour pour la torture ou pas... Lorsque j'aurai terminé, je prendrai les photos qui prouveront mon meurtre et me rendrai chez mon patron qui me filera la thune pour ce crime. Simple, efficace, rapide.
Je l'aperçois fermer ses tentures pour mater son porno. Intérieurement, je jubile à l'idée que ce soit la dernière fois qu'il le fasse parce que demain je compte bien en terminer avec sa vie de misérable merde. Je démarre, doucement et prends la route vers le loft. Normalement, Alex sera rentré.
En arrivant au feu rouge habituel, je m'aperçois que la blonde d'hier est encore là avec sa petite polo toute délabrée. Je me tourne vers elle en sachant qu'elle ne me reconnaît pas grâce à mon casque. Je lui souris, fier de la deuxième revanche que je compte prendre.
— Allons, ma douce, tu devrais arrêter de tirer la gueule et te préparer à démarrer parce que je vais encore te mettre une raclée.
Je mets un coup d'accélérateur dans l'espoir de la provoquer pour qu'elle me suive, comme la veille. Elle m'a surpris, hier. D'habitude, les femmes ne me provoquent pas et encore moins sur la route. Au contraire, elles ont tendance à batifoler et à s'écraser en espérant que je les prenne sur une aire d'autoroute. Elle me fusille du regard, le feu passe vert et je démarre à toute vitesse. La dernière chose que j'aperçois dans le rétroviseur, alors que je suis entrain de lui faire un doigt d'honneur, c'est la larme noire qui coule le long de sa joue.

L'effet miroir Où les histoires vivent. Découvrez maintenant