Je garde les yeux fermés pendant ce qui me semble être une éternité. Ils ne vont pas me garder ici éternellement, si ? Quelqu'un finira bien par se rendre compte que je suis disparue... les élèves de ma classe ? Peu de chance, vu les récents évènements. Florent ? Encore moins après sa tromperie... Les infirmières de ma mère ? Elles, elles finiront bien par se dire que c'est bizarre que je ne viens plus la voire. Du bruit vient d'en bas, celui d'une porte de... garage ? Si je n'arrive pas à sortir, Noah viendra me chercher, pas vrai ?
Lorsque j'entends la voiture s'éloigner, je me jette hors du lit et descends prudemment les escaliers pour vérifier qu'ils sont bien partis tous les deux. Mon coeur bat dans mes tympans et ma circulation sanguine presse contre mon crâne. J'inspecte toutes les portes qui sont fermées à double tour. Fuck ! Désespérée, je fouille les tiroirs de la maison ainsi que les armoires et les décorations dans l'espoir de trouver un double des clés. Rien. La peur prend possession de mon corps qui tremble violemment. Il est inconcevable que je reste ici, plutôt mourir que d'être mêlée à ses affaires de psychopathe. Je fais les cents pas dans ce salon ridiculement grand.
— Réfléchis, réfléchis, réfléchis...
Je tire sur mes cheveux pour ne pas me mettre à hurler lorsqu'une idée me frappe de plein fouet. La fenêtre de la salle de bain !
Je monte dans la salle de bain où sont encore éparpillés les vêtements que l'on m'a proposé quelques heures plus tôt. J'enfile un pantalon de training au-dessus de mon jeans ainsi que deux gros pull. Je ne sais pas comment je fais mais tout mon être est poussé par l'adrénaline du moment.
— Okay, ça devrait me protéger...
Je vérifie une dernière fois par dessus le garde-corps qu'il n'y a personne puis je me dirige vers la fenêtre de la salle de bain : le seul endroit encore disponible pour sortir. Je saisis le vase en céramique posé dans le couloir, il pèse une tonne et j'ai l'impression que je vais me fêler une côte en le projetant contre la petite fenêtre au dessus des toilettes, qui se brise en milles morceaux. Nice. Je monte sur la cuvette après avoir balayé le plus gros des débris avec la main repliée dans mes couches de vêtements. La fenêtre donne sur des escaliers, je me hisse à travers l'interstice. Des morceaux de verres me coupent la peau du ventre et des cuisses à travers les vêtements, je regrette ne pas avoir ajouté une couche avec quelque chose de plus solide qu'un tissu. J'ai l'impression qu'on me pince la peau avec une violence redoutable, je grimace de douleur mais continue mon ascension.
— Allez, Rachelle !
Je dois pousser et me tortiller pour réussir à me faufiler à travers l'ouverture et je regrette tous ces jours où je n'ai pas respecté mon régime. Toujours trop grosse pour réussir quelque chose correctement, même te sauver les miches, grosse vache.
Lorsque je tombe enfin de la fenêtre, je m'écrase lourdement sur des escaliers en fer qui mènent à l'entrée et je les dévale avant de m'écraser sur le sol boueux. La douleur me coupe la respiration, j'accuse le coup quelques instants sans bouger en clignant des yeux pour chasser les points qui défilent devant ma vue. Je bouge doucement chacun des membres de mon corps alourdis par l'impact en espérant ne pas être blessée, je retire les morceaux de verres plantés dans ma peau : les dégâts sont limités et je n'ai pas l'air d'avoir besoin de point de suture. Au pire, cela laissera une belle cicatrice de guerre. Lorsque je suis certaine que je n'ai rien de cassé, je me redresse en vérifiant que les alentours sont toujours déserts et la réalité me percute.
— C'est quoi cet endroit ?
Je marche sur une étendue d'herbe qui ne s'arrête plus, entourée d'arbre qui s'étendent à perte de vue. Ce domaine est gigantesque, beaucoup trop gigantesque. On dirait que ce putain de loft a été aménagé au milieu d'une forêt, je suis pas dans la merde.
— Fuck, fuck, FUCK !
Sans réfléchir, je me mets à courir à travers les arbres qui longent le chemin bitumé à travers cette merde. Comme cela, je suis sûre de ne pas être à vue s'ils reviennent et je suis sûre de ne pas trop m'éloigner du chemin qui mène à la sortie.
Je cours difficilement, la pluie qui fouette mon visage m'aveugle et trempe mes vêtements qui me collent à la peau. Je suis congelée et je peine à respirer. Je m'arrête quelques secondes, le coeur battant à tout va dans ma poitrine en me concentrant sur ma respiration pour ne pas faire une crise d'asthme. Tout mon corps me fait mal à cause de la mauvaise circulation de l'oxygène dans mes veines, il réclame un carburant que je ne lui procure par en suffisance. Les cheveux dans les yeux, je reprends ma course pour la vie lorsque j'entends le bruit d'un moteur et la musique assourdissante d'une voiture. Je me fige et colle le plus l'arbre au plus gros tronc dans l'espoir de passer inaperçue.
Une Audi R8 noire passe devant moi, les fenêtres de l'arrière sont teintées mais je repère directement Ez au volant.
La réalité me rattrape, c'est l'homme du feu rouge ! Le souvenir de son sourire dans mon rétroviseur central me frappe, comment ai-je pu ne pas le reconnaître ? Il est incroyable...
Incroyable et malsain, ça va toujours de paire on dirait.
La voiture me dépasse et je relâche mes épaules lorsqu'un aboiement fend le brouhaha de la pluie et de la voiture. Celle-ci freine subitement sur la route bitumée, à travers le coffre j'aperçois des pattes frapper contre la voiture teintée. Fuck, ces fous ont été chercher un chien pour me pourchasser !
Je recommence à courir, le plus vite possible à travers la forêt. Les sapins qui m'entourent me fouettent le visage et les jambes à plusieurs reprises. Ils se dressent comme des buildings dans une grande ville et je me sens minuscule. Derrière-moi, j'entends les portières claquer lorsqu'Alex et Ez les referment en me criant quelque chose que je ne comprends pas. Ils sont probablement à ma poursuite mais je ne prends pas le temps de jeter un œil pour vérifier, je continue mon avancée vers la liberté. De toute ma vie, je n'ai jamais couru si vite et mes muscles me tirent si fort que j'ai l'impression qu'ils vont se rompre.
Tout à coup, mon pieds s'emmêlent dans une racine aussi grande que mon avenir et je fais un roulé-boulé sur le sol terreux. J'ai mal, chacune des cellules de mon corps se demande ce qui lui arrive mais je pose mes mains sur le sol pour me redresser sur les genoux afin de repartir, haletante.
— Bouge et tu es morte, Imprévu, crache Ez derrière moi.
Quelque chose de froid et de dur appuie sur l'arrière de mon crâne. Je me pétrifie, la terreur s'empare du peu de confiance que j'avais acquise avec cette brève escapade. Il fait le tour de mon corps tuméfié et pointe ... le flingue ... sur mon front.
— Je t'avais dit quoi, ma douce ?
Il charge l'arme et glisse son doigt sur la gâchette, il recule d'un pas et me vise.
— Ferme les yeux.
Je tremble, je sus paralysée par une peur incontrôlable. Un craquement de branche me ramène à la réalité et je vois Alex se détacher du paysage pour venir se planter vers nous. Intérieurement, je le supplie de me venir en aide mais il n'intervient pas et se contente de m'observer d'un regard désolé comme quelques heures auparavant.
— FERME. LES. YEUX., me crache l'homme imposant en coupant chaque mot avec rage.
Je m'exécute, prête à mourir. C'est ce que je souhaitais il y a quelques temps, non ?
Un coup de feu retentit et je m'apprête à ressentir une douleur ou ... le vide, le noir ? Mais la seule chose que je ressens est une brûlure innommable sur mon oreille droite.
— Prends ça pour un avertissement, ma douce.
Ez abaisse l'arme tandis que du sang se répand sur mon pull, mon sang. Celui de mon oreille qu'il a blessé avec sa balle.
— Tu rentreras à pieds, n'essaye pas de t'enfuir, tout est fermé. Je te l'ai dis.
Il fait demi-tour et regagne le chemin par lequel il m'a rejointe.
Alex le nous jette des regards tour à tour, désemparé et avant de partir rejoindre son frère me souffle pour ne pas qu'Ez l'entende :
— Ton chien est avec nous.
Ensuite, il s'éloigne et ils me laissent seule blessée, humiliée et à bout de force. Seule face à la merde que je représente, cette meuf brisée qui n'arrive jamais à rien malgré tous les efforts du monde.
Au fond de moi, je sais que je ne trouverai pas d'échappatoire... et je ne peux pas laisser l'être que j'aime le plus sur cette terre avec ce fou furieux. Résignée, je fais demi-tour et commence à marcher vers ce putain de loft, les larmes mêlées à la pluie. Fuck.
VOUS LISEZ
L'effet miroir
RomanceRachelle, 20 ans, travaille sans relâche pour payer ses frais de scolarité et les soins de santé de sa mère. Elle a tout d'une jeune femme détruite par la vie. Ezio, 23 ans, tue des gens appartenant à un réseau de trafic d'humain afin d'atteindre s...