Chapitre 10 - Rachelle

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Lorsque j'ouvre les yeux, la lumière artificielle m'éblouit, je grelotte de froid assise sur le carrelage froid. Quand la drogue se dissipe, je me redresse légèrement et examine ce qui m'entoure.
— Qu'est-ce que je fou là ? Soufflé-je, épuisée.
En jetant un œil à mes jambes dénudées, le sang qui y a coagule me rappelle l'horreur que j'ai vécu il y a... quelques heures ? Quelques jours ? Recouverte d'un t-shirt beaucoup trop grand pour moi, je me situe dans une salle de bain accrochée par des menottes à la porte de la douche. Je tire légèrement dessus en espérant réussir à me détacher mais je reste bloquée, en plus d'être frigorifiée.
Je cherche désespérément un échappatoire mais seule une petite fenêtre au-dessus des toilettes donnent sur l'extérieur qui a l'air... d'être situé dans une putain de forêt. A la recherche d'indice, je me redresse doucement sur les genoux en tendant l'oreille. Au loin, j'entends des voix d'hommes résonner, ce qui m'indique que je ne suis pas sortie d'affaire.
— Réfléchis, réfléchis, réfléchis...
Dans quel genre de pétrin me suis-je embarquée ? Je maîtrise ma respiration pour contenir un sanglot, dans l'espoir de ne pas me faire griller par... mes ravisseurs ? D'accord, monsieur Soon est mort, je l'ai vu. S'il m'a fait venir chez lui pour... abuser de moi et qu'il a été aidé par les Miller, je dois suspecter un réseau plus grand qu'un seul pervers isolé.
Quel genre de réseau est-ce ? A en voir les vidéos et les accessoires chez lui, je comprends que c'est en rapport avec la pédophilie... et je suppose, tout ce qui tourne autour de ça. Mais du coup, qu'est-ce que je fais là ? Je suis adulte... Je suis normalement attiré par les filles plus jeune mais tes grands yeux enfantins et tes tatouages ont eu raison de ma bite.
Je me remémore sa phrase, le coeur au bord des lèvres tant il bat fort. Je n'en ai rien à foutre de ce dans quoi je suis tombée, je dois me barrer d'ici et vite avant... qu'ils ne me tuent ? Ou pire...
Près de la porte se situe un évier double vasque avec des robinets en cascade, je suis accrochée à la douche dans le coin de la pièce et elle est si grande que même lorsque je tends la jambe je n'arrive pas à toucher la cuvette des toilettes située sur ma droite. Il n'y a qu'une solution, Rachelle...
Je tire le t-shirt (qui sent drôlement bon, d'ailleurs) qui me recouvre avec la bouche, que j'enfonce le plus possible sur ma langue afin de pouvoir serrer ma mâchoire dessus. J'inspire par le nez et lorsque je laisse échapper tout l'air de mes poumons, je tire une bonne fois sur les menottes pour déboîter mon pouce. Le bruit que cela provoque réveille mes sens, la douleur me fait vaciller et je prends quelques secondes pour revenir à moi. Ce n'est pas la première fois que je me déboîte le pouce mais les deux ? En alerte, je prends mon courage à deux mains pour réussir à déboîter le deuxième doigt lorsque quelqu'un entre brusquement dans la salle de bain.
Ses yeux bruns m'observent, ahuris. A première vue, il a l'air inoffensif et... jeune, on dirait presque un enfant avec son corps tout frêle.
— Je...je...
Il avance vers moi et provoque chez moi un crie de terreur que je ne contrôle pas. Il est si fort qu'il en grimace et à cet instant, je ne peux plus retenir les larmes qui inondent mes joues. De toute ma vie, je n'ai jamais eu aussi peur. Tremblantes affolée, je me débats d'avance en bougeant les jambes d'avant en arrière en espérant le repousser. Je vais mourir. Je vais mourir. Ou pire... Et s'ils abusent de moi ? S'ils me torturent ? S'ils me vendent ? Et s'ils font tout ça ? Mon enfant intérieur me hurle de fuir, comme j'en ai l'habitude mais je perds toute confiance lorsqu'il s'approche de moi et s'accroupît à ma hauteur.
— Ne panique pas... je... je... Je m'appelle Alex, enchanté.
Il tend une main ébène devant moi, un sourire timide au coin de sa bouche. Il a l'air si... gentil ? Alors que tout mon corps me hurle de lui mettre un coup de pieds, je tends une main hésitante vers lui qu'il saisit avec douceur. La douleur dans mon pouce se réveille et m'arrache une grimace, intrigué le jeune homme y jette un regard et ses yeux s'écarquillent lorsqu'il comprend ce que j'ai fait.
— Mais t'es complètement malade, ma parole ?
Je ne réponds pas à sa remarque et cache ma main derrière mon dos...
Je ne comprends rien à ce qui est entrain de m'arriver, les questions s'emmêlent pour former un noeud dans mon esprit et je cafouille une question à peu près compréhensible.
— Qu'est-ce que...vous... qui... pourquoi je suis ici ?
— Je... Je... enfaite, je n'en sais rien...
— Tu es un imprévu, formule un homme à l'entrée de la salle de bain.
Il est énorme, bien plus grand et imposant que la norme. Ses yeux bruns et ses cheveux de la même couleur me rappelle vaguement quelqu'un sans que je puisse mettre le doigt dessus. Poussée par un élan de fausse confiance, je me redresse à moitié toujours bloquée par les menottes et je le défie du regard.
— Qu'est-ce que vous me voulez, putain de connard ?!
Une lueur passe sur les yeux de l'homme, qui s'approche de moi pour saisir ma mâchoire et me forcer à le regarder.
— Le connard, ma douce, c'est l'homme qui voulait te violer. Toi, t'es un dommage collatéral que je n'avais pas... prévu.
Il sort ce dernier mot avec tellement de difficulté que j'ai l'impression qu'on l'y force avec un couteau planté dans le ventre.
— On se calme, beau gosse, intervient Alex en nous séparant avec son corps frêle. Sors d'ici, on va la laisser se laver et... et...
— Et quoi ?! On en fait quoi, putain ?! Crache le second en fusillant son ami du regard.
— J'en sais rien, c'est ta merde mon vieux ! On avisera après !
Vexée par la façon dont ils parlent de moi comme si je n'existais pas, je m'ancre dans le sol et leur crache à mon tour :
— Je suis devant vous, au cas où ! Et si vous ne savez pas quoi faire de moi, laissez-moi partir ! Je ne dirai rien de ce qui s'est passé et...
Un rire glacial m'interrompt dans mon argumentaire, le brun me tourne le dos pour sortir de la pièce en lançant :
— Apporte-lui les vêtements de ton ex, ça devrait lui aller.
Alex souffle et s'éloigne de moi avec un sourire résigné sur le visage.
— J'arrive dans 2 minutes, je te retirerai ces... enfin, tu pourras te laver tranquillement.
C'est quoi ce truc de fou ? Je n'y comprends rien, strictement rien. Ils n'ont pas l'air méchants ... pourtant, j'ai clairement vu le brun tuer un mec. Maintenant, ça me revient ! C'est lui qui a tué monsieur Soon de sang froid. Du coup, c'est lui qui m'a... sauvée ? Pour me kidnapper après ? C'est quoi cette merde ?
Le plus jeune revient avec une pile de vêtements dans les mains, qu'il dépose sur le sol.
— Je... je... Je ne sais pas ce que tu aimes, enfaite du coup... euhhh.... Je t'ai tout pris, sers-toi. Je ... je vais te retirer ça, dit-il en montrant du doigt ce qui me maintient à la porte.
— Je m'en charge, prévient le brun derrière lui qui vient de réapparaître.
— Je... soi gentil avec elle, Ez.
L'homme sourit, un sourire sadique et plein de sous-entendus.
— Je suis toujours gentil Alex, tu devrais le savoir.
Son ami lève les yeux au ciel et sort de la pièce pour me laisser seule avec l'inconnu après m'avoir jeté un coup d'oeil qui veut soit dire bonne chance soit à Dieu.
L'homme gigantesque détache mon poignet des menottes et saisit ma main abimée dans la sienne, qu'il observe et triture l'oeil méprisant. D'un coup, il remboite mon pouce ce qui m'arrache un cri de douleurs.
— Mais t'es malade ?! Je le repousse avec force en tenant ma main. Une fois de plus, il rit et cette fois... c'est pour se moquer de moi.
— Au moins, tu fermeras ta gueule maintenant.
La colère chauffe mes oreilles et ma main part. Il l'arrête à quelques millimètres de son visage, son regard révèle toute la rage qu'il contient à mon égard et je comprends qu'il doit se faire violent pour ne pas me couper la gorge.
— Je te préviens, Imprévu, je ne suis pas mon frère. Tente de me frapper et je te coupe la main. Estime-toi heureuse d'être ici et pas dans un fossé.
Il relâche ma main qui tombe le long de mon corps tant je suis déboussolée. Je me demande presque comment je tiens encore debout après tout ça. Finalement, je retire ce que j'ai dis : je m'impressionne pour ma force. La plupart des filles seraient entrain de hurler et de pleurer. T'es forte ou folle, Rachelle ? Peut-être un peu des deux. Il reste quelques temps devant moi, à contempler chacune des parties de mon visage avec un regard impassible.
— Lave-toi, ça te fera du bien, Imprévu. Je serai devant la porte, je te déconseille de faire quelque chose que tu regretterais... sur ces mots, il sort en fermant la porte derrière lui.
J'allume la douche sous laquelle je plonge sans réfléchir, je frotte encore et encore les traces de sang qui m'imprègnent. Ma peau devient rouge, mon cœur sert, le sang qui coule dans mon crâne le martèle avec violence... jusqu'à ce que je laisse déferler la peine que j'accumule depuis trop longtemps.
Je reste là un moment, probablement interminable, en espérant que l'eau emporte mes problèmes en plus de mes larmes.

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