Le sac sur ma tête m'empêche de respirer. Esio, reste fort, murmure ma tite voix. Je répète en boucle une prière que maman m'a apprise, dans l'espoir que Dieu nous vienne en aide mais Il ne vient pas. Je ne vois rien, j'ai peur. Au loin, j'entends une tite goutte qui coule encore et encore et encore.
— Maman ?
— Chut, me souffle ma mère. Ils ne doivent pas t'entendre ou ils te feront du mal, mon chéri.
Je zecoue la tête pour lui montrer que j'ai compris mais j'oublie qu'elle ne me voit pas. Je me répète les règles de maman :On ne parle de la famille à personne, même si on connaît le monsieur ou la madame
On se protège tous les quatre, on s'entraide et on se fait passer avant tout le reste
On écoute maman, toujours, même si on est pas d'accordDeux mains arrachent le sac en toile qui me couvrait le visage, je vois maman qui est ligotée sur une chaise en face de la mienne. Je me tortille sur ma chaise, je dois faire pipi. Je ne comprends rien à ce qui se passe, la seule chose dont je me souviens c'est Ma Princesse que maman cherche dans la maison, puis maman qui hurle puis nous ici. Le grand monsieur derrière moi fait le tour de ma chaise, il s'agenouille et pose ses grosses mains sur mes genoux. Il sent pas bon, ça sent fort et ça me pique les yeux et les narines. J'ai envie de pleurer mais je dois être fort, maman me dit toujours qu'on ne doit pas montrer quand on est pas bien sinon les gens pensent qu'on est pas fort.
— Salut, bonhomme.Je me réveille en sursaut, une épaisse couche de sueur perle sur mon front. Ça faisait longtemps que je n'avais pas fait de cauchemar, putain. Probablement parce que je n'ai pas eu ma dose de joins hier, à cause de l'Imprévu à quelques mètres de ma chambre.
Je me redresse et cherche à tâtons mon téléphone que je saisis en enfilant mes pantoufles. Le soleil pointe le bout de son nez à travers mes volets entrouverts, je zyeute l'extérieur et constate que le temps s'est adouci. C'est parfait pour ce que je dois exécuter aujourd'hui. La nouvelle de la mort de l'autre fumier de Soon va s'ébruiter, je dois m'occuper des Miller avant qu'ils ne remontent jusqu'à l'Imprévu et qu'ils cherchent à nous retrouver. Moi le meurtrier et elle, la disparue. Je descends les escaliers, les yeux encore collés par la fatigue lorsque je pose mon pieds dans... une énorme flaque de pipi. ;
— Fait chier, putain de merde !
Comme si tout était normal, Sirius s'avance vers moi en balançant la queue avec un sourire sur la gueule comparable à une banane. Je n'ai jamais vu un chien avec autant de joie de vivre, ce qui m'arrache un sourire. A cloche pieds, je rejoins la salle de bain du rez-de-chaussée pour enlever ma chaussette trempée et me laver les pieds. Toujours collé à moi, le chien loup s'agite et tourne en rond.
— Tu dois sortir, hein batard ? Lui dis-je en riant.
J'enfile un t-shirt, ma veste et une paire de basket et je sors avec Sirius. Cet abruti glisse dans les escaliers en fer et se retrouve dans le fond, me jetant des coups d'œil et attendant que je descende à mon tour.
— Aussi doué que ta maîtresse, pas vrai mon vieux ?
Sirius m'observe et s'assied, il halète et alterne le jardin immense entouré d'arbre et mon corps qui se réveille seulement. Je m'avance pour le rejoindre.
— Qu'est-ce que t'attends ? Vas-y, tu vas encore pisser dans la maison sinon.
Sur ces mots, l'animal s'éloigne et commence à poursuivre des écureuils qui se réfugient dans la hauteur des arbres. Un moment, je l'observe s'amuser et me retrouve en enfance. Derrière moi, j'entends la baie vitrée coulisser et Alex me rejoindre.
— Salut, frangin.
— Bien dormi ?
— Aussi bien que comme un type qui vit dans la même maison qu'une meuf kidnappée.
Je fais abstraction de sa remarque en baillant exagérément et je rebrousse chemin pour rentrer dans la maison. Les rayons du soleil ne sont pas encore suffisant pour couvrir le froid extérieur et je commence à avoir froid.
— Elle m'aide samedi et elle retourne à sa vie normale, Alex.
— Tu ne peux pas la faire tuer quelqu'un, Ez... tout le monde... n'est pas...
— Comme moi, c'est ça ?! Je le fusille du regard, ce qui le met mal à l'aise.
J'ai beau aimer Alex de tout mon coeur, il connaît mes limites et aime en jouer ces temps-ci.
— Si tu fais ça, elle ne s'en remettra jamais.
— Elle fera ce qu'il y a à faire, un point c'est tout.
Sur ces mots, je rentre me préparer un chocolat chaud. Que pourrais-je faire d'autre, de toute façon ? Si je la laisse retourner à sa vie, elle ira tout droit me dénoncer à la police. Si c'est le cas, je risque la prison et cela m'empêchera d'atteindre mon objectif.
En parlant du loup, voilà la queue. Ou plutôt, l'Imprévu. La jeune femme descend, ses boucles forment des rideaux qui cachent son visage ensommeillé. Comme cela, elle a un air si juvénile que je comprends pourquoi l'autre fumier en a fait sa proie. Je dois l'avouer, elle est incroyablement belle. La seule chose qui pourrait trahir son âge sont ses formes charnelles. Elle sera parfaite pour samedi.
— Je pourrais avoir mon téléphone ? Il faut que je prévienne les Miller et mes autres clients que je ne serai pas là.
— J'ai déjà fait un message à ton patron pour dire que tu étais malade.
Elle fronce les sourcils, contrariée. Si elle pensait m'avoir aussi facilement, elle se fourre le doigt dans l'œil. Comme si de rien était, elle s'installe en face de moi et me toise pendant que je mange ma tartine grillée.
— Tu veux ma photo ?
— Ouais, pour la mettre avec celles des autres connard que j'ai croisé dans ma vie.
Elle assombrit mon humeur par ses simples mots mais je dois avouer que son air rebelle malgré le peu de confiance en elle qu'elle affiche me surprend, dans le bon sens.
— Madame montre des dents ?
— Continue comme ça et tu vas voir à quel point je mords, relance-t-elle en pensant me clouer le bec.
Raté, ma douce. J'en ai vu des plus coriaces que toi : à commencer par ma mère. J'ai été à bonne école concernant les femmes de caractère.
— Tout doux, jolie chienne. N'oublie pas qui est le maître des lieux...et de ta vie, pour le moment.
Ses poings se serrent mais elle n'ajoute rien. Elle sait que j'ai raison et plus elle coopérera, plus vite elle sortira de cette merde. Son visage s'adoucit lorsque Sirius revient avec Alex et lui fait la fête pour lui dire bonjour. Avec ses yeux qui brillent, elle a vraiment l'air d'une enfant et je dois réprimer un sourire. Je roule un joins que je pars fumer sur le balcon, d'où elle m'observe discrètement.
— Monte t'habiller, l'Imprévu, on va rendre visite aux Miller.
La jeune femme devient blafarde et manque de lâcher la tasse de café qu'elle était entrain de porter à ses lèvres.
— Pour...pourquoi on va les voir ?
Je ne sais pas si c'est de moi qu'elle a peur ou d'eux après ce qu'ils lui ont fait mais je vois une lueur s'éteindre dan s le fond de ses yeux. L'épisode d'hier l'a marquée et je ne sais que trop bien les dégâts qu'il laissera en elle.
— Une petite visite de courtoisie, j'ai deux ou trois questions à leur poser. On part dans 10 minutes.
Sans attendre son avis, je monte me changer et enfile un jeans, un t-shirt noir, une paire de bottine noire et ma veste en cuire.
Je suis surpris de trouver Rachelle déjà prête, entrain d'observer l'extérieur près de la table de la salle à manger. Je reste bouche bée en la découvrant habillée de ses vêtements. Elle a fait une queue de cheval plaquée, sa longue bouclée touche malgré tout ses omoplates. Elle porte une paire de basket, un jeans avec un pull à col roulé rentré dans son pantalon et une veste en cuire ornée de strass. Je comprends mieux, en la voyant comme cela, pourquoi la moitié de son corps est recouvert de dessins... cela va parfaitement avec le personnage.
Elle me jette un bref regard et se dirige vers la baie vitrée.
— Raté, ma douce. C'est par ici.
J'emprunte le chemin en direction du garage et l'entends râler derrière moi en partant. Alex nous observe un regard suspect du fauteuil, en faisant des caresses à Sirius. Sur les cinq années passées ensemble, mon frère ne m'a jamais vu perdre pieds et n'a jamais vu une situation m'échapper. Pour la première fois, il me voit perdre le contrôle et devoir adapté mes plans à ... une fille.
Je passe une jambe au-dessus de ma moto, noir et rouge et lance un casque à la blonde qui m'accompagne. Ses yeux deviennent aussi grand que des donuts et sa bouche s'ouvre en grand.
— Je... je... hors de question que je monte là-dessus avec toi !
— Parce que tu crois que tu as le choix ? Dépêche-toi, j'ai pas que ça à faire, dis-je en enfilant mon casque.
Quelques secondes, elle analyse la situation et fini par céder. Son corps parait petit derrière le mien et je rigole face à la peur qu'elle affiche sur l'engin que je m'apprête à piloter. Les portes du garage s'ouvrent et je démarre en trombe, un cri lui échappe et ses bras se resserrent autour de ma taille. Je ricane en tapotant sur ses mains jointes sur mon ventre :
— Accroche-toi, ma douce, ça va secouer.
Je n'entends pas ses protestations et m'engouffre sur la route.Lorsque nous arrivons dans la rue des Miller, mon coeur loupe un battement lorsque j'aperçois la police devant chez eux. Je ne dois pas être le seul à être déboussolé car Rachelle ressert son étreinte comme si j'étais le seul pilier auquel s'accrocher. Ce qui, finalement, n'est pas tout à fait faux. Je passe devant la maison et m'apprête à faire demi-tour discrètement lorsque la vieille Miller entrain de parler avec un policier devant sa maison nous montre du doigt.
— Fait chier !
Je ne peux pas partir, au risque de cocher la case coupable du premier coup. Je ralentis et me gare de l'autre côté de la rue, intimant à Rachelle de me suivre.
— Ils... Elle m'a reconnue à cause de ma veste... murmure la jeune fille.
Evidemment, elle ne passe par inaperçue avec son look de rockeuse. Note à moi-même pour plus tard : l'habiller autrement lorsque j'ai une affaire à régler. Comme si elle allait en régler plusieurs avec toi, me fait remarquer ma conscience. Elle n'a pas tout à fait tord, après samedi je la laisserai partir mais... une partie de moi espère un peu qu'elle reste. Quelque chose m'intrigue chez la jeune femme aux yeux émeraudes.
— Laisse-moi parler le premier, contente-toi de leur répondre le strict minimum. Tu es partie hier vers 20H30 car monsieur Soon avait de la visite, compris ?
Elle ne me répond pas, trop occupée à se retenir de pleurer face à la police. Fait chier, il faut absolument qu'elle change de comportement si on ne veut pas avoir l'air suspect.
Instinctivement, je passe un bras autour de ses Paul-Saintange en m'avançant vers les policiers et la vieille Miller. Cette salope qui envoie des jeunes femmes chez des prédateurs sexuels, elle mérite bien de crever, même si elle ne respecte pas les critères.
— Seigneur, ma jolie !
Madame Miller s'avance avec une fausse inquiétude sur le visage, elle sert Rachelle contre elle qui ne semble pas se détendre.
— Et vous êtes ?
— Ezio, son petit ami, lui dis-je en tendant une main franche accompagnée d'un sourire charmeur.
— Je pensais que tu avais disparue, tu n'as pas répondu à nos messages. Monsieur Soon...il...
Avant que la vieille dame ne poursuive, la police l'interrompt et demande à nous voir plus loin.
— Nous aurions quelques questions à poser à mademoiselle Valentini, m'indique le flic de façon à ce que je m'éloigne.
— Bien sûr, accepté-je avec un air décontracté et un sourire radieux.
Putain, faites qu'elle ne dise rien ou je suis mort.
Leur discussion ne dure pas longtemps, pendant ce temps j'écoute madame Miller me parler de monsieur Soon avec une lueur d'admiration au fond des yeux. Leur âme est pourrie jusqu'à la moelle, bien plus que moi. C'est certain. Ces quelques minutes me permettent de comprendre qu'elle ne se doute pas que Rachelle a subit leur piège, ils doivent penser qu'elle est partie trop tôt et que monsieur Soon a été asassiné par ... un voleur ? Mon plan fonctionne. Ne gâche pas tout, Rachelle.
Le policier revient vers moi, la main posée sur son arme et l'air sévère. J'inspire et j'expire prudemment, convaincu qu'elle m'a vendu. Je suis foutu, je n'arriverai jamais à mon objectif.
— Qu'avez-vous fait hier soir, monsieur ?
— Scagnolli, indqué-je à l'agent qui me regarde l'air suspicieux.
Du coin de l'œil, je vois Rachelle me toiser droit dans les yeux. Elle n'oserait pas me vendre sans gêne en me regardant comme cela, si ? Peut-être que si, je l'ai kidnappée après tout... je la menace de la faire participer à un meurtre. Si, j'ai toute les chances d'être dénoncé. Mais dans ce cas, pourquoi ne suis-je pas sur le sol avec un flingue sur la tempe et une paire de menottes au poignet ? Mon cerveau réfléchit à milles à l'heure, je déglutis et réponds de l'air le plus naturel du monde :
— Avec ma copine, mademoiselle Valentini. Nous avons passé la soirée ensemble après son travail, les voisins ont du me voir rentrer chez elle si vous voulez une confirmation. Je les ai croisé devant l'immeuble de son kot.
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L'effet miroir
RomanceRachelle, 20 ans, travaille sans relâche pour payer ses frais de scolarité et les soins de santé de sa mère. Elle a tout d'une jeune femme détruite par la vie. Ezio, 23 ans, tue des gens appartenant à un réseau de trafic d'humain afin d'atteindre s...