Chapitre 11 - Rachelle

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J'observe mon reflet dans le miroir, comme j'en ai l'habitude à la maison à la différence que pour la première fois depuis ce qui me semble être des années, je n'ai pas envie de vomir. Non, cette fois, je ne veux pas vomir pour mon apparence, je veux pleurer pour ce qui m'est arrivé. Je me suis frottée, encore et encore mais la sensation d'être souillée est toujours là, chaque centimètres de ma peau ne semblent plus me appartenir et bon coeur bat à fendre ma poitrine.
— T'as fini ? M'interroge la voix grave de l'homme qui a attendu une éternité devant la porte.
Fatiguée, je m'avance vers la porte vêtue d'un jeans et d'un t-shirt oversize NIRVANA.
J'appuie délicatement sur la clenche et l'entrouvre mais l'espace vers l'extérieur s'agrandit quand le grand brun tire dessus avec force. Il me tire par le bras, m'enfile une nouvelle fois les menottes et m'emmène jusqu'à la porte d'entrée. Il me plante face à l'énorme baie vitrée qui nous protège de l'extérieur et souffle à quelques millimètres de mon oreille :
— Tu vois, toute cette étendue d'arbres là dehors ? Même si tu arrives à la franchir, une énorme barrière t'empêchera de sortir. N'essaye pas de t'enfuir, ma douce, tu pourrais le regretter.
— Arrête de lui faire peur, Ez, elle va nous faire un infarctus intervient son frère derrière moi.
Je les observe se fusiller du regard, sans rien dire. Quelque chose me brûle les poumons, j'ai l'impression d'étouffer et je suis surprise que le stress agisse comme ça devant moi.
L'homme me relâche doucement et je reste plantée quelques instants face à cette fenêtre alors qu'il n'est plus près de moi, ne sachant pas réellement quoi faire. Il y a tellement longtemps que je suis sortie de la douche que ma chevelure de lionne commence à prendre le dessus en séchant et mes boucles remontent légèrement.
— Tu veux un truc à boire ? Me demande l'homme gentil, Alex.
Je me tourne un peu vers lui, qui me sourit depuis la cuisine. L'autre homme, Ez, est assit face à un piano de l'autre côté du loft. Ce changement de situation me donne le vertige, je me tiens à chaque meuble en rejoignant Alex.
— Qu'et-ce que je fais là ? S'il vous plaît, laissez-moi partir...
Comme une enfant, je supplie. Tu perds le peu de dignité qu'il te reste, ma pauvre Rachelle.
— Tu n'iras nul part, ma douce, navré de te le dire, intervient Ez qui est venu s'installer à mes côtés. Il tire une taffe de son joins qu'il crache sur moi. Instantanément, mes poumons me brûlent et semblent rapetisser tant l'oxygène ne circule plus dans mon être. La main sur la poitrine, j'ouvre grand la bouche et les yeux en espérant récupérer mon souffle mais je n'y arrive pas, l'asthme prend le dessus. Les deux hommes s'affolent autour de moi pendant que je tombe à genoux.
— Putain, qu'est-ce que t'as foutu Ez ?!
— J'en sais rien putain, pourquoi elle meurt ?
— Qu'est-ce que j'en sais putain ! Il s'accroupit face à moi et m'interroge. Entre deux respirations petites et saccadées, j'arrive à murmurer asthme.
— Merde, mec elle est asthmatique !
Alex panique et cherche du regard quelque chose pour m'aider. Ez jette son joins dans l'évier de la cuisine, il me porte sur son épaule et me transporte du côté du piano à l'autre bout du loft. Il ouvre une porte coulissante aussi grande que l'entrée d'un château et avance sur une terrasse en hauteur. La pluie fouette nos corps et me trempe à nouveau, il me pose sur un banc situé sur la terrasse et m'observe :
— Fais chier ! Inspire, doucement par le nez. Force-toi même si tu as mal... allez, compte avec moi. Un, deux, trois...
Je m'exécute au fur et à mesure de ses paroles, reprenant petit à petit le contrôle de ma respiration disparue quelques instants plus tôt. Le plus compliqué avec ce genre de crise, c'est la panique que cela créée et... fuck, l'angoisse c'est ma came.
— Me...merci...
Il se relève et m'observe puis rentre en me lançant par dessus son épaule :
— Tu devrais rentrer aussi, histoire de pas crever d'une pneumonie.
Je le suis, le pas trainant. Tous les jours, j'aspirais au jour où j'allais mourrir... et le jour où je m'en rapproche le plus, à deux reprises, je fais tout pour rester sur cette putain de terre !
— Comment... tu as su ? L'interrogé-je.
— Ma sœur était asthmatique.
Il me répond en faisant couler un jet d'eau sur son joins qui reposait dans l'évier, continuant de fumer légèrement avant d'être éteint définitivement. Alex me tend un verre d'eau.
— Bon, reprenons depuis le début... enchanté, moi c'est Alex. Et toi, c'est quoi ton prénom ?
— Ra... Rachelle...
Putain, je suis vraiment entrain d'avoir une discussion lambda avec mes ravisseurs ? On est pas dans un putain de rendez-vous Tinder, Rachelle !
— Qu'est-ce que je fais ici ?
Alex me lance un regard, mal à l'aise puis il toise son frère pour le forcer silencieusement de me répondre. Celui-ci  saisit une pomme qu'il croque avec lenteur en me fixant droit dans les yeux. Tout dans son attitude respire l'arrogance, j'ai envie de lui cracher au visage. Dans un sens, il me fait un peu penser à Florent... en beaucoup plus beau, clairement. Ce mec ici présent est clairement à tomber.
— Tu veux la version courte ou tu veux la longue, Imprévu ?
— La courte, soufflé-je blasée. .
J'ai l'impression d'être devant un enfant qui tente un compromis avec sa mère.
— Tu m'as vu tuer un mec donc t'es ici.
En voyant mon sourcil gauche s'arquer, Alex explose de rire. Non mais il est sérieux ?
— La version longue, le relancé-je en espérant comprendre un peu plus ce qui m'arrive.
— Trop tard, l'Imprévu, je ne laisse jamais de seconde chance.
Il se tourne, son trognon en main et se dirige vers la poubelle pour y jeter son déchet de fruit. Le voir manger réveille mon estomac, vide depuis...combien de temps ?
— Combien de temps ?
— Quoi, combien de temps ? Il me fusille du regard, les mâchoires contractée. Alex chipote à des casseroles, et commence à remuer en cuisine comme si nous n'existions pas.
— Depuis combien de temps elle a pas baiser ? Bah non, depuis combien de temps elle est ici frangin, réfléchis.
Pour toute réponse, son frère le fusille du regard et se dirige vers le piano devant lequel il s'assied en silence, le regard perdu dans le vide. Du bout des doigts, il triture les touches mais n'appuie pas dessus.
— Il est comme ça quand il n'a pas fumé de joins, ne lui en veut pas, m'implore Alex en jetant les poivrons dans la poêle. L'odeur me fait saliver, il le remarque et me sourit avant de poursuivre :
— Il est tard, tu dois mourir de faim...
J'approuve faiblement et me dirige vers Ez, je m'assieds à ses côtés et je sens son corps se tendre mais il ne dit rien. J'observe les touches et y pose mes doigts pour commencer à jouer une note lorsqu'il saisit mon poignet qu'il presse fortement.
— Lâche-moi, tu me fais mal !
— Ne pose jamais plus tes doigts sur ce piano, compris ?
Poussée par des couilles entrain de me pousser, je le défie du regard et lui réponds :
— Dis moi ce que je fais ici et je n'y toucherai plus.
Face à son silence, je me lève et me dirige en direction de la cuisine pour aider Alex à servir le poulet, les poivrons et le riz que nous déposons sur la table de la salle à manger. Comment fais-je pour faire semblant de rien à ce point ? Fuck, je n'ai pas d'autres solutions si ? Rachelle, réfléchis deux minutes... tu ne peux pas t'enfuir, pas maintenant. Tu ne peux pas te battre, tu fais la moitié de sa taille...mais peut-être pas de son poids. Comme toujours, j'abandonne. Je m'assieds là où Alex me le propose et l'observe servir les assiettes avec le plus grand naturel du monde. Ez s'assied face à moi, il se sert un verre de rhum qu'il boit d'un traite avant d'engloutir son assiette et de se resservir. Du bout de la fourchette, le bras devant mon ventre pour le cacher, je triture la nourriture. Je meurs de faim mais je n'ai pas le courage de manger devant des inconnus comme si je les connaissais depuis toujours ... Ez fronce les sourcils, une lueur étrange passe dans ses yeux et il incline sa tête sur le côté.
— Tu ne manges pas, l'Imprévu ?
— Qu'est-ce que je fou ici ?
Il souffle, Alex s'agite sur sa chaise et nous observe tour à tour.
— J'ai un chien, putain, je dois rentrer chez moi.
— Je suis une sorte de chasseur de prime, sauf que je ne me fais pas toujours payer et je n'ai pas toujours un patron. Parfois c'est...personnel... Je traque des mecs du même genre que le fumier qui a tenté de... il laisse planer quelques secondes de calme, avant de reprendre. T'étais au mauvais endroit, au mauvais moment. N'est-ce pas, l'Imprévu ?
— Quel rapport avec le fait que je sois ici ?
Je cache mes mains sous la table pour cacher mes tremblements. Un putain de chasseur de prime, j'hallucine ? Je pensais que ça n'existait que dans les films ! Ce mec n'a pas tué que l'homme qui tentait d'abuser de moi mais... plusieurs personnes ! Peut-être même des femmes et des enfants. Je chasse cette pensée en clignant des paupières, je me pince fort à travers le jeans en espérant réussir à contenir la crise d'angoisse qui m'opprime la poitrine.
— Tu m'as vue, tu es donc mon affaire aussi, ma douce. Il se lève et se dirige vers la cuisine d'où il lance de l'air le plus naturel du monde :
— Un dessert ?
Alex décline et je ne réponds pas, je n'ai même pas touché à mon assiette. Il se rassied en face de moi, ses yeux bruns m'examinent.
— D'accord mais j'ai dis que je ne dirais rien donc...
Son rire m'interrompt, il se redresse et claque ses poings sur la table à deux doigts de la crise de nerfs.
— Parce que tu crois que je vais te croire ? Comme si tu pouvais reprendre une vie normale ? Que dirait ces fils de pute de Miller en te revoyant alors que leur ami est mort ?
Sur ces mots, je sens le sang quitter mon corps et mon crâne pétiller. Il connaît les Miller.
— Le plan, ma douce, c'est que tu vas m'aider pour la prochaine personne de ma liste. Quand tes mains seront aussi sales que les miennes, tu ne pourras plus me dénoncer.
La goutte. C'est la goutte qui fait déborder le vase et j'éclate en sanglot à table, devant eux.

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