Chapitre 17 - Ezio

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Quelques heures plus tôt

Je fais demi-tour et la laisse seule dans le garage, complètement chamboulée. Comment ces fumiers ont pu l'envoyer chez l'autre prédateur ? Elle est si douce, si innocente, si fragile... Et cette vieille qui lui dit qu'elle est étonnée qu'elle ramène un mec comme moi. Il faut se méfier des étoiles qui brillent dans le ciel, se sont souvent les plus dangereuses, mamy. Je souris intérieurement, j'ai hâte de voir leur tête se décomposer lorsqu'ils comprendront ce que je suis venu faire. Le plan est simple, je vais cacher les objets de monsieur Soon chez eux puis je les tuerai et ferai croire à un suicide. Mais avant ça, j'ai des informations à recueillir.
Je me pose sous le pont, là où j'ai retrouvé Alex le jour où j'ai voulu en finir. Je sors mon joins de ma poche que j'allume afin de calmer les milliers de pensées qui me tourne en tête. Sa brûlure libère une sensation de soulagement, ensuite je sors mon couteau de ma poche et enlève mon pantalon que je dépose sur le côté. Je m'enfonce d'avantage dans le creux offert par le pont, à l'abris du regard des passants et j'attends que le temps passe en fumant. Du bout de ma lame, je taille une première entaille sur l'intérieur de ma cuisse, doucement. La douleur ne me fait plus rien, je regrette les jours où elle m'enlevait un peu de culpabilité... alors qu'aujourd'hui, elle n'appartient plus qu'à un rituel habituel. Je la relève de ma jambe pour voir le sang qui coule et se répand sur le sol, là où des tâches des fois précédentes couvrent déjà les lieux. Je repose la lame argentée et m'en taille une nouvelle fois, puis une troisième fois mais cette fois je la fais plus grande et plus profonde. Ce meurtre ne respecte pas mes propres règles, je mérite de souffrir.
Lorsque j'ai fini, mes yeux sont rouges à cause de la drogue et de la douleur qui remplissent chaque cellule de mon corps. Je prends un tissu glissé préalablement dans ma poche de pantalon que j'étale sur les plaies pour limiter les saignements.
— J'y arriverai, je te le jure... Ma Princesse.
Je ramène mes jambes sur mon torse et je ferme les yeux afin de faire le vide et de me concentrer sur mon objectif. Quand le ciel commence à devenir noir et que le soleil se couche, je reprends la route en direction des Miller.
La voiture du vieil homme est devant, les lumières filtrent à travers les tentures.
— Parfait.
Je descends et me dirige avec ma gueule d'ange vers le lieu de mon futur meurtre. Je me plante face à la porte et sonne deux fois de suite, madame Miller m'ouvre quelques instants plus tard. Même le soir, son fumier de mari l'envoie faire les merdes. J'aurais très bien pu la tuer tout de suite...
— Tiens, Ezio, c'est ça ? Que fais-tu là ?
Je lui souris à pleine dents, l'air le plus innocent du monde.
— Rachelle a perdu son portefeuille, je suis venu voir s'il n'est pas ici par hasard ?
— Nous n'avons rien vu, tu veux rentrer vérifier jeune homme ?
— Si ça ne vous dérange pas ?
Avant d'attendre sa réponse, j'entre et la vieille dame ferme la porte derrière moi. En provenance de la salle à manger, j'entends son gros porc de mari crier. Elle m'invite à m'installer dans le salon, puis elle me rejoint avec une tasse de son café dégueulasse. Je fais mine de la remercier d'un sourire et m'installe sur le vieux fauteuil, les coudes posés sur les genoux. Le vieux monsieur nous rejoint et me tend une main, l'œil méfiant.
— Alors donc, c'est vous qui avez conquis le coeur de la petite Rachelle ?
Je me redresse pour lui rendre sa poignée de main avec un sourire forcé. Ils en parlent comme s'ils l'appréciaient comme une deuxième fille, ça me révulse.
— Comment ne pas en tomber amoureux, vous l'avez déjà vue ? Ma blague fait l'effet escompter, l'homme s'affale dans son fauteuil en riant.
— C'est vrai que c'est un beau morceau, fait-il remarquer.
C'est bien ce que je pensais, elle n'est qu'un morceau de viande pour eux... heureux qu'ils en deviennent un pour moi.
— Elle est incroyable, je suis étonné qu'elle s'intéresse à quelqu'un comme moi.
La vieille dame s'installe à côté de son mari, éclatant de rire.
— Vous rigolez ? Vous êtes bien plus beau qu'elle, c'est plutôt l'inverse jeune homme.
Je sers les poings pour cacher ma colère. Tout chez ces individus respire la fausseté et le profit mais j'ai besoin de m'en assurer, malgré tout.
— Vous ne la trouvez pas jolie, madame Miller ?
— Si, évidemment ! Mais ses dessins gâche toute sa beauté. Vous devez penser le même, puisque vous n'êtes pas tatoué.
Je tourne la tête sur le côté afin de faire mine que je réfléchis à la question. La vérité, c'est que j'adore les tatouages mais je flippe à l'idée de me faire torturer par une aiguille. Drôle de réflexion pour un homme qui s'ouvre la peau des cuisses avec une lame.
— Pour être honnête, je préfère me mutiler le corps moi-même. Le fait qu'elle offre sa douleur à quelqu'un d'autre m'impressionne, je préfère gérer moi-même mes douleurs et mes faiblesses.
Comme si je l'intéressais soudain, le vieil homme se redresse et me toise de haut en bas.
— Quelles sont vos faiblesses, jeune homme ?
Je ris, comme s'il pouvait m'impressionner avec son faux air d'homme virile.
— Mon objectif de vie, et vous monsieur Miller ?
— L'argent, évidemment.
— Et vous, madame Miller ?
La femme déglutit péniblement, comme si je la pointais avec une lampe dans un commissariat.
— La culpabilité. C'est ma faiblesse...
Bravo la vieille, tu as presque faillit m'attendrir.
— Vous ne veniez pas pour un portefeuille, jeune homme ?
L'homme tente de m'intimider mais je ne le suis pas une seconde. A la place, je fais mine de le chercher et de le trouver sous le fauteuil. Je le lève d'un air victorieux et saisis ma tasse pour en boire une gorgée. J'aime me faire souffrir, c'est certain. Cette merde est dégueulasse.
— Il est retrouvé ! Mais en réalité, je suis venu vous demander pourquoi vous avez envoyé Rachelle chez ce putain de pervers de Soon ?
La femme se liquéfie sur place, à tel point qu'elle me donne l'impression de vouloir se fondre avec son vieux fauteuil. L'homme me toise, un sourire victorieux sur le visage.
— Je me doutais que Rachelle ne pouvait pas réellement trouver quelqu'un d'aussi beau que vous. Allez vous-en maintenant, avant que j'appelle la police.
J'éclate de rire et sors l'arme de ma ceinture, que je pointe entre ses deux yeux.
— Parce que tu crois que tu as le pouvoir, vieux con ?
La femme se met à hurler et tente de s'enfuir. Décidément, ils ne s'aident même pas entre eux.
— Toi, ferme-la vieille pute où je te colle une balle entre les deux yeux tout de suite.
Elle ferme la bouche et retient les sanglots qui lui compacte la poitrine, un sourire sadique s'affiche sur mon visage. Ils n'étaient pas sur ma liste mais je sens qu'ils ont des informations qui me seront utiles.
— Pour vous résumer l'histoire, je suis le plus petit des fils Scagnolli.
En voyant leurs visages se décomposer davantage, je comprends qu'ils me connaissent. Bingo.
— Ce n'est pas possible ! S'insurge le gros porc.
— Bien sûr que si, vieux con. Maintenant, vous allez m'expliquer d'où vous connaissez mon nom et pourquoi vous avez envoyé Rachelle chez Soon.
— Tout le monde connaît l'histoire des Scagnolli, ton frère est l'un des plus grands dirigeants de la ville ! Mais toi... tout le monde dit que tu es mort, comment tu... ?
— C'est moi qui pose les questions, la vieille. Pourquoi Soon ?
— Il nous a croisé Rachelle il y a un an, ici, lorsqu'elle a commencé à travailler pour nous. Il nous a proposé une belle somme d'argent pour lui envoyer, afin d'alimenter son trafic et...
La femme me déballe tout tandis que son mari la fusille du regard. Il tente de la gifler mais je l'arrête dans son élan avec mon flingue.
— Bouge, papy, et je te tue. Reprenez, madame Miller. Que saviez-vous du trafic de monsieur Soon ?
— Il utilise des filles, qu'ils paient pour leurs services et compagnies. Il les filme pour alimenter les vidéos de son site internet où des hommes paient pour les visionner.
— Pourquoi Rachelle ? Elle était majeure.
— On... on ne sait pas, il disait qu'elle avait des airs d'enfants et qu'elle serait parfaite à la revente.
Parfait, on touche le point que je cherche.
— A qui voulait-il la revendre ?
— Je... Je ne sais pas. Il a parlé d'une soirée dans deux semaines, avant ça il voulait l'utiliser pour lui et ses vidéos.
A la fin de son explication, la vieille dame fond en larmes tandis que son mari reste de marbre.
— Tu es stupide, il n'a plus aucune raison de nous garder en vie maintenant.
La femme relève la tête et m'interroge du regard. Je tranche la gorge de son mari avec la même lame que celle que j'utilisais sur moi quelques heures auparavant en guise de réponse.
— Tu ne penses pas si bien dire, vieux con.
Elle se met à hurler, à pleurer et à me supplier pendant que son mari se vide de son sang en tenant désespérément sa gorge.
— C'est simple, vous allez y passer aussi mais je vous laisse le choix. Soit vous allez chercher un couteau de cuisine et vous lui planter le couteau en plein coeur et ensuite je vous fais mourir avec un comprimé dans votre café, sans souffrance, soit je vous entaille du coude au poignet et vous regarde mourir à petits feux.
La femme pleure mais il n'en faut pas plus pour qu'elle se dirige vers la cuisine pour s'afférer à la tâche que je viens de lui confier. Étrangement, elle parait sûre d'elle alors qu'elle vient de passer ces derniers instants à pleurer et supplier. C'est triste, finalement, de voir à quel point il l'avait sous son emprise. Je mettrais même ma main à couper qu'elle a été forcée de vendre Rachelle et que son affection pour la jeune femme n'était pas un mensonge. Ce qui expliquerait pourquoi elle se comportait comme une grand-mère avec elle... Lorsqu'elle a fini ce que je lui ai demandé, elle s'installe dans le fauteuil en face de son mari.
— Est-ce... Est-ce que je pourrais avoir de la musique, s'il vous plait jeune homme ?
— Bien sûr, laquelle ?
— Il suffit d'appuyer sur le bouton play du lecteur, elle se mettra seule en route.
Je m'exécute, l'observant du coin de l'œil mais la vieille dame ne bouge pas d'un poil. Je sors le médoc de ma poche que je glisse dans son café, elle m'observe faire un léger sourire aux lèvres.
— Vous vouliez mourir, pas vrai ?
La vieille dame plante ses yeux gris dans les miens, pour la première fois depuis quelques minutes des larmes perlent dans le coin de ses yeux.
— Je suis.. gravement malade. Chacun de mes jours passés sur Terre est une souffrance mais mon mari ne voulait pas que j'ai recours à l'euthanasie. C'est un service que vous me rendez en tuant ce con et en me permettant d'abréger mes souffrances, jeune homme.
Je ne réponds rien, je me contente de lui désigner une gorgée de la tasse de café dans laquelle j'ai dilué le comprimé. Les femmes sont reconnues comme ayant recours à des méthodes de suicide plus douces, comme celle-ci. Tout aura l'air réel aux yeux de la police.
— Prenez soin de Rachelle, s'il vous plait...
Elle s'installe confortablement dans son fauteuil en attendant que l'effet du médicament agisse. Je fronce les sourcils, ne comprenant pas où elle veut en venir et elle doit s'en rendre compte car elle rigole doucement.
— Ne vous mentez pas à vous même, mon garçon. Vous la regardez intrigué, ce n'est qu'une question de temps avant que vous en tombiez amoureux. C'est une chouette fille, elle a beaucoup souffert... vous devriez y faire attention, vous aurez tout à gagner avec elle.
— Je ne compte pas la fréquenter davantage, madame Miller.
— Attendez qu'elle s'occupe de vous comme elle aimerait qu'on s'occupe d'elle, vous changerez d'avis.
Je rigole, on ne s'occupe pas de moi. Jamais. Elle doit le comprendre, puisqu'elle ajoute :
— C'est naturel pour elle, son humanité la perdra mais elle pourra vous sauver vous.
— Tout le monde ne mérite pas d'être sauvé, madame Miller.
— Tout le monde mérite une seconde chance, jeune homme.
— Je n'en offre pas personnellement, regardez-vous.
— Tu me l'as offerte, je te l'ai dis.
Sur ces mots, je ne réponds rien et me contente de regarder la vieille dame s'éteindre, soulagée. Avec elle, elle embarque une part de ma culpabilité.

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