Quelques heures plus tôt
Je peaufine mon eye-liner, et passe mes mains sur ma jupe pour retirer les poils de Sirius qui viennent s'y coller sans cesse.
— Ça va comme ça ? Tu es sûr, je ne lisse pas mes cheveux ?
— Hors de question, tu es sublime ! Me répond Noah en me jetant ma veste en cuire.
Je lui souris, heureuse que mon meilleur ami soit là ce soir après ce que je viens de découvrir. Ses boucles blondes descendent sur ses lunettes, je lui ébouriffe avant de le serrer dans mes bras.
— Merci, Noah.
— Arrête de me remercier, on devait se voir de toute façon. Ça fait une semaine que tu me nies la gueule, meuf.
Je prends mes clés de voiture et m'apprête à sortir après avoir dit au revoir à Sirius mais le jeune homme me stoppe dans mon élan.
— Je conduis, toi, tu bois.
Je cède et lui donne mes clés, qu'il range sur l'étagère à bonbons posée entre le salon et la cuisine, près de l'entrée. Il caresse Sirius derrière les oreilles, qui frappe le sol avec la patte arrière de plaisir puis il me suit vers l'ascenseur après avoir fermé le kot.
— Il serait temps de le laver, il sent la chipitos, me fait-il remarquer.
— Sois gentil avec ton filleul, je te permets pas.
On rigole lorsque les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur un couple entrain de batifoler. Mal à l'aise, on se jette un coup d'œil et faisons demi-tour vers les escaliers. Après ma journée de travail, enfiler mes cuissardes à talons aura ma peau mais j'ai besoin de me sentir belle, pour une fois.
— T'es garé loin ?
— Juste devant, ma puce.
Je souris et monte dans sa Ford Fiesta, nouveau modèle. Je m'installe, boucle ma ceinture et appuie sur les boutons des sièges chauffants.
— N'en abuse pas, c'est mauvais pour la circulation sanguine.
— Oui, papa me moqué-je.
La musique à fond, nous nous dirigeons vers la boite de nuit la plus proche en hurlant les paroles de nos musiques préférées.
— Vas-y tape (ouais deux secondes, j'arrive)
— Mais qu'est-ce tu fous là
— Je te croyais chez ton père mais tu te fous d'moi
— J'ai toujours été droite et je vivais pour toi
— J'avais confiance en toi, je pouvais crever pour toi
— Et toi t'oses baiser cette chienne
Je pleure de rire lorsque Noah prend une voix de fille pour terminer la chanson. Il n'y a rien à faire, ce garçon sait me rendre le sourire comme aucun autre. Il fini par se garer à quelques mètres de la boîte où nous entrons après avoir montré nos cartes d'identités. Du haut de nos 20 ans, on a encore l'air d'être des ados et nous nous faisons contrôler partout. Je laisse ma veste au vestiaire, dévoilant mon top sans manche qui laisse apercevoir mon bras entièrement tatoué.
— Tu devrais les montrer plus souvent, tes tatouages, me suggère Noah.
— Tu sais que dans le métier de prof, ce n'est pas très bien vu.
— Ouais, comme le fait que tu sortes te bourrer la gueule en boite mais on est quand même là.
Noah lève les yeux au ciel et m'entraîne directement au bar où il m'offre des tequila. Le mélange de l'alcool, du citron et du sel me fait grimacer mais il a le mérite d'agir directement et je sens petit à petit mon cerveau pétiller. Nous nous dirigeons sur la piste où l'odeur des parfums de fille, de transpiration et de la cigarette froide se mélangent. On danse, l'un contre l'autre sur les musiques aléatoires de la playlist qu'a mis le DJ. Les gens autour nous jette des coups d'œil, ce qui me déstabilise.
— Qu'est-ce qu'ils ont ?
— Ils regardent la beauté que tu es, Rachelle.
Je souris lorsqu'une fille s'approche de moi et se penche, à moitié saoule, sur moi.
— Meuf, ton tatouage de dragon est incroyyyyaaaabbbblllleeeee ! J'adore ton look.
— Merci, lui réponds-je timidement en posant instinctivement la main sur mon bras droit totalement recouvert d'encre.
Peu de personnes le savent mais c'est ma manière à moi de rendre mon corps plus acceptable, chacun de ces motifs a une représentation particulière et m'amène petit à petit vers le chemin de la guérison. Si tout allait bien dans ma vie, je n'aurais probablement pas tatoué la moitié de mon corps ! Et celui dont elle parle représente un dragon, rouge et noir. Sa tête qui commence au niveau de ma clavicule prend une bonne partie de mon épaule et son corps redescends jusqu'au poignet. Celui-ci s'enroule autour de mon bras, pour représenter la force et le fait que notre force peut être notre faiblesse si on se laisse submerger par celle-ci. La fille s'éloigne en titubant, me laissant seule entrain de caresser mon bras du bout des doigts. Au loin, j'aperçois un garçon qui me semble familier. Lorsque son regard brun croise le mien, mon corps est électrisé de la tête aux pieds. Attiré par mon air interrogateur, il s'approche de moi avec assurance. Son bras gauche recouvert de tatouages, il prend mon verre des mains et le boit d'une traite sans gêne.
— Salut, on se connaît ?
Mon cerveau tilde, le gars en R8 !
— C'était toi hier, en voiture ?
Quelque chose cloche, sans que je puisse mettre le doigt dessus. En dehors du fait qu'il vient de faire un cul sec avec mon verre.
— J'ai pas de voiture mais on peut s'en trouver une, si tu vois ce que je veux dire, dit-il d'un air beauf en plantant un sourire sur son visage. C'est à ce moment que je prends conscience qu'il ne s'agit pas de la même personne : le garçon du feu rouge a l'un des plus beaux sourires qu'il m'ait été donné de voir. Contrairement à celui en face de moi, qui aurait du garder la bouche fermée vu l'odeur de son haleine. Un haut le coeur me vient, je recule et cogne Noah dos à moi entrain de danser avec une fille. Mon geste le surprend, il se tourne pour observer l'inconnu qui continue d'avancer malgré mon intention claire de refus et d'éloignement.
— Elle n'a pas envie de danser, mec.
— Mais moi, si.
Avant que cela ne dégénère, les amis de l'homme bourré nous rejoigne et l'entraînent plus loin en se confondant en excuse. La boule qui venait de se former dans ma gorge à cause de la peur se dissipe légèrement et j'attrape soudain chaud. Je hais la violence et tout ce qui s'en rapporte. En dehors du coup de poing que t'as mis à Florent, hein Rachelle ?
— Passons aux choses sérieuses, me propose mon meilleur ami qui part chercher deux cocktails spéciaux.
L'avantage, non négligeable avec Noah, c'est qu'il a droit à des mixtures particulières et qu'en plus, il ne paye pas. Le point positif indéniable de connaître le barman.
— T'as dit que tu faisais Bob...
— T'inquiète ma puce, c'est un sans alcool me dit-il en agrémentant ses dires d'un clin d'œil. Son sourire est contagieux et je me surprends à lui rendre un sourie encore plus glorieux que le sien.
J'enchaîne les verres, encore et encore jusqu'à ce que je n'entende presque plus la musique qui se trouve remplacée par un bourdonnement insupportable.
— No... Noah ? On peut rentrer, s'il te plait ?
Alors que je me tourne vers lui, soudainement prise de torgnoles, mon meilleur ami me rattrape avant que je prenne le sol de plein fouet.La lumière vive me donne mal à la tête, je cligne des yeux plusieurs fois en portant mes mains à mon front sur lequel j'appuie en espérant faire passer la douleur.
— Je crois que t'as un peu trop bu, hier, me fait remarquer Noah qui a l'air d'avoir dormi assis sur le petit canapé posé dans la chambre.
— Sans blague, lâché-je contrariée.
Je me redresse, doucement. Le simple bruit du glissement de la couette me fait grimacer et je regrette d'avoir mis mon réveil aussi tôt. Ou d'avoir bu autant. Qu'importe. Le réveil... pour le boulot ! Merde ! Je cherche l'heure et me détends en m'apercevant qu'il me reste deux heures avant de commencer ma journée chez mon nouveau client.
— T'inquiète, tu m'as tellement rabattu les oreilles avec ta journée de travail que j'ai avancé ton réveil, m'explique Noah.
— Merci, t'es un amour.
— Va prendre une douche froide, il y a déjà un Aquarius et un Paracétamol qui t'attendent sur la table de la cuisine. Je vais chercher des frites et j'arrive.
L'idée de la douche froide me déplaît et les frites encore plus, ça réveille en moi une vie de gerber plus intense que l'odeur de l'haleine du mec d'hier.
— Fuck, je peux pas manger de frites maintenant.
— Pourtant, tu sais que sans ça tu n'arriveras pas à tenir la journée...
Sans attendre ma réponse, mon meilleur ami se lève et pars chercher ce dont il parlait. Les friteries ouvertes toute la journée, c'est un avantage de la vie estudiantine. Je file à la salle de bain où je découvre le carnage que je représente. Avec mon maquillage étalé de la sorte, je ressemble à une prostituée qui a passé les dernières 24 heures à travailler. J'allume l'eau sans vérifier la température et m'y plonge. Le froid me glace jusqu'à l'os, je grelote mais lorsque je sors je savoure enfin les rayons du soleil sans avoir envie de mourir. Je démêle mes cheveux que j'attache en chignon au-dessus de mon crâne en faisant attention de laisser quelques mèches encadrer mon visage. Je trace mon éternel trait d'eye-liner, plus fin que celui de la veille et pose une couche de mascara. Lorsque je suis enfin maquillée, je rentre dans la chambre pour enfiler mes vêtements de travail. Je saisis mon training mais me remémore les mots de monsieur Miller : par contre, tu devras porter d'autres vêtements ma petite. Monsieur Soon est très frileux, il fait mourant de chaleur chez lui. Je dépose mon pantalon que je troque contre un short de sport, un t-shirt blanc large et un gros pull que je retirerai une fois sur place. Pour éviter les cloches avec mes Doc Martens, j'enfile mes converses et vérifie que mon sac avec mes outils de travail est prêt. Je l'ai repris hier malgré l'interdiction du patron, afin de ne pas devoir partir plus tôt ce matin. Lorsque je sors de la chambre, Sirius ne m'accueille pas et je me mets à chercher après. Fuck, j'espère que Florent n'est pas venu le chercher... Je cherche désespérément dans l'espoir qu'il soit couché quelque part lorsque je trouve un petit mot collé sur la porte d'entrée.Pas de panique, j'ai pris Sirius pour le promener pendant que je vais chercher les frites. Bois l'Aquarius et prends ton médoc.
Je souris. Je ne sais pas ce que je ferais sans Noah et je remercie le destin de l'avoir posé sur ma route lorsque j'avais 13 ans. Je rentre dans la cuisine et m'installe sur la petite table où j'exécute les ordres de mon meilleur ami en faisant défiler des vidéos drôles sur mon téléphone. Une fois la boisson terminée, je me sers mon éternelle tasse de café : aussi noir que les tenues que je porte habituellement.
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L'effet miroir
RomanceRachelle, 20 ans, travaille sans relâche pour payer ses frais de scolarité et les soins de santé de sa mère. Elle a tout d'une jeune femme détruite par la vie. Ezio, 23 ans, tue des gens appartenant à un réseau de trafic d'humain afin d'atteindre s...