Assis dans la voiture, j'allume mon joins et entrouvre la fenêtre pour cracher la fumée dehors. Le faible éclairage du lampadaire devant lequel je suis garé donne l'impression que la fumée est dure et blanche à la fois. Il vaut mieux avoir l'air d'un drogué que d'un tueur, non ?
Les lumières de l'énorme maison que je suis entrain d'observer s'éteignent, indiquant que le gros pervers qui y vit va dormir. Heureusement pour sa femme, elle est morte d'un cancer il y a des années... la pauvre, si elle avait su que son mari serait un putain de violeur, un putain de pédophile et un putain de manipulateur. Je vais me faire un malin plaisir de lui défoncer le crâne, de lui couper les couilles ou mieux encore, de lui faire manger. Mon téléphone sonne, coupant la musique que j'étais entrain d'écouter et mes pensées sadiques.
— Alex, qu'est-ce que tu me veux putain ?
— Euh... désolé de te déranger mais... t'as pas racheté de pain ?
Je souffle, exaspéré. Ce garçon est pire qu'un enfant, on ira jamais loin avec lui. Je tire une taffe de mon joins, que je dépose ensuite dans le cendrier de la voiture. Si maman voyait ça, elle m'arracherait la tête.
— Dans l'armoire au-dessus du frigo, tête de noeud.
— Super, merci frangin !
Le gamin raccroche et me laisse à nouveau seul avec mon objectif, que j'aperçois entrain de descendre le volet de sa chambre pour ne pas être pris en flagrant délit de visionnage de pédo-pornographie. Ce fils de pute se couche tous les jours vers 21h30, sauf le mercredi et les week-ends où il part s'occuper des jeunes filles qu'il amadoue avec son fric. Le fumier...
Je passe une main nerveuse dans mes cheveux bruns. Maintenant que j'ai toutes les informations, il ne me reste plus qu'à appliquer le plan. Dans deux jours, je m'introduirai chez lui par effraction afin de le buter. Simple et efficace, ou peut-être pas, en fonction de mon humeur. Vu le nombre de viols enregistrés à son actif et ma mise en scène on pensera aux représailles d'un parent de l'un des enfants dont il a abusés ou d'un voleur attiré par son fric. Ce n'est pas tout à fait faux, n'empêche. C'est l'un de ses parents qui a contacté mon pseudo patron du moment pour s'occuper de son cas, je ne fais qu'exécuter leurs pulsions, histoire qu'ils restent tranquille avec leur conscience. De mon côté, ça m'arrange. C'est un pas de plus vers mon objectif. Il faut des mecs comme toi, Ezio, histoire de préserver l'image des monstres qui peuplent la population.
Je rigole en tirant une nouvelle taffe de mon joins. La sensation de brûlure dans le fond de ma gorge et mes poumons m'apaise, mon cerveau me donne l'impression de flotter au fur et à mesure que la drogue fait de plus en plus effet.
— Tu vas avoir la foncedalle, Ezio.
Je jette le cul du joint par la fenêtre et démarre le moteur pour partir en direction du McDo le plus proche. Alex appréciera plus une crasse qu'une tartine à la pâte à tartiner.
Dans la nuit, mon moteur gronde et affole les petits animaux qui bordent la route.
— Il doit être sourd, ce con, pour ne pas m'avoir repéré.
Je rigole en me regardant dans le rétro central où j'aperçois un chat noir traverser la route. Je fais mon signe de croix pour conjurer le sort, même si je sais qu'ils ne sont pas maudits et que je ne suis pas croyant. Maman m'a toujours appris à le faire, c'est un automatisme. J'en vois des choses, aujourd'hui, dans mon rétro central...
Je pousse une accélération vers le fast-food, la faim tiraillant mes entrailles. La salive se décuple dans ma bouche, effet secondaire du joint que je viens de consommer. Je sais d'avance que ce repas va me sembler tout droit sorti d'un restaurant de luxe, grâce à cette merde et j'avoue que ça devient compliquer de manger sans avoir fumé. Je m'arrête devant la borne où se situe le micro, je ne peux pas m'empêcher de prendre un air de badboy depuis que je sais qu'ils ont une caméra pour nous voir. Il y a une chance sur deux que ce soit une meuf, mon futur quatre-heure, peut-être.
— Bonsoir, puis-je prendre votre commande ?
Bingo, une meuf.
Je lui cite les 6 cheeseburgers pour Alex et demande 3 wraps au miel pour moi ainsi qu'un milk-shake vanille et m'avance vers la fenêtre pour régler le paiement.
Lorsque la serveuse se tourne vers moi pour me demander de payer, aucun mot ne sort de sa bouche et ses yeux noisettes battent des cils plusieurs fois. Je souris à pleine dents, flatté de sa réaction. Non, bébé, tu ne rêves pas. Je suis réel.
— Vous...Pai...paiement liquide ou...bancontact ?
— Par carte, merci.
Elle sort la moitié de son corps de la borne et tourne l'appareil bancontact pour que je procède au paiement. En dessous de sa casquette, j'aperçois des mèches noires encadrer son visage. Dommage, je préfère les blondes.
— Bo..Bonne soirée, bégaye-t-elle en me donnant le ticket, la main tremblante.
— Pareillement, au revoir.
Je la laisse là, le cul en feu et la bouche ouverte. J'adore l'effet que je produits sur les filles. La deuxième jeune femme, qui m'apporte la commande, renverse le milk-shake en m'apercevant. Et merde... je me souviens d'elle, c'était un plan cul habituel d'une boîte où je passais mes soirées avant.
— Salut, Ezio.
— Salut.
Je me contente de ce mot, mal à l'aise. Putain, j'ai oublié son prénom.
Je saisis le sac chaud et le milk-shake qu'elle vient de refaire, je le coince dans le réceptacle à boissons puis je démarre en trombe. Évitons les crises de nerfs, Ezio.
Il n'y a que les meufs pour faire des maladies à propos d'une histoire d'amour qu'on a jamais engagée, ni même souhaité. Le souvenir de ses appels en boucle me suffit, j'ai clairement la flemme de la voire me harceler et j'aimerais éviter d'encore avoir envie de lui trouer le bide d'une balle.
Je touche le sac, qui commence déjà à perdre un peu de sa chaleur. Si j'accélère, la nourriture sera encore chaude lorsque j'arriverai chez moi.
Je me faufile à travers les voitures qui semblent avoir trouvé leurs permis de conduire dans un Kinder Surprise et me fait klaxonner à plusieurs reprises. Coup de klaxon auquel je réponds par un fuck, gentiment passé par la fenêtre. Sans rire, si je n'avais pas la bouffe sur le siège passager je me serais déjà arrêté pour les menacer le canon contre la tempe, histoire qu'ils arrêtent de faire les malins, ces cons.
Je presse sur la télécommande qui ouvre la barrière qui entoure le terrain sur lequel j'ai fait aménager ma petite merveille et je roule jusqu'au début des escaliers qui m'y mène. Je n'ai pas envie de rentrer la voiture, je vais probablement ressortir après. Les volets toujours relevés, j'aperçois Alex plongé dans son émission de télé préférée : L'île de la Tentation. Je ne comprends pas son intérêt pour ce genre de conneries, ni même pour l'amour en général, auquel il voue une vraie dévotion. A quoi bon aimer quelqu'un pour ensuite se faire démonter le cul par des gens qui se foutent de nous ? Je n'en suis que trop conscient.
Je monte les marches de l'escalier en fer qui mènent au loft et ouvre la porte, mes clés faisant un bruit d'enfer.
J'enlève mes chaussures pour ne pas abimer le chaîne qui jonche le sol, je jette ma veste en cuire sur une chaise en velours de la table de la salle à manger et me dirige vers le salon au milieu de l'endroit.
— Tiens, tête de noeud, prononcé-je en lançant le fast-food sur l'énorme table du salon assortie à la couleur du sol.
— OHHHH MYYYYYY GOOODDDD, Ez, je vais finir par croire que t'as un coeur !
Je ris lorsqu'il se lève en sautillant comme une puce mais me fige lorsqu'il me prend dans ses bras.
— Pa...pardon, j'oublie toujours que tu es la seule personne aigrie de la terre à ne pas aimer les contacts physiques.
J'ignore son constat et aspire le liquide froid à la vanille qui coule sur ma langue.
— Tu veux un truc à boire ?
— Mmhmhh, m'approuve mon petit frère la bouche pleine de son cheeseburger. J'avance de quelques pas jusqu'au plan de travail qui nous sert de table dans la cuisine, saisis la limonade et m'installe en me laissant tomber sur l'énorme fauteuil en cuire noir. J'observe Alex du coin de l'œil, sa peau noire éclairée par l'écran de télévision et ses grands yeux entrain d'observer les cons qui s'y dandinent me rappelle que je ne suis pas seul. Pas toujours, en apparence.
— Tu devrais boire de l'eau, ça ferait du bien à tes artères, me suggère Alex.
— Et toi, tu ferais mieux de regarder ta connerie et de ne pas te mêler de mes affaires si tu veux rester en vie.
— Tu ne me feras jamais rien, pas à moi. Je ne corresponds pas à tes critères de sélection, sale con.
Petit con. Je lui mets une tape derrière la tête pour calmer ses ardeurs et saisis mon wrap pour croquer dedans. Il a raison, il ne correspond pas aux critères des gens que je tue. Ou que je torture. Ou que je kidnappe. De toute façon, il n'y correspondra jamais, je m'en assurerai toujours et je l'aime beaucoup trop pour ne toucher qu'à une simple de ses boucles. Je croque une nouvelle fois dans mon repas, qui me semble si bon que j'en aurais presque un orgasme.
— T'as encore fumé comme un toxe que t'as des yeux pareils ? M'interroge Alex.
— Ouais et dépêche-toi de finir, que j'en fume un autre.
Sans sourciller, le jeune homme ouvre son troisième cheese et le dévore. Je termine mon repas et lui le sien, dans le noir, avec pour seules lumières les rayons de la lune qui filtrent à travers les énormes baies vitrées du loft.
— Ez, je vais me laver et je monte me coucher, tu ne veux rien ?
— De la tranquillité, réponds-je les yeux fermés et la tête appuyée sur le repose tête du canapé.
— Dors bien, Ez.
— Dors bien, Alex.
J'entends ses pas dans l'escalier qui mène à la salle de bain du premier étage. Je sors les feuilles et le sachet de drogue de la poche de mon pantalon que je dépose sur la table à côté de l'effriteuse. Je prépare ma merde que je surdose, dans l'espoir d'enfin fermer l'œil un peu, je suis à cran.
Comment ne pas l'être alors que tu t'apprêtes à tuer un mec, Ezio ? Je vais même le torturer, ce fumier, avant de le tuer, histoire qu'on rigole un peu. J'éteins l'écran, afin d'être au calme et me laisse bercer par le bruit de l'eau qui coule en haut. J'entends mon petit frère adoptif sortir de la salle de bain et monter dans sa chambre, située au deuxième étage du loft. Je me lève doucement, les pieds traînants en direction du piano à côté du salon. Je tâte les touches du bout des doigts, sans appuyer et ferme les yeux pour me remémorer le plaisir qu'il me procurait à une époque.
Je pose le tube entre mes lèvres que j'allume et je tire pour sentir cette brûlure familière qui comble les douleurs de mon âme. Enfin, l'âme que j'ai perdue il y a 7 longues années.
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L'effet miroir
RomansaRachelle, 20 ans, travaille sans relâche pour payer ses frais de scolarité et les soins de santé de sa mère. Elle a tout d'une jeune femme détruite par la vie. Ezio, 23 ans, tue des gens appartenant à un réseau de trafic d'humain afin d'atteindre s...