2: Le Vaisseau Pirate

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Vu l'allure à laquelle il s'approche il va nous accoster, aucune chance que ce soit amical.
Je me précipite dans la cale en hurlant.

"On nous attaque !!"

J'en vois quelques-uns tomber de leurs hamacs, les autres se réveillent doucement, encore barbouillés de leur sommeil.
Je remonte sur le pont et tambourine à la porte de la cabine du lieutenant.

"Capitaine ! Un navire ! Il fonce droit sur nous !"

Tout le monde est vite rassemblé sur le pont et constatent l'arrivée d'un navire.
Le Lieutenant fait irruption, il est fou de rage.

"Mais que fait le vigie !!"

Il se tourne vers son équipage, moi y comprit.

"Tous à vos postes ! À tribord toute !"

C'est un tel remue-ménage que j'en oublie presque ma condition. Je décide de m'activer aussi et me précipite près du mat pour aider les matelots à tendre les voiles.
Je n'ai jamais ressenti une telle adrénaline, une force qui m'étais inconnue monte en moi, je ne me sens plus du tout nauséeux.

"Aller ! Du nerf !"

Le Lieutenant et le caporal nous beuglent des ordres, mais tout le monde sait qu'il est trop tard.
Le vaisseau pirate est à portée de main, je peux déjà voir leur équipage, armé jusqu'au dents.
J'ai peur. Mes jambes tremblent et je tire de toute mes force dans mes bras pour tendre cette fichue voile qui ne nous sauvera pas. Je pousse un cri de rage, comme beaucoup d'autres matelots qui comme moi perdent espoir.

"Cessez tout !"

Le dernier ordre du lieutenant sonnait comme une trompette de la mort à nos oreilles. C'était fini, ils nous avaient accostés.
Le seul moyen de nous en sortir maintenant était de nous rendre.
Je lâche la corde comme si cela mettait fin à ma vie.
Mes confrères sont vaillants, ils gardent la tête haute, certains sont prêts à se battre, mais le lieutenant nous ordonne de ne rien faire.
Je ne suis pas aussi courageux. Mes jambes sont comme du coton, si j'essayai de bouger je m'écroulerai.
J'ai tout juste la force de lever les yeux pour voir notre lieutenant s'approcher des pirates, les mains levés en signe de paix.
Je jure que si cet homme nous sauve je le rendrai riche.

Comme si parler pouvait nous sauver...ce fût un échec cuisant. Le capitaine du vaisseau pirate n'a même pas laissé le temps au lieutenant de prononcer un mot, il lui avait transpercé le cœur sans une once d'hésitation.
Je suis pris d'un hoquet, dégouté et choqué.
Je vomis mes tripes sur le plancher sous le regard moqueur de l'équipage pirate. Il n'y a plus grand chose à vomir, c'est surtout de la bile maintenant.
Je fais honte à ma nation...à mon père...je vais mourir les pieds dans le vomis.
Je peux voir au loin le capitaine pirate se moquer de moi en me pointant avec son épée.
Un de ses hommes s'approche de moi, avec l'intention de me tuer, probablement. Mais je n'ai même pas la force de m'enfuir. Mes yeux se remplissent d'eau, je vois flou, tout va si vite, la lame du pirate se lève au dessus de ma tête, prête à m'abattre.

"Attendez !"

J'ai hurlé sans même m'en rendre compte. Je vois le pirate retenir son coup, il est curieux d'entendre ce que j'ai à dire.
Vite, c'est le moment de sauver ma peau avec le seul pouvoir que j'ai en ce monde.

"J-je suis l-le fils d-d-de l'amiral"

Je ferme les yeux, persuadé que ma tentative sera veine. Mais le coup ne tombe toujours pas.
Je me risque à ouvrir un œil, le capitaine se tient juste devant moi.
Il fait bien deux têtes de plus que moi, son tricorne fait ressortir ses yeux d'un bleu gris si pur que j'ai l'impression de revoir l'océan de ce matin. Il a aussi les cheveux courts, noirs comme le charbon, et une mâchoire carrée mais harmonieuse. S'il n'avait pas cette cicatrice sur la pommette je pourrais le croire tout droit sorti d'un conte de fée.

"Bon dieu..."

Les mots me sont sortis tout seul. Voilà qu'il se moque encore de moi. Le métal froid de son épée me chatouille le cou. Je n'ose plus bouger.

"Ce garçon a raison, le seul dieu ici c'est moi"

Ça je veux bien le croire. Est-il seulement permit d'être si beau ? J'ai bien failli oublier que je me trouvais face à la mort elle-même.

"Tu dis être le fils de l'amiral, quelqu'un peut me le confirmer ?"

Comme lui, je jette un regard sur mes compagnons de voyage, et le caporal s'avance.

"C'est la vérité, il est son seul fils."

Il repose son regard de dieu sur moi. J'en ai un frisson qui me parcours l'échine.

"Voilà qui est intéressant, tu vas me rapporter un bon pactole."

Loué soit mon père. Jamais je n'ai été aussi heureux d'être son fils qu'aujourd'hui.

"Tuez les autres."

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Un jour je vais regretter de vouloir jouer le bon samaritain.

"Non pitié ! Laissez les !"

Le second du capitaine me donne un revers de gifle si violent qu'il me met au sol. Je suis étourdi et ma joue me brûle, je pose une main dessus en relevant la tête vers lui.

"La ferme ! Si tu l'ouvre encore je te coupe la langue."

Son capitaine rit de plus belle. Il a l'air de s'amuser.

C'est impuissant que je regarde le reste de l'équipage se faire massacrer sans pitié.
Si je n'avais pas déjà vomis toute mes tripes je l'aurais fait maintenant.
Tous ces hommes, ils ne méritaient pas de mourir comme ça...et moi je ne mérite pas de vivre.

"Capitaine, regardez ça, il pleure."

Mes larmes coulent sans que je puisse les arrêter.
Le capitaine s'agenouille devant moi et pose son regard glacé sur moi.

"Tu es pitoyable. Pas étonnant que l'amiral t'ai envoyé mourir en mer."

Il me relève d'une main sans peine et me pousse devant lui vers leur navire.
C'est le début de mon enfer.


À suivre

Moussaillon [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant