Chapitre 12

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D'abord pétrifiée par tant de révélations et d'événements soudains, je finis par me ressaisir et faire face avec fermeté à mon ennemi.

"Vous n'avez en effet jamais été aussi proche de parvenir à vos fins, rétorquai-je sur un ton cinglant et d'une voix puissante. Et nous n'avons jamais couru un aussi grand risque. C'est pourquoi je ne vous laisserai pas agir et que je m'opposerai toujours à vos sombres desseins quitte à en périr, car tel est mon devoir de protéger la paix, l'indépendance de mon royaume et la vie de mes sujets ! Alors confrontez vous à moi, confrontez vous à Hyrule, son peuple et ses déesses et payez de votre vie le prix de votre orgueil pour avoir osé perturbé l'équilibre de ces terres millénaires !!!"

Aussi je dégainai avec assurance mon épée dans un bruit métallique cristallin pour affronter mon adversaire, saisissant la fusée à deux mains et fléchissant mes genoux pour me stabiliser. 

Mais alors je sentis mon arme vibrer, d'abord légèrement puis de manière flagrante. Avant même que je ne puisse réagir, le métal du fort se mit à scintiller de plus en plus fort dans la nuit et un puissant courant d'air se mit à surgir du cœur de l'épée.

Prise au dépourvu et sous les regards interdits de mon ennemi comme de mes amis, je voulus lâcher l'objet mais une force inconnue m'en empêchait. Loin de me faire paniquer, j'avais au contraire le pressentiment que cette étrange manifestation ne m'était pas dangereuse et était, à l'inverse, de mon côté.

C'est alors que dans mon esprit se mit à résonner une voix féminine incompréhensiblement familière, sur un ton métallique mais dont le timbre m'était rassurant, chaleureux et bienveillant :

"Nous sommes lié par la volonté des dieux. Vous êtes mon maître, je suis votre servante. Ensemble, nous éradiquerons le mal de la surface de la terre, jusqu'à la fin des temps."

Laissée en pleine torpeur par ces paroles, je vis soudainement les courants d'air provenant de l'épée soulever et délier les différentes bandes de lin qui recouvraient grossièrement la garde et le pommeau, dévoilant petit à petit un bleu nuit profond, un vert émeraude puissant et un éclat topaze qui ne pouvait laisser de place au doute.

"C'est...

- La lame purificatrice !!! s'exclama au loin une Raminia ébahie, la voix étouffée par l'aura qui m'entourait et m'isolait du monde.

- Non non, c'est impossible je dois rêver..."

 Mais toutes ces sensations tactiles, auditives et visuelles ne pouvaient être que réelles. Progressivement, l'aura surnaturel de l'arme s'atténua avant de disparaître complètement, me laissant dans le silence du canyon avec cette épée divine dont je ne pouvais plus me méprendre : l'Épée de Légende.

"Si je peux manier cette arme... soulevai-je logiquement à voix basse pour moi-même, incrédule, C'est que...

- Tu es le Héros ?! s'écria le grand Kohga d'une voix stridente après quelques secondes d'incompréhension. Toi ?! A la place de ton père ?! Mais depuis combien de temps ?!"

Mon ennemi secoua fortement la tête et objecta :

"Peu importe ! Si tu es bel et bien l'unique élue de l'Épée de Légende..."

J'entendis l'homme ricaner de malice sous son masque.

"...Alors la prophétie ne sera que d'autant plus respectée !!!"

Le Grand Kohga empoigna plus fermement la pointe de gemme nox qui luisait dans le noir et fonça alors sur moi dans un cri de rage.

Me forçant à ignorer les mille et une interrogations qui envahissaient mon esprit, j'enserrai aussitôt la poignée de l'épée avec assurance et repoussait violemment mon adversaire lorsqu'il arriva à mon niveau. Alors que nos armes s'entrechoquèrent, mon pied arrière glissa sur la sable sous le choc et je dû me vouter pour ne pas faillir. Ce vieil homme nonchalant à la voix nasillarde et au ventre rebondi était pourtant d'un tout autre niveau que ses sbires...

En changeant l'angle de ma lame, je parvins à repousser brusquement le chef dans un grognement et profitai de cette occasion pour répliquer, mon pointe fusant vers la gorge de mon ennemi.

Mais celui-ci se volatilisa aussitôt dans une volée de cartes, m'obligeant à pivoter fréquemment sur moi-même pour ne pas me faire surprendre. Je sentais mes amis à mes côtés épier eux aussi les alentours, lorsque la voix de Lilian s'éleva brusquement de derrière le champs de force :

"RAPHAËLLE SUR TA GAUCHE !"

Je fis rapidement volte face juste à temps pour esquiver dans une roulade l'attaque mortelle du Yiga qui, une fois que je me fus relevé, railla :

"Je vois que j'ai affaire à un Héros en apprentissage ! C'est ce qui s'appelle avoir les avantages sans les inconvénients !

- Cesse de disparaître comme un lâche à la moindre complication et bats toi réellement ! crachai-je avec rancune comme unique réponse, remontant ma garde devant moi.

- Vos désirs sont des ordres Altesse", minauda l'homme en brandissant également son arme de fortune.

Ce dernier fusa alors une nouvelle fois sur moi, maintenant cette fois-ci la pointe de gemme nox à pleine main comme un poignard pour manifestement en finir.

Plus je parai et plus je répliquai, plus l'épée de Légende devenait comme un prolongement de mon bras, plus légère et plus habile. Peut-être était-ce un biais cognitif, mais j'avais l'impression que depuis que cette arme avait révélée sa vraie nature, elle me semblait bien plus maniable et redoutable que sous sa forme dissimulée. Je sentais également comme une aura divine, bienfaisante et puissante qui m'enveloppait naturellement et me galvanisait, tout comme la lame qui semblait se charger d'une énergie surnaturelle qui se concentrait au bout de la pointe à chaque coup porté, comme s'il s'agissait de l'attaque fatale qui terrasserait enfin le mal pour de bon. Cette épée possédait un équilibre, une légèreté et une robustesse telles que j'étais certaine de me trouver en présence d'une arme céleste, qu'aucun humain n'aurait pu forger tant ses qualités étaient exceptionnelles et uniques. 

Plus le temps passait, plus je gagnai en agilité, en exaltation et en force, un sentiment tout à fait anormal que je n'avais jamais ressenti jusque là. Parallèlement, je sentais la frustration et la fatigue du Grand Kohga croître tout comme son application et sa précision meurtrière s'affaiblissaient. Même derrière son masque et malgré l'obscurité, je pouvais décrypter ses traits tirés par la haine et l'effort et l'aura lumineuse de la pierre pointue de gemme nox trembler au creux de son poing secoué de spasmes.

"TU N'ES QU'UNE GAMINE ! cracha l'homme comme pour s'auto-convaincre, évacuer sa colère et tenter de m'intimider. TU NE PEUX RIEN CONTRE LE ROI DÉMON !!! TU VAS MOURIR ET JE VAIS TE SAIGNER COMME VOUS LE MÉRITEZ, TOI ET TOUTE TON ASCENDANCE AVEUGLE ET CRUELLE QUI AVEZ PERSÉCUTÉ LES GENS COMME NOUS !"

M'efforçant de ne pas m'attarder sur les paroles défouloirs de mon adversaire, je pivotai sur moi-même pour esquiver son attaque impulsive et irréfléchie. Déséquilibré par son mouvement instable, le chef Yiga tenta maladroitement de se rattraper vers l'avant et, voyant la brèche pour en finir, je m'interposai entre lui et le sol et jetai mon bras armé vers l'avant.

Ma lame transperça dans un craquement écœurant la naissance de l'épaule du Grand Kohga et ressortit au niveau de son omoplate, pointée vers le ciel sombre. Soutenant de mon bras libre le torse de mon ennemi avachi, hoquetant, je ne pus m'empêcher de lui souffler avec mépris :

"La déesse Hylia t'attend, je crois qu'elle a des comptes à régler avec toi."

Et sur ces mots, je repoussai l'homme qui s'écrasa sur le sol puis roula en gémissant, du sang s'imprégnant dans le sable ocre.

Je m'avançai alors à son niveau, observant de haut mon ennemi gésir en souffrant à mes pieds. Il était parfois prit de convulsions et j'ignorai quelle pouvait être son expression sous son masque. Mes doigts se serrèrent autour de la fusée de mon épée et je levai mon arme au dessus de lui en l'empoignant à deux mains. Il ne sembla pas y réagir, continuant d'agoniser dans son sang avec des hoquets pathétiques.

Malgré toute la rancœur que je pouvais éprouver pour cet homme, je me surpris à hésiter, suspendant mon geste en l'air tandis que ma lame tremblait.

En colère contre moi-même, je pressai alors mes deux mains jointes sur le manche de mon arme à m'en faire blanchir les phalanges, levai plus haut l'épée de Légende...

Et l'abattis sans réfléchir.

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Aventures de Zelda Raphaëlle Hyrule : 1. Sauvetage chez les YigasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant