Chapitre 4

551 19 204
                                        

Allyson

Ma tête me lance tellement fort que j'ai l'impression qu'elle va exploser. Des voix m'appellent, floues, lointaines. Des mains me secouent doucement. Je reprends conscience peu à peu. Ma vue est trouble, les formes autour de moi sont floues, puis peu à peu, tout devient plus net. Ma tête tourne, mais c'est supportable. J'ai juste une drôle de sensation de brûlure. En regardant autour de moi, je ne vois que des murs blancs, froids, impersonnels.

— Hey Ally, comment tu te sens ?

J'ouvre les yeux avec difficulté et je distingue Ayden. Il est penché vers moi, un air inquiet sur le visage, et m'aide à me redresser un peu.

— Où est-ce qu'on est ? je demande, la voix pâteuse.

— À l'hôpital. Tu as fait un malaise. Tu ne manges pas assez, c'est pour ça que tu t'es évanouie. Tu vas sûrement avoir une petite bosse à cause de ta chute.

Il me serre dans ses bras. Je chuchote des excuses incompréhensibles, noyée dans la culpabilité. J'aimerais tant tout lui dire. Que si je ne mange pas, c'est parce que maman veut que je reprenne le patin à glace. Que pour elle, je dois avoir une silhouette parfaite. Mais je ne peux pas lui dire. Si Aaron, mon beau-père, découvre ça, il pourrait quitter ma mère, et je ne veux pas que ça arrive. Même si elle me traite mal depuis que j'ai arrêté le patin. Depuis que ma sœur est morte. Depuis que papa n'est plus là non plus.

Je me force à penser à autre chose. Aux bras d'Ayden autour de moi, à ses mots doux, à ses « je t'aime », à ses « fais attention à toi ». Mon regard parcourt la pièce, mais maman n'est pas là. Depuis la mort de ma sœur, qui a entraîné celle de mon père, elle ne m'adresse plus la parole. Au début, ça me brisait. Maintenant, j'ai fini par m'y faire. Elle me tient pour responsable de l'agression. J'avais que treize ans... Je vis avec ce poids chaque jour. Je me souviens encore de ses mains sur moi, de ses mots sales, de ses menaces. Et surtout de sa dernière phrase, celle qui me hante encore.

Je me redresse avec peine. Mes jambes sont molles, alors je m'appuie sur Ayden, qui m'aide à tenir debout.

— On peut marcher un peu ? J'ai des fourmis dans les jambes... et j'ai faim, je dis en levant les yeux vers lui.

— Désolé, je dois aller chercher Ella. Elle veut te voir. Mais si t'as besoin de quelque chose, demande à Ewen. Il reste là en attendant que je revienne.

Trop fatiguée pour protester, je me laisse tomber au bord du lit et regarde Ayden s'éloigner. Je l'appelle, mais c'est Ewen qui apparaît dans l'encadrement de la porte.

— Tu peux m'accompagner au distributeur ? J'ai faim... et soif, s'il te plaît, je dis sans croiser son regard.

Il s'avance pour m'aider, mais je le repousse aussitôt.

— Je ne suis pas une handicapée, Ewen. Je peux me débrouiller seule.

Je fouille dans mon sac, mais je ne trouve rien. Pas un sou. Génial. Comment je vais manger maintenant ? Mon ventre gargouille tellement fort qu'on dirait qu'il crie famine. Maman me disait de manger plus, que j'étais trop maigre. Et parfois, elle me disait de moins manger, parce que j'avais grossi. J'ai fini par ne plus rien avaler. Juste pour qu'elle soit fière de moi, au moins une fois.

Je réalise qu'Ayden est parti avec l'argent. Je lève les yeux vers Ewen, qui me fixe déjà.

— T'aurais un peu d'argent à me prêter ? Juste de quoi manger.

Il hoche la tête sans un mot et on se met en route. On marche lentement dans les couloirs de l'hôpital. Je m'appuie contre les murs, mes jambes tremblent, elles ont du mal à me porter. Je manque de tomber plusieurs fois. Ewen s'approche et passe un bras autour de ma taille pour me soutenir. Sa main contre moi m'envoie une étrange décharge à travers tout le corps.

Linked Fates Où les histoires vivent. Découvrez maintenant