Linked Fates

Chapitre 8

Allyson

Je prends une grande inspiration avant de poser mes lames sur la glace. D'abord hésitante, je me laisse glisser lentement, le froid mordant sous mes pieds. Peu à peu, je retrouve mes marques, je fais quelques tours, doucement, puis en arrière. Enfin, je respire. La glace fait partie de ces rares endroits où je me sens moi-même, libre, entière.

Je continue de patiner avant de rejoindre Ella qui m'observait depuis le début.

— On dirait que t'es super à l'aise sur tes patins. Ton frère ne m'avait pas dit que tu en faisais, lance-t-elle en regardant mes appuis.

— Ça me fait quand même bizarre de reprendre.

— C'est totalement normal. Tu n'en as pas fait pendant deux ans. Si tu t'entraînes petit à petit, tu pourras refaire ce que tu savais faire, m'interrompt-elle avec douceur.

— Ella, je veux pas reprendre. Je suis ici pour me vider la tête, c'est tout, je souffle avant de m'éloigner sur la glace.

Je recommence à sauter. Boucle, triple Salchow, Axel. Les chutes s'enchaînent, les échecs aussi. Mais à force d'essayer, les réflexes reviennent. Mes jambes se souviennent. C'est comme le vélo. Tu peux arrêter pendant des années, mais ton corps, lui, n'oublie pas.

Je me lance ensuite dans quelques pirouettes. Elles passent du premier coup. J'appelle Ella :

— Tu peux lancer The Night We Met, s'il te plaît ?

La musique démarre. Je ferme les yeux une seconde et me laisse emporter. Les notes guident chacun de mes gestes. Mes mouvements sont lents, fluides, habités. Mes bras dessinent l'air. Mon corps raconte ce que mes mots n'ont jamais su exprimer. La musique se termine. Je rouvre les yeux, essoufflée.

Des applaudissements.

Je me retourne. Ewen. Il est là, en train de me regarder. Je sens la colère monter. Il m'avait promis qu'il resterait dehors.

Je patine droit vers lui, le regard noir, et je le pousse, énervée :

— Tu m'avais dit que tu regarderais pas, Ewen !

— Miller, calme-toi. Pourquoi tu caches autant de potentiel ? dit-il en posant ses mains sur mes épaules.

Je tente de me dégager, mais il resserre sa prise, puis lève mes joues du bout des doigts pour que je le regarde.

Je détourne les yeux.

— Ally, tu as du potentiel. Je te le jure.

Il finit par me lâcher. Je vais m'asseoir sur les tribunes, retire mes patins et enfile mes baskets. Je ne veux pas parler. Je veux juste fuir.

Je monte dans sa voiture, ma tête appuyée contre la vitre. Le silence est lourd. Il est l'heure de dîner, mais je ne veux pas voir ma mère. Pas ce soir. Pas après ce qu'elle a fait.

— Ewen ? je demande en tournant la tête vers lui. T'as eu des nouvelles d'Ayden ?

— Ta mère veut qu'on mange tous ensemble. Mais demain y'a cours, donc j'ai refusé.

Je hoche la tête, puis murmure :

— S'il te plaît, reste avec moi ce soir. J'ai besoin de toi. Je connais ma mère, je sais ce qu'elle va me faire. Reste... juste ce soir.

Il refuse.

Je le supplie encore, la voix tremblante. Il refuse à nouveau.

Alors que nous approchons de la maison, je saisis son visage, le force à me regarder.