Chapitre 2

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    Quand Elisabeth entra dans la cuisine ce soir-là, son père était en train de cuisiner, un tablier noué autour de la taille.
    — Je nous ai préparé ton repas favori ! s'exclama-t-il joyeusement lorsqu'il la vit apparaître dans l'encadrement de la porte. Regarde !
    Le visage réjoui, il brandit une poêle d'où il fit sauter une nouvelle crêpe avant de la déposer dans une assiette.
    — Viens, installe-toi ! fit-il en tirant la chaise du bout de table où Elisabeth avait l'habitude de s'asseoir lorsqu'elle était enfant.
    Cette dernière regarda son père avec adoration : il était tellement mignon à tenter de lui faire plaisir. Sur la table, il avait pris soin d'installer plusieurs petits bols remplis de différents ingrédients. Elle savait qu'il les avait spécialement préparés pour elle car son père avait toujours préféré manger toutes ses crêpes à la crème de marron.
    Gourmande comme elle était, ado, Elisabeth adorait garnir ses crêpes d'une multitude d'éléments : chocolat fondu, bananes, chantilly, glace à la vanille ou tout autre ingrédient qui lui tombait sous la main.
    Pourtant, ce soir-là, elle dut se forcer pour terminer son plat. Depuis qu'elle avait arrêté le surf, trois ans plus tôt, elle avait subitement perdu l'appétit. C'est là qu'elle avait commencé à perdre du poids. A présent, elle ne prenait plus aucun plaisir à manger et redoutait chaque jour un peu plus l'heure du repas : elle se sentait bien souvent écœurée au bout d'à peine quelques bouchées et ne parvenait que très rarement à finir son assiette.
    Aussi, alors que son père s'apprêtait à la resservir pour une deuxième tournée, elle repoussa poliment son assiette :
    — Non, merci. Je crois que je vais m'arrêter là pour ce soir.
    — Tu n'en manges qu'une seule ? s'étonna son père.
    — Je n'ai pas très faim, prétexta Elisabeth. Je crois que le voyage m'a épuisée. Mais c'était délicieux, vraiment ! Merci, Papa !
    Ce dernier ouvrit de grands yeux, le regard mi-blagueur, mi-interrogateur.
    — Où est passé mon Elise et son appétit d'ogre que je lui connaissais tant ?
    Préférant esquiver le sujet, Elisabeth annonça avec un entrain quelque peu forcé que la météo annonçait du beau temps pour la semaine à venir.
    — Justement, que dirais-tu d'aller aux activités du club Jeunes, les après-midis après tes cours ? Je me rappelle, enfant, tu rêvais d'avoir l'âge pour pouvoir y participer ! La présentation du programme a lieu samedi.
    Monsieur Armilhac guettait la réaction d'Elisabeth, le regard plein d'espoir à l'idée qu'elle accepte. Mais son sourire re-disparut aussitôt lorsqu'il vit la moue qu'elle affichait. Il était conscient de son état de solitude mais il ne savait pas comment s'y prendre pour lui parler. Il avait manqué tellement de choses dans la vie de sa fille au cours de ces trois dernières années qu'un certain fossé s'était creusé entre eux.
    — Très bien, j'irai peut-être y faire un tour..., concéda finalement Élisabeth, sans grande motivation.

Samedi 29 juin 2019

    Devant tant d'insistance de la part de son père, Elisabeth avait finalement accepté de participer aux sorties. Non pas qu'elle en ait particulièrement envie mais ça avait semblé lui faire tellement plaisir. Et puis, au moins, il la laisserait tranquille...
    Elle se trouvait maintenant à la Maison de la Glisse, bâtiment qu'elle avait aidé son père à concevoir, quatre ans plus tôt.
    Un moniteur présentait le programme des animations et des soirées de l'été – auxquelles elle n'irait d'ailleurs probablement jamais... Chaque après-midi, une activité différente était prévue : balade à pied, sortie VTT, initiation au surf, ski nautique, olympiades, concours de beach-volley... et encore tout un tas d'autres animations spécialement conçues pour le groupe « Jeunes » du village vacances.
    A l'approche de Monsieur Armilhac, le moniteur s'effaça et lui laissa la parole.
    — Bienvenue à toutes et à tous à notre premier pot d'accueil de la saison ! s'exclama chaleureusement ce dernier. Promis, je ne vous interromprai pas longtemps ; pas de discours pour cette année. Je voulais simplement vous souhaiter un bon séjour au sein de notre village vacances Terre de Glisse. Le programme vous plaît-il ? Les moniteurs aussi, Mesdemoiselles? J'espère ne pas les avoir trop mal choisis...
    Éclat de rire général. En son for intérieur, Elisabeth se dit que son père était sûrement bien loin de se douter de la réalité. Chaque année, il choisissait ses employés avec soin. Il aimait avoir des personnes sérieuses en qui il estimait avoir confiance. Son père croyait vraiment que les moniteurs étaient là pour travailler... Ce que les parents pouvaient se montrer naïfs, parfois ! La plupart des membres du Staff d'été étaient des mordus de sports de glisse qui venaient là pour se faire un peu d'argent, profiter de l'océan et surtout, pour s'amuser et faire la fête. Pour être sortie avec plusieurs d'entre eux par le passé, Elisabeth savait ce que c'était...
    — Je vous amène une retardataire. Voici ma fille, E...
    — Elisabeth, s'empressa-t-elle de terminer.
    Elle savait que son père l'aurait présentée sous le prénom d' « Élise », son diminutif habituel. Depuis toute petite, tout le monde l'avait toujours surnommée de cette manière. Sauf sa mère... Et toutes les personnes qu'elle avait rencontrées durant ces trois dernières années.
    A son arrivée à Paris, elle avait voulu tirer un trait sur « Élise ». Sous ses incessantes protestations, même sa sœur s'était finalement résignée à l'appeler par son véritable prénom. Aujourd'hui, seul son père continuait à la dénommer ainsi. Alors pas question qu'Élise refasse surface et qu'elle risque d'être reconnue !

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