Chapitre 6

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     Elisabeth était tellement pressée à l'idée de revoir Léo qu'elle arriva avec plus d'une demi-heure d'avance au point de rendez-vous pour l'activité de l'après-midi. Bien entendu, il n'y avait encore personne... Pour tuer le temps, elle décida d'aller faire un tour au bord du lac. Bercée par le clapotis de l'eau, elle ne vit pas l'heure tourner et, quand elle revint à la Maison de la Glisse, tous les jeunes étaient déjà présents. Un groupe semblait même sur le point de partir.
    Elle chercha rapidement Léo du regard. Lorsqu'elle l'aperçut enfin, elle sentit son cœur battre dans sa poitrine et elle s'approcha, toute excitée.
    — Salut ! s'exclama-t-elle, rayonnante.
    Un carton sous le bras, Léo se retourna et lui lança un petit sourire :
    — Hé, salut ! Tu vas bien ?
    Mais à peine eut-elle le temps d'ouvrir la bouche pour lui répondre qu'il était déjà parti. Déçue, Elisabeth haussa les épaules. Tant pis ; elle aurait sans doute l'occasion de discuter avec lui un peu plus tard.
    Malheureusement, il fut très occupé durant tout le début d'après-midi. En l'occasion de la soirée olympiades prévue le soir même, Léo et deux autres moniteurs étaient en train de porter des planches de bois tandis qu'une fille installait des plots dans le sable. Alors, à regret, Elisabeth rejoignit le groupe qui partait en balade à travers la forêt.

***

    En rentrant chez elle, Elisabeth ramassa le courrier sans grande motivation. Elle s'apprêtait à poser le tas de papiers – probablement tous des factures de son père – sur la table de la cuisine lorsqu'elle entrevit son prénom inscrit en grosses lettres sur une enveloppe. Il n'y avait ni timbre ni adresse.
    Sa curiosité soudain éveillée, elle l'ouvrit et en sortit un bout de feuille pliée en quatre sur laquelle il était simplement écrit : « La vie est trop courte pour la passer à regretter tout ce qu'on n'a pas eu le courage de tenter. Marie-Claude Bussières-Tremblay ». Abasourdie, Elisabeth retourna le mot pour voir si quelque chose d'autre figurait au dos.
    « Je n'ai pas encore réussi à remettre la main sur ma dissertation. Mais en attendant, comme promis, voilà une citation sur le bonheur et l'accomplissement de soi que j'ai retrouvée en farfouillant dans mes anciens cours. Je me souviens m'en être servie, j'espère qu'elle t'aidera toi aussi. Je t'en ferai passer d'autres à l'occasion... Léo ».
    Un intense sentiment de joie submergea Elisabeth. Il lui avait écrit un mot ! Et qui lui était personnellement destiné ! Durant toute la soirée, elle ne put s'empêcher de relire encore et encore son message. Et, étonnamment, elle trouvait la citation très appropriée au contexte actuel. Peut-être même plus à sa propre situation qu'à sa dissertation, d'ailleurs...

***

    Une fois couchée, elle repensa à cette étrange soirée passée en compagnie de Léo et se rendit compte d'une chose : tout ce qu'elle lui avait avoué, elle n'en avait jamais parlé à qui que ce soit. Pas même à sa sœur. Et, ce soir-là, en l'écoutant, il l'avait poussée, inconsciemment sans doute, à réaliser qu'elle était plus malheureuse que jamais. Elle venait tout juste de prendre conscience que sa vie d'avant lui manquait terriblement, bien plus qu'elle ne voulait l'admettre. Et donc, par extension, que le surf lui manquait.
    Durant ces trois mornes années passées à Paris, elle s'était lassée de tout, au point d'en perdre la joie de vivre et surtout, sa principale raison d'être. Mais aujourd'hui, c'était fini. Grâce à Léo, elle venait de comprendre qu'il fallait parfois tirer une croix sur le passé pour pouvoir continuer à avancer. Et c'est bien ce qu'elle avait l'intention de faire. Elle allait vivre. Ou plutôt revivre.

A contre-courantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant