— Albin Lucie, tu te mets avec qui ?
— Avec Inès, Antoine et Sarah !
Alex était en train de constituer les équipes pour l'animation Olympiades.
Depuis toute petite, Elisabeth avait toujours détesté son nom de famille, qui la plaçait en tête de liste d'appel. Autrefois, car elle pouvait être certaine de figurer parmi les premiers élèves interrogés par les profs pour réciter une leçon – leçon que, bien souvent, elle avait survolée le matin-même sur le trajet de l'école. Et aujourd'hui, car tout le monde allait vite s'apercevoir qu'elle se retrouvait seule, sans personne avec qui faire équipe.
— Armilhac...
— Élise ! l'appela son père au même instant depuis la grande baie vitrée. Viens voir deux minutes s'il te plaît, j'aimerais avoir ton avis.
Sauvée par le gong, songea-t-elle.
Ravie d'échapper à une humiliation publique, elle s'éclipsa discrètement pour rejoindre son père. Tant pis pour les équipes, ils lui en attribueraient bien une d'office... De toute manière, ce n'était pas comme si elle avait l'embarras du choix.
Son père, en bleu de travail, s'apprêtait à repeindre la façade extérieure du bâtiment.
— Quel marron préfères-tu ? Pin d'Oregon ou chêne foncé ?
— Pin d'Oregon !
Ayant conçu la Maison de la Glisse eux-mêmes quelques années plus tôt, Monsieur Armilhac savait combien cet édifice comptait aux yeux de sa fille. Ils y avaient travaillé des jours durant, sans relâche, et y avaient consacré toute leur énergie, ne rentrant parfois pas avant la nuit tombée.
Elisabeth sourit tristement en repensant à cet heureux souvenir ; à la bataille de peinture qu'ils avaient disputée, sa mère, son père ainsi que sa sœur et elle en fin de journée. Et à la manière dont ils avaient ri. Jamais elle ne pourrait oublier ce regard empreint de complicité et d'amour mêlés qu'avaient échangé ses parents. L'un se tenait les côtes de rire tandis que l'autre s'essuyait une larme de joie au coin de l'œil. Ce regard, aussi futile et rapide soit-il, avait suffi pour effacer toutes ses craintes concernant l'union de ses parents – du moins, sur le moment.
Elisabeth posa la paume de sa main contre l'amas de tâches beiges que Clara avait envoyées sur le mur fraîchement enduit de peinture alors qu'elle essayait de la prendre pour cible avec son pinceau. Le crépi s'effrita bientôt sous ses doigts avant de tomber en lambeaux. Elisabeth soupira.
Son père lui donna une tape amicale sur l'épaule.
— Allez, file ! Ils n'attendent que toi !
Lorsqu'elle eut regagné le groupe, Elisabeth s'aperçut que Léo, à quelques mètres d'elle, l'observait. En fait, il la dévisageait. C'était comme s'il voulait savoir quelque chose.
— Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquit-elle, gênée, lorsqu'il l'eut rejointe.
A tous les coups, elle avait mis son tee-shirt devant-derrière ! Ou, non, pire encore : il lui restait de la sauce tomate du déjeuner sur les lèvres ! Dans le doute, elle s'essuya discrètement la bouche du revers de la main, juste au cas où...
Léo secoua brièvement la tête, comme pour lui manifester l'insignifiance de sa pensée.
— Non, non, rien... Je venais juste voir si tu avais trouvé tes coéquipiers.
— Non, je... j'ai dû rejoindre mon père quelques minutes, se justifia Elisabeth, embarrassée à l'idée de lui avouer qu'elle n'avait trouvé d'âme charitable pour lui proposer de faire équipe avec elle.
— Alors on dirait bien que l'on va devoir faire équipe ! fit Léo dans un sourire. Je n'ai personne moi non plus.
Elisabeth haussa un sourcil étonné.
— Tu joues aussi ?
— Bien sûr ! Tu ne crois quand même pas que, sous prétexte que nous sommes animateurs, nous allons nous contenter de vous regarder jouer ? déclara-t-il dans un sourire malicieux avant d'ajouter : viens, on va chercher d'autres personnes pour faire équipe avec nous.
Ils se joignirent à six autres personnes, ce qui faisait au total quatre équipes de huit à neuf joueurs chacune : le Portugal mené par Thomas, l'Allemagne et la France toutes deux menées par des animateurs dont Elisabeth ignorait le prénom et, pour finir, les Pays-Bas, équipe à laquelle Léo et elle appartenaient.
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A contre-courant
Roman pour AdolescentsLacanau, été 2016. Jeune athlète à l'avenir prometteur, Elisabeth Armilhac partage son temps libre entre les entraînements de surf, les sorties avec sa bande d'amis, son petit ami et sa sœur jumelle, Clara. Une existence heureuse et pleine de promes...