Chapitre 8

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     De retour au local à surf, Léo rangea sa planche en vitesse et sauta sur son vélo :
    — Je me dépêche, je suis un peu pressé ce soir ! On se voit demain à la même heure pour l'entraînement ?
    — Oui, parfait. A demain alors !

***

    Tandis qu'elle prenait tranquillement le chemin du retour en direction du village vacances, Elisabeth se demandait où est-ce qu'il pouvait bien aller ? Avait-il rendez-vous avec sa copine ? Lorsqu'elle se souvint. Oui, il allait voir une fille, non pas sa copine, mais ELLE ! Comment avait-elle pu oublier ? Elle accéléra le pas et se mit bientôt à courir.
    Le matin même, en allant à son cours de littérature, elle avait discrètement glissé un mot dans son casier. Elle lui avait proposé de la rejoindre en fin de journée derrière la Maison de la Glisse. Elle avait signé Clara, bien sûr.
    Pas très malin maintenant qu'elle y pensait. Lui donner rendez-vous à la Maison de la Glisse, l'un des plus importants lieux de passage du village, c'était bon pour être repérée ! Et si son père la voyait, il risquait de tout faire capoter. A lui, impossible de lui faire avaler qu'elle était Clara !

    Une fois arrivée à la Maison de la Glisse, Elisabeth jeta un coup d'œil à sa montre, haletante. Aille ! Il lui restait très exactement quatorze minutes pour changer d'identité et passer de Mary Ingalls à la belle et attirante Clara.
    Deux filles discutaient devant les vestiaires et n'avaient pas franchement l'air pressées. Exaspérée, Elisabeth alla se cacher derrière des buissons en priant pour que personne ne passe à ce moment-là. Qu'importe ! Elle n'avait plus le temps... Elle attrapa le tuyau d'arrosage et se rinça abondamment les cheveux, dans l'espoir de faire disparaître ce qu'il restait de sa dernière teinture.
    Avant d'aller à l'animation olympiades, mardi après-midi, elle avait pris soin de refaire sa coloration aux tons châtains, mais cette fois-ci avec une coloration temporaire. D'après ce qui était écrit sur l'emballage, elle devait disparaître au bout de seulement quelques lavages. Cela lui permettrait de jongler plus facilement entre les cheveux blonds de Clara (sa couleur naturelle, en réalité) et sa teinture noisette qu'elle avait l'habitude de porter depuis qu'elle habitait Paris. Par chance, sa session de surf avait déjà permis d'en atténuer la couleur.
    Au moment de mettre son beau maillot de bain, elle regarda deux fois de chaque côté pour s'assurer que personne n'arrivait. Alors, elle sauta précipitamment dedans et enfila par-dessus le short qu'elle s'était apportée. En mettant sa main dans la poche de son sac, elle rencontra par hasard un ancien gloss qu'elle avait l'habitude de porter lorsqu'elle avait quinze ans. Probablement périmé depuis des années mais qu'importe ! Il ferait l'affaire. Elle en appliqua une légère couche sur ses lèvres. Enfin, elle secoua ses cheveux encore mouillés pour leur donner un aspect faussement décoiffé et enlever cette apparence de petite fille sage. Heureusement, sous l'effet du sel marin, ils bouclaient très facilement !

    Quelques secondes plus tard, Léo apparut à l'angle du bâtiment. Elisabeth soupira de soulagement. Il était moins une ! Elle ré-ajusta une mèche de cheveux derrière son oreille avant de remonter ses lunettes sur son nez. Ses lunettes ! S'il les voyait, il allait tout de suite comprendre !
    Pour la première fois, Elisabeth se demanda comment avait-elle pu choisir une paire aussi immonde lorsqu'elle avait décidé d'abandonner ses lentilles en arrivant à Paris. Des montures toutes rondes, énormes, et vernies qui plus est ! Dans le style intello sérieuse et coincée, il n'y avait pas mieux ! Était-ce pour contrarier sa mère ou, au contraire, avait-elle suivi ses conseils ?
    Elle n'eut pas le temps de se pencher davantage sur la question que Léo arrivait dans sa direction. Elle portait toujours ses lunettes sur le nez ! Et dire qu'elle avait bêtement jeté ses lentilles journalières après leur session de surf... Elle n'avait plus le choix ; et tant pis si elle n'y voyait plus rien ! Dans un mouvement précipité, elle ôta ses lunettes et les fit malencontreusement tomber par terre.
    Moins d'une seconde plus tard, Léo se tenait à sa hauteur. Lorsqu'il l'aperçut, il se fendit d'un large sourire. Puis, un air interrogateur se dessina sur son visage.
    — Clara ? Qu'est-ce que tu fais, cachée dans un buisson ?
    Au même instant, Elisabeth vit le verre de ses lunettes étinceler au soleil. Prise d'une soudaine bouffée de chaleur, elle les poussa derrière elle du bout du pied. Il faudrait qu'elle pense à revenir les chercher ! Ce qui n'allait pas être une mince affaire étant donné qu'elle était myope et que, sans ses lunettes ou ses lentilles, elle n'y voyait pas à plus de deux mètres !
    — Clara ? reprit Léo.
    — Oui, pardon ! En fait, j'ai cru voir passer... ma sœur.
    — C'est possible, on est allé surfer ensemble et l'on est revenu il n'y a pas longtemps.
    — Cool, ça doit lui faire plaisir, j'imagine. Au fait, je suis retournée surfer lundi après-midi et je vous ai attendus, tes crêpes et toi, mais vous n'étiez pas là !
    — Ah, j'en étais sûr que tu ne m'appréciais que pour mes crêpes, plaisanta Léo, d'un air faussement indigné. Non, je voulais y aller mais j'ai eu pas mal de boulot ces derniers temps et ça n'a pas été possible... Par contre, moi j'y suis retourné mercredi et tu n'y étais pas non plus, la taquina-t-il.
    — Ah bon ? Mince, je serais venue si j'avais su !
    — C'est vrai que j'ai oublié de te demander ton numéro la dernière fois. Si tu peux me le passer et je t'enverrai un message pour que tu aies le mien. Comme ça, on retournera se faire quelques sessions de surf ensemble !

    Dix minutes plus tard, Elisabeth s'éloignait, triomphante. Elle n'avait pas fait cinquante mètres que son portable se mit à vibrer. Un message d'un numéro inconnu était affiché à l'écran : « On va surfer demain aprèm ? », suivi d'un smiley qui faisait un clin d'œil. Amusée, Elisabeth gloussa et se retourna. Le portable à la main, Léo se tenait sur le chemin, un sourire malicieux aux lèvres.

A contre-courantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant